Artiste chanteuse, musicienne (en particulier violon alto) et comédienne, cette ronde active a plus d’une corde à son arc.
Théâtre, Opéra, cabaret, professeur d’art dramatique, d’éveil musical et mise en scène … lorsque l’on regarde le parcours de Marie Cayrol on ne sait plus où donner des yeux.
Superbe modèle aux cheveux flamboyant, cette lyonnaise pulpeuse démontre à chacun de ses pas que rien n’est impossible aux rondes que la passion et le talent guident !
Impressionné par un tel parcours, vivelesrondes vous propose une interview de Marie Cayrol afin de mieux connaître cette artiste et de voir quel rôle les rondeurs on joué dans sa vie.
Questions de Eve03 et Flying_saucisse à Marie Cayrol :
J’ai longtemps eu l’impression que j’étais peu gracieuse sur un plateau, et les cours de danse qui allaient de paire avec ma formation théâtrale étaient pour moi un véritable supplice. Il s’agissait plus toutefois d’une dépréciation de mon image due aux réflexions d’autrui que de problèmes physiques. Comme beaucoup de rondes je suis très souple (trop dirait mon kiné !) et étant plutôt sportive, je n’avais pas de problème d’essoufflement. Mais l’éternelle question des portés me mettait extrêmement mal à l’aise puisque j’étais plus lourde que la plupart de mes partenaires masculins ! Avec l’âge qui avançait et entrant dans le monde professionnel, j’ai eu heureusement de moins en moins de problème face au regard des autres : on me respectait pour mes qualités et les danseurs savaient en tirer parti. J’ai aussi eu l’occasion de voir en vidéo un show de Liza Minnelli dans lequel une de ses danseuses était très ronde, mais ne déparait pas du tout dans le spectacle, au contraire, la diversité des physiques et des genres et couleurs de peaux le rendait attachant pour tous : cela m’a définitivement débarrassé de mes complexes au sujet de la danse.
Au contraire, je me suis toujours sentie à l’aise dans les parties chantées : peut-être est-ce due à l’imagerie populaire qui parle les grandes cantatrices de rondeurs proportionnelles à leur organe et leur présence scénique …
Ceci est pourtant une légende, car le coffre n’a rien à voir avec le tour de taille. Cependant, j’ai pu remarquer que les chanteurs ronds ont aussi un timbre de voix … rond ! Bref, si cela est lié essentiellement au monde du chant lyrique et au gospel ( pour la variété , il est préférable d’avoir un physique irréprochable plutôt que des qualités vocales semble-t-il ) on commence à voir quelques chanteuses de soul ou r’n’b qui assument leurs rondeurs ( mais elles témoignent généralement des difficultés qu’elles ont eu à s’imposer .)
Mais n’y a-t-il pas des moments où être ronde pose des problèmes ? (par exemple aux essayages des costumes de théâtre… )
Bien sûr, cela m’a fermé de nombreuses portes : par exemple le domaine de l’audio-visuel et du cinéma semblent hermétiquement clos aux rondes qui n’ont pas atteint la quarantaine ! Sinon, des rôles de femmes mûres sont volontiers distribués à des rondes, mais je trouve dommage que celles-ci ne soient pas plus exploitées comme sujet de séduction dans leur jeunesse et qu’on les cantonne souvent (au théâtre comme au cinéma) dans des rôles maternels ou pour les plus jeunes «la copine rigolote et boulotte».
Comme je l’évoquais plus haut concernant le monde de la chanson, les sélections ( même l’ANPE ! ) sont actuellement établies par des critères physiques et les annonces ne font même pas allusion à de quelconques qualités vocales recherchées, ou encore à des notions de solfège ! Ces producteurs recherchent à la limite des mannequins, mais certainement pas des chanteuses ou des artistes.
Evidemment, j’ai depuis longtemps mis un trait définitif sur ce milieu du showbiz qui est si lointain de mes aspirations artistiques et de mon profil. Je regrette seulement que ces musiques si populaires ne permettent jamais à des jeunes filles rondes de se reconnaître, car on leur assène ces modèles en leur faisant confondre l’art et des produits marketing prêts à consommer : Si certaines ont un petit talent musical cela les persuadera qu’elles ne pourront jamais percer dans ce domaine.
Des directeurs de castings m’ont parfois entendue, et ont été enthousiastes :
«Vous avez une voix magnifique ! Perdez 30kg, faites du sport, on vous relooke et vous serez une star !» Euh … non merci !
Pour conclure, il ne faut pas s’illusionner, oui être ronde ferme beaucoup de porte dans le showbiz, mais finalement pas tant que ça; pour ma part j’ai toujours désiré être une artiste, pas une star ou un produit télé. Je pense que même avec un physique de jeune première j’aurais préféré être reconnue pour mes qualités artistiques par le public et mes pairs que «consommée» comme un produit jetable par des millions de téléspectateurs. Je n’aurais pas eu envie d’être un feu de paille, et je préfère tailler mon propre chemin, monter moins haut peut-être, mais toute seule et sans avoir à changer ce que je suis.
Concernant les costumes, la plupart sont taillés sur mesure donc je n’ai pas de problème à y entrer.
Par contre, j’ai des grandes et régulières variations de poids, et d’une année sur l’autre, le plus dur est parfois de rentrer dans un ancien costume : je m’arrache régulièrement les cheveux à ce propos ! lol
Des doutes, j’en ai toujours ! (rire). J’ai eu la chance de tomber sur des professeurs qui ne m’ont pas découragée , mais la plupart ne m’encourageaient pas non plus, ne voulant pas m’illusionner et présageant les difficultés et parfois les humiliations que j’aurais à subir. Je pense que beaucoup n’imaginaient pas que je deviendrais professionnelle, sans doute à cause de cela.
Certains m’incitaient à maigrir, parfois sans trop de tact, mais à leurs yeux «pour mon bien». Mais les gens n’imaginent souvent pas à quel point leurs bonnes intentions sont destructrices pour la confiance en soi, et j’aurais apprécié plus de soutien dans ma «lutte» pour imposer mes qualités sans avoir à me fondre dans un moule. Surtout de la part de ma famille .
Je déteste toujours autant me voir et j’évite les vidéos des spectacles, mais je commence à parfois trouver les photos intéressantes (rire). En fait, quand je me vois dans un rôle (les costumes et les maquillages ne sont pas toujours là pour embellir !) j’arrive à présent à voir le personnage sur la photo et pas la comédienne justement … cela a changé le rapport à mon corps en ce sens ou j’apprécie cette faculté de caméléon, et dans ma vie de tous les jours, j’éprouve alors le besoin de rester très naturelle, pour que mon corps retrouve des contours qui m’appartiennent.
J’aurais tendance à répondre : les deux. Mais dans un cadre différent. Je ne saurais que trop conseiller aux adolescents de tous poils une activité artistique en relation avec le corps pour s’épanouir (théâtre, chant, danse) enseignant moi-même, j’ai pu de visu en constater les bienfaits (sur les ronds, les anorexiques, les timides, les fragiles etc); mais pour en faire son métier, je pense qu’on ne doit pas considérer cela comme une thérapie (même si cela en fait parfois office) et arriver déjà fort et bien dans sa peau, car le rythme de production ne permet souvent pas de prendre le temps d’assumer ses complexes s’ils n’ont pas déjà été résolus (ou du moins acceptés en tant que tels) sinon on risque vraiment de se faire broyer … le théâtre, avec sa complexité au niveau des personnages et la faculté que l’on demande aux acteurs de s’oublier sur scène pour être «un autre» nécessite à mon sens une personnalité bien construite et un sens des réalités objectif, sinon cela devient dangereux, et pas seulement pour les ronds !
Comment l’avez-vous vécu ou au contraire n’avez-vous joué que des rôles de « ronde ». (là aussi comment le vivez-vous?).
J’ai eu la grande chance de n’avoir jamais à être utilisée dans mon «emploi».
Je m’explique :
Souvent à la sortie des grandes écoles, on nous présage une carrière en rapport avec nos compétences mais aussi nos physiques (untel aura toujours «les jeunes premiers» un autre les «machiavéliques», une autre les tragédiennes etc etc). Ainsi, avec mon dynamisme, mon tempérament joyeux et mes rondeurs, je pensais me voir proposer des second rôles comiques (du moins dans le théâtre classique) comme par exemple les soubrettes chez Molière, ou des personnages à forts tempéraments et bonne dose d’autodérision.
Et aujourd’hui je constate que je n’ai jamais eu l’occasion de travailler ces personnages-là.
Ma carrure imposante et ma présence m’ont rapidement destinée à des rôles de mère (à 25 ans je pouvais camper sans problème des personnages de 40 ans) et des rôles tragiques; et j’ai aussi rencontré quelques metteurs en scènes appréciant mes formes felliniennes et contre toute attente j’ai joué des rôles de séduction extrême comme celui de Vénus (rien que cela !) ou mes longs cheveux roux, mon teint pâle et mes rondeurs semblaient me faire sortir tout droit d’une toile pré-raphaélite ! (rire)
Je n’ai jamais du coup joué de rôle «de ronde» mais je ne sais pas si on peut vraiment considérer qu’il y a une telle catégorie d’emploi au théâtre.
Et si oui est-il possible alors d’avoir une place de chanteuse ronde plutôt que de ronde qui chante (ne pas tomber dans la caricature d’un Carlos ou l’autodérision un peu forcée de Juliette).
Comme je l’évoquais dans une des questions précédente, cela me parait difficile et je crois que les deux contre-exemple que vous citez sont malheureusement de trop rares exceptions. Mais je ne veux décourager personne et cela me semble au contraire un défi des plus intéressants ! J’espère qu’un de vos internautes aura la ténacité qu’il faut pour tenter de le faire et la chance de ne pas s’y casser les dents ! Pour ma part, je produits mes propres concerts et choisis mon répertoire, je n’enregistrerais sans doute jamais de disque, mais rester hors des sentiers balisés semble être le prix de mon indépendance et de ma liberté d’être ce que je suis sans avoir à subir les diktats du showbizz, alors je l’accepte de bon gré. Si je peux participer à l’évolution des mentalités , je le ferais avec plaisir, mais le temps et la force manquent si l’on est seul à résister, et je n’aurais pas la prétention de me dresser face à tant de préjugés si il n’y a pas d’autres personnes dans mon cas. Ainsi j’encourage plutôt toutes les rondes qui veulent chanter à organiser un réseau parallèle, en marge des grosses maisons de productions, non pas pour se regrouper en ghetto, mais au contraire pour toucher les populations directement, dans une diffusion restreinte au départ mais sans doute proche des gens de tous les jours. Cela évitera beaucoup de désillusion, et si certaines font leur propre chemin avec succès (il me semble que c’est le cas de Maurane ou de Juliette par exemple ) , cela attirera sans doute l’attention des majors sur elles, autrement qu’en participants à des castings perdus d’avances, noyées dans une masse de profils identiques et fades.
Comment le public réagit-il ?
Avez-vous souvent des remarques (positives ou négatives) plus sur son physique que sur son talent ?
Pour l’instant, j’ai l’impression que le regard du public est justement axé sur mes prestations et non sur mon physique, et c’est ce que je recherche. Non pour faire oublier ce dernier, mais pour qu’il soit inclus dans les mentalités comme une partie naturelle du paysage : c’est dans l’acceptation de la différence par sa banalisation que la tolérance se crée à mon sens. On peut revendiquer sa différence, mais trop de militantisme freine parfois l’évolution des mentalités trop conformes, et je préfère que cela se passe dans la douceur : j’ai envie de crier avant tout «je suis Moi !» plutôt que «je suis une … (artiste, comédienne, chanteuse,ronde, femme, jeune, homo/hétérosexuelle, ou quelque étiquette sociologique que ce soit) bien qu’ils s’agissent là de multiples qualificatifs dont se sert la société pour bien nous définir. Je ne rejette pas ces appellations, mais ne supporterais d’être limitée à aucune. Il s’agit de facettes égales de ma définition, j’ai envie que les gens les appréhendent dans un tout harmonieux.
Pour ce qui est des remarques, il arrive régulièrement que l’on m’en fasse, et cela vient généralement de femmes plus âgées que moi et pas particulièrement rondes : elles me trouvent belle et me félicitent de ma ronde présence sur scène … comme quoi beaucoup se sentent désagréablement concernés par l’esthétique que nous impose les médias , et soutiennent un changement dans le sens de l’ouverture, même si cela ne les concernent pas directement : voilà qui est extrêmement positif, non ? ;-)
On m’a effectivement proposé à plusieurs reprise de défiler pour des collections de femmes rondes, mais pour l’instant la plupart des invitations ne se sont pas concrétisées en raison de mon emploi du temps un peu trop chargé. Toutefois, j’ai le temps de parfois poser pour des photographes, et c’est une activité qui me plait de plus en plus. Ainsi, je suis ouverte à toute proposition dans ces domaine ! (avis aux internautes ;-) )
Des artistes ronds … *réfléchis*
Et bien comme je le disais plus haut, quand je regarde le travail d’un artiste, surtout s’il n’est pas physiquement présent dans son œuvre (peintre, photographe, styliste, metteur en scène ou autre) j’apprécie souvent l’art avant de savoir si l’artiste est ou non rond … pour moi cela n’a pas vraiment d’importance, seul le talent compte !
Dans les gens que j’apprécie il y a des ronds bien sur ! Le metteur en scène Silviu Purcarete pour lequel je travaille régulièrement avec grand plaisir, mais aussi Alfred Hitchcock dont j’adore la filmographie, des actrices comme Catherine Jacob ou Marianne Sagebrecht, les chanteurs comme Monserrat Caballé, Luciano Pavarotti, Marianne James, et tous les peintres qui mettent en valeur la nudité féminine ronde : Botticelli, Rubens, etc
Si le fait d’être ronde a pu me freiner dans certains domaines, je dois avouer que cela m’avantage aujourd’hui car pour le coup, dans les castings, je ne passe pas inaperçue. *rire* Alors même quand je ne suis pas prise pour certains rôles les metteurs en scène se souviennent de moi et cela peut faciliter les contacts ultérieurs … Mon but est d’avoir une balance équitable : je veux ni que cela m’avantage (je ne tiens pas en faire un fond de commerce, ce serait limiter mes compétences à être juste un physique) ni que cela me pénalise. Il n’y a pas de hasard dit-on, seulement des rendez-vous … alors on verra bien ce que l’avenir me réserve ;-)
Oui. Souvent. Parce que parfois, se fondre dans la masse aurait été confortable … surtout quand j’étais plus jeune. Ne serait-ce aussi que pour pouvoir de temps en temps trouver des habits à sa taille, ou ne pas subir de réflexions désobligeantes quand on fait acte de gourmandise. Mais aujourd’hui je n’y tient plus particulièrement. Cela opère un tri sélectif dans mes relations, mais tant pis. Ceux qui me fréquentent doivent m’accepter pour ce que je suis de manière inconditionnelle ou tant pis pour eux. Je n’ai pas de temps à perdre à convaincre mon entourage qu’être rond n’est pas une calamité ni un handicap.
Par contre, j’ai l’intention de me remettre au sport. Je ne serais pas plus mince mais plus ferme et aussi en meilleure forme physique . Pour durer dans ce métier c’est important d’avoir une bonne santé, et je ne saurais que trop le conseiller aux internautes : une bonne hygiène de vie est sans rapport avec le tour de taille et permet de se sentir mieux dans son corps ! ;-)
Cela concernait le seul rôle ou j’ai eu des scènes de nu. C’était très bien mis en scène et très esthétique, c’est pourquoi j’ai accepté. Mais il m’a fallu me préparer pendant de longs mois psychologiquement, car je redoutais le regard de mes proches … j’aurais pu plus facilement jouer nue à l’étranger devant des milliers d’yeux inconnus que devant une salle plus petite ou j’aurais connu certaines personnes …
Pour pouvoir me sentir bien, j’ai fait un régime draconien (j’ai perdu 20 kg en 4 mois) et 2h de sport par jour. Je prenais aussi soin de mon corps comme je ne l’avais jamais fait avant (crèmes, bains, huiles, massages). Je n’en étais pas moins ronde mais cela a plus tenu du rituel pour me forger un rempart mental qu’une volonté de rentrer dans le moule (puisqu’à l’issue de ce régime je pesais 76kg pour 1m70) et du coup cela s’est très bien passé : j’ai appris à aimer mon corps en en prenant soin et à renvoyer une image épanouie et sensuelle .
J’ai une vision un peu cynique je le crains. Les femmes sont encore trop cantonnées (qu’elles soient rondes ou non) dans des positions d’objets décoratifs et sans cervelles, et pour les plus orthonormées de modèles idéalisés et aseptisés.
Je n’ai pas la télévision et m’en réjouis chaque jour. Je vais au cinéma, lis quelques journaux et beaucoup de livres, pas de magazines, et je collecte les informations sur Internet. Du coup j’échappe à ce matraquage que je trouve plutôt déprimant.
Je viens de terminer une tournée Rabelaisienne au Portugal, et entre quelques concerts données à l’occasion de Noël, et la reprise de l’opéra «Philémon et Baucis» de Haydn, je vais prendre un peu de temps pour travailler chez moi en cette fin d’année, sur mes sites Internet et de nouveaux répertoires chantés. J’ai l’intention de monter un programme de jazz vocal pour l’été prochain, et de travailler au violon alto sur des grand thèmes de musique de film. Je suis aussi à la recherche de textes et de chansons érotiques pour faire un concert dédié à ce thème au printemps à Paris (si certaines ont des suggestions) ;-)
Faites vous plaisir !
Les belles femmes sont celles qui jouissent de la vie sous toutes ses formes !
L’existence est trop courte pour la passer à se priver et à tenter d’entrer dans un moule qui ne veut pas de nous … la société vous rejette ? Ignorez-là ! Il existe des milliers de personnes enrichissantes qui n’attendent que votre présence rayonnante !
Si les populations, minorités en premier , se désintéressent de ce que nous impose les lois de la consommation, ces dictateurs finiront par changer la donne car elle ne sera plus rentable.
Cultivez votre jardin, préférez les relations humaines et/ou interactives (comme Internet et des sites comme vivelesrondes ) à la télévision (en rapport unilatéral), apprenez à penser par vous-même et à retrouver votre liberté de vivre vos goûts, votre rondeur , votre gourmandise peut-être, mais surtout votre personnalité unique ! ;-)
Merci à Marie Cayrol