Même pour les allergiques à l’Histoire de France, ce nom est souvent connu : son sobriquet a permis au roi Louis VI de rester dans les mémoires, et même d’apparaître dans un film à succès, Les Visiteurs :
Mais il serait extrêmement réducteur de ne retenir de ce roi que ce seul sobriquet : Louis VI fut un gros roi, certes, mais il fut surtout un grand roi. Et à ce double titre, il méritait bien d’être présenté ici.
Un prince très actif :
Louis, deuxième enfant du roi de France Philippe Ier (1052-1108 ) et de son épouse Berthe de Hollande (1055-1094), naquît en 1081 à Herbst.
Premier fils du roi Philippe, il fût dès sa naissance considéré comme l’héritier présomptif logique du trône, et élevé en tant que tel. Dès ses onze ans (en 1092), ainsi, il fut nommé par son père comte de Vexin, importante province au Nord ouest de l’Ile de France, à la frontière du puissant duché de Normandie. Selon l’habitude des premiers rois capétiens, il fut associé au trône par son père en 1100, et participa dès lors activement au gouvernement du royaume, la mauvaise santé de son père empêchant ce dernier de jouer un rôle actif dans ce gouvernement : on voit le prince Louis conduire les armées royales dans certaines des innombrables révoltes des turbulents barons d’une Ile-de-France encore bien peu soumise à l’autorité royale.
Nous n’avons que peu de sources sur son action à cette époque, mais il apparaît comme un chef décidé, fougueux, voire parfois ouvertement querelleur. C’est en tout cas durant cette période qu’il devint, très certainement, l’implacable chef de guerre et le fin stratège qui marqueront le début du XIIème siècle français.
Philippe Ier finit par mourir, en 1108. Louis VI, logiquement, le remplaça sur le trône, sacré en juillet à Orléans par l’archevêque de Sens. Il avait 27 ans, déjà une grande expérience du gouvernement du royaume, et une volonté ferme d’imposer définitivement l’autorité royale aux barons d’Ile-de-France.
Des conflits incessants :
Le premier adversaire du nouveau roi fut son propre demi-frère, Philippe de Mantes, que Bertrade de Montfort, seconde épouse de Philippe Ier et marâtre de Louis, tenta de pousser vers le trône. Philippe de Mantes prit la tête d’une coalition de barons révoltés contre Louis. Le nouveau roi réagit avec vigueur, et parvint, à force d’intrigues et de promesses, à semer la discorde dans l’entente des coalisés, parvenant à les rallier un à un à sa cause et à soumettre son frère.
Louis eût moins de succès face à Henri 1er Beauclerc, le puissant roi d’Angleterre, contre qui il mena deux guerres, en 1109 et 1119, sans pouvoir le vaincre.
Mais le péril le plus important auquel le roi dut faire face eut pour nom Henri V, très redoutable empereur germanique, qui envahit le royaume de France à la tête d’une immense armée. Louis dut une nouvelle fois montrer toutes ses qualités de diplomates pour regrouper autour de lui tous les vassaux du royaume et monter une coalition défensive qui parvint à repousser les troupes impériales.
Le renforcement de l’autorité royale :
Le règne de Louis VI fut marqué par une constante recherche de l’accroissement du pouvoir de la Couronne, encore bien faible à cette époque : durant les 31 ans de son règne; il soumit progressivement tous les barons belliqueux de son domaine, avant de pouvoir tourner les yeux vers un accroissement territorial : avant sa mort, il arrangea le mariage de son fils et héritier, le futur Louis VII, avec la fameuse Aliénor, héritière de l’immense duché d’Aquitaine. A ce titre comme bien d’autres, Louis VI le Gros apparaît bien comme le premier des grands rois capétiens, les Philippe Auguste, saint Louis et Philippe le Bel, qui allaient transformer le royaume de France, petite et morcelée principauté, en un grand royaume moderne, s’affirmant à la fin du Moyen-Âge comme l’une des plus grandes puissances d’Europe.
Le jeune homme querelleur, violent et instable qu’avait été le prince Louis se transforma progressivement en roi plus assagi, posé, et défendant constamment le peuple et le clergé face aux grands nobles, dont la soumission constitua sa plus grande réalisation. Cette transformation progressive fut très probablement liée aux sages conseils prodigués par son principal conseiller, Suger, l’abbé de Saint-Denis. C’est d’ailleurs Louis VI qui fut le premier roi à utiliser la fameuse oriflamme de Saint-Denis pour conduire ses troupes au combat.
L’obésité de Louis VI :
Toutes nos sources nous montrent un Louis VI qui, d’abord très actif et prompt à conduire ses troupes lui-même au combat (son premier surnom fut en effet « Louis qui ne dort »), perdit peu à peu cette vigueur de par le double effet de l’âge et de la prise de poids, et confia dans ses dernières années le commandement de ses troupes à son fils Louis et à ses meilleurs officiers, tels Matthieu de Montmorency.
D’où venait donc cette obésité, qui contribua à le faire rentrer dans l’Histoire ? Les opinions divergent. Les historiens furent longtemps persuadés qu’elle venait tout simplement d’un excès de nourriture et de boisson, que ce prince sensuel et bon vivant consommait en quantité.
Cependant, depuis le début du siècle dernier, les auteurs parlent plutôt d’une obésité congénitale, héréditaire : on se rappelle que Philippe Ier, le père de Louis, dût lui aussi déléguer sur la fin de sa vie tous ses pouvoirs à son fils : il semble que cela avait pour cause là encore une très importante obésité. La répétition de cette obésité passé un certain âge à la fois chez le fils et chez le père a donc pu faire songer à une obésité provenant de l’hérédité plus que des excès.
Louis VI décéda finalement le 1er août 1137 au château de Béthizy, près de Paris. Il repose, comme la majorité des rois de France, dans l’abbaye de Saint-Denis, où l’on peut encore voir son tombeau et son gisant.