Eloge de la cellulite et autres disgrâces de Dominique Dyens
Broché: 171 pages
Éditeur : Editions Héloïse d’Ormesson (2 mars 2006)
Langue : Français
ISBN-10: 2350870200
ISBN-13: 978-2350870205
Je ne suis généralement guère convaincue par ce genre de littérature, qui me semble surfer sur la vague « mort aux diktats ! », « à bas la société », etc… et me rappelle férocement la chick’litt, ce style de littérature futile (à la Sex and the City), souvent drôle et exclusivement (ou presque) réservée aux filles…
Pourtant, j’ai pris un certain plaisir à lire « Eloge de la cellulite et autres disgrâces »… Les sept nouvelles composant ce recueil sont incisives, drôle, touchantes, parfois cruelles…
« Éloge de la cellulite », la nouvelle donne son titre au recueil, réclame le retour aux rondeurs et autres imperfections pourvu qu’elles soient naturelles… le postulat de départ sent un peu le réchauffé, d’ailleurs on est tout prêt d’y arriver, à tout ça… l’horreur du corps parfait, refait dans la moindre de ses parcelles… l’acceptation de soi érigée comme un acte d’insubordination…
« La ménagère de moins de cinquante ans » m’a plutôt indifférée, amenant pourtant une question que je me suis souvent posée : et si on ré-ouvrait les maisons closes ? Sauf que celles qui sont décritent ici sont d’un style un peu particulier… l’idée étant de montrer une certaine forme de libération de la femme : j’ai trouvé ça plutôt tordu.
Pourtant, certaines histoires sont de petits bijoux, même si l’écriture parfois simpliste peine un peu à nous créer les décors et les personnages à hauteur de ce qu’ils mériteraient…
« Noces de verre » rappelle ces envies de destruction que l’on ressent parfois, face à quelque chose de trop parfait, qui suscite la jalousie… on pense à « American Psycho » de Bret Easton Ellis, c’est glaçant et dans la litanie des marques luxueuses qui peuplent cet univers, la misère sexuelle et relationnelle affleure…
« La soumission de Marie » est un texte d’une cruauté et d’une désespérance intenses, décrivant une vie de femme soumise qu’on ne souhaiterait pas à notre pire ennemie, rendue objet par son mari, montrant que parfois la liberté peut se trouver au bout d’un bien curieux chemin…
Et « La vengeance de Clarissa », qui est de loin mon histoire préférée, pourrait sortir tout droit de l’univers fantasque et coloré de Gabriel Garcia Marquez, portrait d’une Lady joyeusement timbrée qui se prend un peu pour la belle-mère de Blanche Neige, mais n’hésite pas à croquer elle-même la pomme quand il s’agit de faire le malheur d’un amant trop volage…
Et il en va ainsi jusqu’à la fin du livre… Sept portraits d’êtres en perdition dans une société qui ne leur ressemble que trop ou trop peu, et qui les ennuie, les malmène, les aveugle, et dont ils ne veulent plus…
Un livre à la fois naïf et offensif, et rien que ce paradoxe vaut la peine de s’y arrêter… à dévorer pour se détendre, aussi bien que pour continuer à penser…
Que penser d’une société de laquelle toute femme qui ne serait pas liftée, siliconée, botoxée serait bannie, réduite à la clandestinité ; où les hommes hantés par le spectre du chômage troqueraient leurs épouses contre un emploi ; où l’implantation à l’échelle nationale de Maisons Closes pour Femmes Respectables sauverait l’économie française du marasme ? Cauchemar, hypothèse loufoque, Dominique Dyens observe avec esprit ce monde gouverné par l’apparence et les régimes. Provocatrice et drôle, elle plaide pour les rondeurs et la revanche des ménagères. Entre conte surréaliste et fable contemporaine, ses histoires caustiques renouent avec l’écriture acérée des romancières anglaises.
Dominique Dyens est l’auteur de trois romans, La Femme éclaboussée (2000), C’est une maison bleue (2002) et Maud à jamais (2003). Si la femme est son sujet, elle n’avait jamais écrit de texte à l’humour aussi débridé.
3 commentaires
Excellente chronique Karen, vraiment excellente qui donne envie de lire ce livre que je ne connaissais pas (l’auteure si), et qui en plus semble faire ce que l’on ne fait jamais assez : l’Apologie de la différence chez les femmes en général, et une ode aux charmes des Rondes en particulier (et pas que le charme physique). Car souvent ces femmes « comblent » aussi la différence du regard des autres par une générosité accrue en tout… Bisous Karen.
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j’ai lu de dominique dyens « c’est une maison bleue » et « maud à jamais » et je la trouve assez tordue. Donc je ne lirai pas celui-là.