Poids mort de Xavier Mauméjean
Editions du Rocher, 2007
Collection : Novella SF
128 pages
ISBN-10: 2268062007
ISBN-13: 978-2268062006
Prix : 9,50 euros
Il y a quelques jours, dans une librairie, mon oeil a été attiré par une couverture… une photo d’un homme gros, nu, de dos… pas vraiment le genre de couverture auquel on s’attend au rayon Science Fiction… Je l’empoigne, et oh ! je connais cet auteur, Xavier Mauméjean, dont j’avais récemment beaucoup aimé « La Vénus anatomique » (prix Rosny Ainé 2005, quand même…).
Je lis le 4e de couverture, le thème me paraît intéressant : un homme à la vie morne se voit proposer de grossir « pour devenir quelqu’un », dans le cadre d’un « programme d’étude », mené par une étrange entreprise qui se fait des « observations » sur des groupes de personnes hors normes : vieux, gauchers, roux, intellos… et bien sur, obèses… la vie du héros en sera, dès lors, transformée…
Bon, rien de bien folichon, mais dans le cadre de la SF, je me dis que peut-être, quelque chose de neuf va en ressortir… et comme je suis une petite curieuse (enfin, pas si petite que ça), je l’achète et me frotte déjà les mains, toute impatiente de me plonger dans ma « découverte »…
Que dire… vous allez finir par croire que je n’aime rien. Pourtant si, mais j’ai vraiment du mal à accepter les clichés nauséabonds… or ce livre en est rempli.
Notre « héros », Paul, a une vie de merde, je crois qu’on peut le dire comme ça… une femme agressive, un boulot inintéressant… la manière dont cette médiocrité est amenée est plutôt affligeante…
Car le problème de ce livre, ce sont les clichés, je l’ai déjà dit, et les descriptions, des expressions qui se veulent sans doute drolatiques, mais qui m’ont plutôt donné envie de hurler :
Extrait : « Paul afficha un sourire confiant, souligné par une virgule de sauce : « Moi aussi, je vais faire mon beurre en prenant du lard »…«
Rencontrant un jour un ancien camarade d’école qui semble avoir, lui, bien réussi, il entend parler pour la première fois d’une entreprise, Axinom, qui mène des études, donc, sur des groupes de gens… une fois pris dans l’engrenage d’une sorte de système totalitaire qui l’a convaincu qu’il se révélera une autre homme en se laissait devenir obèse, Paul voit sa vie se transformer…
Avec sa femme, rien ne va plus, il devient gros donc elle menace de s’en aller… viré de son boulot pour cause de couche de gras (il travaille dans un magasin de sport, forcement, il fait peur aux clients…), il prend ses quartiers directement dans l’entreprise de cobayes humains, où on va le gaver comme une oie, et où il fait connaissance d’autres gens « à part » comme lui, notamment une certaine Brigitte, femme « formidablement énorme et monstrueuse » :
Extrait : « Ses seins se confondaient avec les bourrelets de son ventre, et l’on ne distinguait plus sa fente. Plus de sexe ou d’âge : Brigitte était monstrueuse, d’une laideur qui confinait au sublime. Elle s’approcha du bassin, ses chairs luisantes roulant autour de sa taille comme une houla hoop graisseux. Lorsqu’elle s’enfonça dans l’eau, ses bourrelets se répandirent comme des vagues.«
Cette femme, dont nous apprenons qu’elle pèse 130 kg (le comble de la monstruosité, en somme) est là aussi bien pour lui servir de « marraine » que pour le pousser aux plaisirs de la chair, ce qui donne lieu à des descriptions qui font plus penser au coït des baleines à bosse qu’à une scène d’amour, cette improbable scène de sensualité exacerbée se déroulant dans un jaccuzi (un employé de Taxinom étant, d’ailleurs, obligé des les aider à s’emboîter, parce qu’évidemment…)
Je suppose que l’auteur se voulait amusant, après tout, ce ne sont pas des humains, ce sont des obèses… je passe sur les descriptions lamentables de Paul, qui ne voit plus son sexe tellement il est gros, sur Brigitte, tellement pleine de bourrelets qu’elle offre « toutes les possibilités d’être prise par où on veut »… j’ai trouvé tout ça complètement vulgaire et écoeurant, pourtant croyez-moi, il m’en faut beaucoup…
Évidemment, comme on peut s’y attendre, à un moment, la machine se grippe…. on pense à « THX 1138 », on pense à « Soleil vert »… on pense à toutes ses oeuvres d’anticipations désuètes, qui nous ont fait frissonner, il y a une trentaine d’années, mais qui aujourd’hui, se dégonflent comme des baudruches, même si on n’était pas si loin de la réalité… Mais là, on passe complètement à côté de la critique de la société, que l’auteur a peut-être eu l’impression ou du moins la volonté de faire à travers son livre, non, on en reste au grand classique : faisons rire de ce qui ne nous ressemble pas, et là, vraisemblablement, de ce que l’on ne connaît pas… je suppose que Xavier Mauméjean n’a aucun surpoids, ni personne dans son entourage d’ailleurs, sinon il aura réalisé combien « Poids mort » est à côté de la plaque…
Plus d’un livre de Science Fiction, ou d’Anticipation, j’ai plutôt eu l’impression de me trouver devant une oeuvre tirée d’un lointain passé, tant la vision des « gros » était hallucinante de bêtise… goinfres, sales (ils sont incapable de manger sans s’en foutre partout et sans postillonner sur le voisin d’en face), égoïstes, incapables de faire l’amour, laids, et tellement bêtes qu’ils sont prêts à avaler n’importe quoi, au sens propre comme au figuré…
Ca ne pouvait pas « bien » finir, forcement… 128 petites pages pour en arriver là… ce dont le lecteur se doutait dès la lecture du 4e de couverture, voire dès la lecture du titre…
C’est dans ces moments-là que je réalise que la curiosité est parfois un vilain défaut…
Paul Châtel entrait plus volontiers dans un café que dans sa femme. Cela n’avait rien à voir avec une prétendue addiction, et encore moins avec leur histoire d’amour. La cause tenait uniquement à ce qu’il ne supportait plus d’être lui-même. Pour devenir autre, c’est-à-dire formidablement obèse, il lui avait fallu courage et patience. Une discipline nécessaire pour intégrer le programme Pondération. La boite avait pour vocation de régler tous les problèmes. Depuis, sa vie avait changé. Aucun regret, bien au contraire, pour l’ancien Paul disparu sous ses replis de graisse. Il avait pris de la consistance. Paul flottait, dans un bain de vapeur, massé par les remous du jacuzzi, léger et désirable comme un bouquet de crevettes. Son mollusque nageait en dessous de la ligne de flottaison. II ne l’avait plus vu depuis que cette bouée de chair lui collait à l’estomac, semblable à un naufragé volontaire.
Son histoire était simple, mais elle ne manquait pas d’épaisseur.
Membre du très étrange Club des mendiants amateurs de Madrid, Xavier Mauméjean est l’auteur de six romans policiers et de science-fiction, récompensés par plusieurs prix, parmi lesquels Les mémoires de l’homme-éléphant (Le Masque, prix Gérardmer 2000), La Ligue des héros (Mnémos, prix Bob Morane 2003) et La Vénus anatomique (Mnémos, prix Rosny-Aîné 2005). Il écrit aussi pour la télévision et la radio (France Culture).