Jérémie BALDOCCHI
-Peintre-
Agé de tout juste 30 ans, le peintre Jérémie BALDOCCHI a un parcours riche de sens derrière lui. Se désintéressant très tôt des études, il intègre à 16 ans une école privée de dessin qui lui permet alors de perfectionner son graphisme en gestation. Cet artiste nous livre aujourd’hui des tableaux joyeusement colorés mettant en scène, de manière tendre ou humoristique, des animaux au corps surdimensionné, mais également et surtout de curieux personnages, au corps pulpeux, voire débordant de chair, mais dont la tête manque…
Jérémie, avec bonne humeur et gentillesse, a accepté de répondre à nos questions.
J’aime bien le travail de Rosina Wachmeister mais le trouve un peu statique et répétitif.
Par contre j’ai énormément d’influence : Valerio Adami, Francis Bacon, Marc Ryden, Jenny Saville, Botero, Voutch et bien d’autres.
Les animaux ont été créés lors de mes premières expos car je n’avais pas assez de travail à présenter et puis maintenant cela m’amuse, surtout de les mettre en scènes dans des situations qui sont complètement incongrues.
Pour le moment mon arche de Noé ne se résume qu’aux chats, aux éléphants et aux chevaux. J’attends les autres mais ils ne sont pas, pour le moment, une priorité.
J’ai toujours été attiré par les extrêmes, ne pas « aimer » mais plutôt « adorer », les choses « immenses » et non pas « simplement grandes ».
Au début je dessinais beaucoup de personnages extrêmement maigres puis ils se sont mis à grossir à l’inverse de moi : en effet, j’ai perdu, en l’espace de 2 mois, 40 kg, à la suite d’une opération dentaire assez lourde. La mâchoire immobilisée, j’ai du me nourrir de liquide pendant un certains temps.
Je suis un ancien gros…. Enfin, en apparence car rien n’a vraiment changé dans ma tête.
La plupart de mes personnages ont pris des rondeurs. Ces rondeurs que je n’ai plus physiquement mais moralement. C’est plutôt comme eux que je me vois.
Ça c’est évidemment la question que tout le monde me pose.
Si vous regardez bien elle y est, elle n’est certes pas représentée physiquement mais elle se forme dans votre esprit, c’est donc à lui d’inventer ce qu’il voudra que vous y voyez, un proche, une personne souriante, triste, blonde ou brune, cela donne en quelque sorte une part d’interactivité à l’image.
Et puis si j’approfondi un peu la question, je pense que l’on peut faire ressentir une expression par le corps. Il est, tout de même, les ¾ de notre être et pourtant, la plupart du temps, nous ne résumons les autres qu’à leur tête.
A une époque je me représentais dans certaines de mes images et je me différenciais avec une petite étoile cachée…Maintenant je fais régulièrement des autoportraits : c’est plus simple.
Un jour, un ami m’a fait remarqué que je me représente généralement avec des parties de corps très maigre et d’autres très grosses comme si je n’arrivais pas à choisir un camp.
Et je vais peut-être vous étonner mais certaines des femmes de mon univers correspondent à l’image que j’ai de la femme si je devais en être une.
Oui, en effet, beaucoup d’images sont tirées de scènes vécues. Je me nourris de tous les petits détails de la vie comme par exemple le tableau « Et ça c’est bonus… ». Il y a quelques temps, j’ai fait une liposuccion et à la veille de l’opération, le chirurgien, à genoux en train de me tracer sur le corps les zones à aspirer me trace un grand cercle au niveau des hanches et me dit « Et ça c’est bonus ! ».Il ne s’en est pas rendu compte mais il venait de me donner le titre d’un prochain tableau (voir Fig. 07).
Tout art a des vertus thérapeutiques, c’est évident. Mon but n’est pas d’exorciser mes souffrances, le néant de ma vie sentimentale ou mes complexes physiques mais plutôt de raconter de petites histoires.
Pour moi, une image est réussie si, telle un bonbon, elle est colorée et sucrée, si elle fait plaisir et sourire…
Je fais du sport en salle, c’est un rituel, 5 fois par semaine dont 1h de cardio à chaque séance. Et si je n’y vais pas, je ne me sens pas bien. C’est, je pense, un remède à la prise de poids. Cela me permet d’être libre et de manger comme j’en ai envie.
Mais, c’est clair, s’il n’effacera jamais le problème que j’ai avec mon corps, le sport me permet de m’en occuper. J’apprends, petit à petit, à l’apprivoiser un peu plus.
Je suis énormément attiré par le coté esthétique visuel de l’univers SM, je tiens à préciser néanmoins que je ne le pratique pas.
J’aime aussi l’idée de cacher ses excroissances de chair dans des vêtements sans que cela ne se voit et, par conséquent, de ne pas paraître ce que l’on est réellement.
Le corset, entre autre, sert à cela, au delà du fait que c’est une chose typiquement féminine (à mon grand regret).
J’ai justement tendance à dessiner beaucoup de femmes dans mes images car elles sont, d’une part, visuellement plus intéressantes et, d’autre part, leur univers m’attire et je me sens, en général, plus proche d’elles.
Ce n’est pas du tout évidement d’être « en phase » avec soi même et en ce qui me concerne, je ne pense pas atteindre ce degré un jour.
Comme je vous l’ai déjà dit, je ne dessine pas que des gros, j’aime aussi les corps anorexiquement maigres. Un jour, j’ai entendu dire que l’on pouvait transformer un état boulimique en état anorexique… Cela me paraît impensable et en même temps, cela me fascine car je trouve incroyable que l’on puisse trouver une satisfaction à en avoir le moins possible dans le ventre.
J’ai toujours été attiré et entouré de personnes rondes, j’ai comme l’impression de les comprendre, de vivre « comme elles »… C’est comme leur dire : « Je suis comme vous ! » mais dans un corps différent en apparence.
J’aimerais, à travers mes images, montrer que les plis et les rondeurs peuvent être beaux et agréables à regarder. Mais si vous observez plus en détail, les personnages gros ou minces de mes peintures ne le sont jamais vraiment totalement.
Quand on veut vivre de sa passion, cela a un prix : celui du travail nourri d’énormément de motivation. C’est très dur d’être son propre patron, on est vite happé par la vie quotidienne et sociale. C’est pour cela que je me suis fixé des règles assez strictes. Je me lève, par exemple, tous les matins à 6h, je me donne des dates, des tâches à la semaine et au mois ainsi que des objectifs à l’année.
En ce qui concerne mon rêve inaccessible, il serait sûrement celui de tout artiste je pense : faire de sa peinture une œuvre immortelle.
Et la chose qui me ferait dire qu’après ça tout peut s’arrêter serait peut-être de connaître la satisfaction, car comme la majorité des artistes, je suis perpétuellement insatisfait et, dans un sens heureusement, car c’est ce qui me fait avancer.
J’arrêterai donc quand je serai pleinement satisfait d’un travail et que je ne pourrai pas faire mieux, ce qui n’est pas le cas pour l’instant et ce n’est donc pas du tout d’actualité.
C’est une question très intéressante…
En tant qu’homme c’est un peu similaire. A mon avis il ne faut jamais se donner d’échéance finale et de ce fait, toujours avoir des rêves, quelque soit son âge.
On a beau avoir obtenu la réussite sociale, sentimentale et professionnelle ce n’est pas pour cela que l’on a forcement tous les éléments pour être heureux.
L’être humain est de nature curieuse et a perpétuellement soif de nouveauté.
La sensation d’avoir accompli sa vie serait peut-être d’avoir tout connu, tout vu, tout entendu, tout ressenti, ce qui est impossible ! Et même si ça l’était je ne me le souhaiterais pas car j’ai continuellement besoin de découvrir l’inconnu, de parcourir des kilomêtres à chercher ce pays qui me semble être inaccessible et introuvable : le pays des rêves…
Les œuvres de Jérémie BALDOCCHI sont visibles sur son site Internet : www.jeremiebaldocchi.com
Exposition permanente : Galerie La Hune –Brenner 14 rue de l’Abbaye Place Saint Germain de Prés 75006 Paris (ouverture 10h-13h 14h-19h)
Prochaine exposition prévue : du 25 Avril au 06 Mai 2006 à la galerie La Hune – Brenner, à l’occasion de la sortie du livre « Corps et Ames », parution en avril 2006, 30 pages, format 20 X 21, 20 euros.
Le profil de Jérémie Baldocchisur VLR.
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