Malheureuse d'avoir cassée ma voiture

vivant. Je sais, je sais, je sais… Mais :

Il y a deux semaines, j’ai eu un accident de voiture. J’ai perdu le contrôle, la voiture a volé par dessus une haie et a terminé dans un mur. Je n’ai rien eu, à part quelques contusions. La voiture est fichue, les réparations coûteraient deux fois le prix que je l’ai payée il y a 7 ans. Mais je n’arrive pas à réaliser. Je vivais une relation passionnelle avec ma voiture. Je l’aimais comme on peut aimer un animal, au moins. Et je m’en veux, de lui avoir fait subir ça, de l’avoir cassée, je sais que c’est moi qui aie fait une erreur de conduite, une faute d’inattention qui lui a coûté la vie. Je revis sans cesse le film de l’accident, et je m’imagine toutes les solutions, tout ce que j’aurais pu faire pour éviter ça.
J’ai beau me répéter et me répéter encore que ce n’était qu’une voiture, que c’est matériel, que ce ne sont que des sous, j’ai l’impression d’avoir tuer une amie.
Titine était une 4L magnifique, gris métallisée, de 1982, une voiture familiale, conduite uniquement par ma famille, mon grand père quand il était encore la, ma tante, ma cousine, ma mère, mon père, mon frère et moi. Elle n’avait que très peu de kilomètres pour son age, elle était dans une état hors paire, je me vantais souvent d’avoir probablement la 4L dans le meilleur état de conservation au monde. Je la chouchoutais, glissant une couverture entre son moteur et son capot les nuits d’hiver qu’elle devait passer dehors, j’avais en permanence une seconde tête de delco pour la changer par une toute sèche les jours de grande humidité, je la briquait comme une princesse et ces jours-la tout le monde s’arrêtait devant dans la rue… J’avais envie de lui mettre un écriteau sur les vitres « NON, je ne suis pas à vendre », tellement j’en était malade de jalousie que tout le monde la reluque comme ça.
Hier, Maman est allé acheter une voiture en mon nom, pour la remplacer, une Saxo d’occas. J’avais envie de lui crier que je n’en voulais pas, que je voulais Titine, qu’aucune voiture sans âme ne pourrait remplacer ce qu’elle m’apportait. Je veux ma voiture, pas une saxo de merde.
Quand Maman m’a dit que j’étais propriétaire de cette nouvelle voiture, j’ai eu l’impression que cela signait l’arrêt de mort de Titine, comme si je la tuais une second fois. Après avoir raccrocher le téléphone, j’aurais aimé pouvoir courir jusqu’au garage où est entreposer Titine et pleurer à chaudes larmes pendant des heures sur sa jolie carrosserie grise, la nettoyer pendant des heures, j’avais l’impression que je pourrais effacer les traces de l’accident comme ça.
Je ne sais pas ce que je vais faire de la dépouille de mon amie. Mes parents ne comprendront pas que je veuille la garder, et puis on a pas trop la place, et puis si elle ne roulait pas elle s’abîmerait. Mais je ne veux pas la mettre à la casse. Et la vendre pour pièce me brise le cœur je ne veux pas qu’elle termine en petit morceau. Ce que je voudrais c’est prendre des cours accélérés de mécanique pour apprendre à la réparer seule, aller sur les casses pour trouver les pièces, la remettre à neuf pour lui offrir une seconde vie et mettre aux ordures cette putain de saxo que je déteste pour reprendre ma vieille amie. Mais ce n’est pas possible.

Je voulais juste crier ma détresse.
Je voulais juste l’écrire. Parce que je ne comprends pas comment on peut être aussi malheureuse, alors que ce n’est « qu »’une voiture.
Je suis abattue, et je m’en veux de l’être autant alors qu’aucun drame humain n’est arrivé.