Faire le choix de suivre l'avis des médecins n'est pas le gage qu'on ira mieux et qu'on ne souffrira pas.
Une amie est décédée en mai dernier à l'âge de 59 ans, d'un cancer du sein qui évoluait depuis 9 ans. Elle a toujours fait confiance à la médecine, a toujours suivi les traitements, même ceux qui étaient expérimentaux. Elle voulait vraiment s'en sortir et s'est battue pendant ces 9 ans.
Durant ces neuf années, on lui a d'abord enlevé un morceau du sein gauche, puis tout le sein gauche, puis le sein droit, puis des chaines ganglionnaires, puis l'utérus et les ovaires, puis un morceau du foie, puis des morceaux de vertèbres et des morceaux de côtes (tous les endroits où le cancer avait métastasé) et enfin on lui a enlevé... comment dire... l'emplacement du sein gauche car bien qu'elle n'ait plus de sein, le cancer avait récidivé à cet endroit là. Elle ne pouvait plus se servir d'un de ses bras et avait du mal avec l'autre.
Durant 9 ans elle a alterné chimiothérapies, radiothérapies, cures, allopathies, espoirs et désespoirs, nausées, vomissements, pertes de cheveux, évanouissements, fatigue, nervosité, mycoses, troubles de l'humeur, dépression, maladies qui venaient se greffer sur le cancer et qui prenaient des proportions énormes...
Elle a accepté de tenter deux traitements expérimentaux : l'un a failli lui faire perdre la vue, l'autre lui a causé un infarctus.
En janvier 2007 elle a dit à sa famille que c'était la dernière année qu'elle leur souhaitait ses voeux. Elle est décédée chez elle selon son choix, elle a passé ses derniers jours sous perfusion de morphine mais souffrant tout de même, elle avait de multiples infections, des mycoses plein le visage et la bouche, elle dégageait une odeur terrible, elle n'avait plus de cheveux, elle avait plein d'escarres, elle ne pouvait plus manger, avait du mal à respirer, à parler, elle ne pouvait que gémir et crier, on ne la reconnaissait pas physiquement...
Je m'excuse de ne vous avoir épargné quasiment aucun détail. :?
Voilà ce que peut être une vie quand on fait le choix de se battre, de suivre les traitements proposés par la médecine. Voilà ce que peut être une mort aussi. :?
Et bien personnellement, je peux tout à fait comprendre qu'on refuse de vivre ça, parce que ce n'est pas une vie, ni pour soi, ni pour son entourage.
L'amie de maman voulait se battre, elle a mené son combat au bout mais elle a fini par abandonner... C'était son choix, je comprends que d'autres personnes n'aient pas envie de faire de même.
Chantal Sébire n'a pas dit que la médecine ne voulait rien faire pour elle, mais ne pouvait rien faire. Je pense qu'elle voulait dire "pour la sauver". Elle aurait pu, comme l'amie de maman subir tout ça pendant des années, mais pour quel résultat à la fin ? Pour quelle vie ?
Elle souffrait d'un esthésioneuroblastome, une tumeur rare. Bien sûr qu'on aurait pu la traiter par chirurgie et radiothérapie, mais à quel prix pour Chantal Sébire ? Celui de voir son visage modifié, de perdre la vue, l'odorat et le goût. On lui avait apparemment parlé de risque vital, elle a fait le choix de ne pas tenter ce traitement, peut-on lui en vouloir d'avoir refusé de subir cela ? On n'a pas le choix de sa mort, mais pas celui de sa vie non plus ?
Le médecin qui intervient dit qu'à la fin elle ne voulait que de l'homéopathie. "A la fin" ! Mais au début elle a accepté certains traitements. Ensuite il dit qu'il lui a proposé de venir dans son unité de soins palliatifs. A quel moment propose-t-on des soins palliatifs à un malade ? A quel stade de sa maladie ? Le stade final, pas avant. Mais elle ne voulait pas de soins palliatifs, qui auraient consisté à la bourrer de morphine qu'elle ne supportait pas, ou à la plonger dans un coma artificiel.
Et quand bien même Chantal Sébire aurait fait une erreur en refusant certains soins au temps où c'était possible, par peur ou par refus idéologique, fallait-il la "punir" au stade final de sa maladie sous ce prétexte et lui dire "t'as pas voulu qu'on te soigne, alors maintenant assume !" C'est ça la médecine ? C'est ça être humain ?
Elle a fait des choix, peut-être mauvais, mais est-ce une raison pour lui dire de les assumer jusqu'au bout dans la souffrance ? Il fallait qu'elle expie c'est ça ? Qu'elle puisse se repentir de n'avoir pas eu confiance dans la sacro-sainte médecine ? On est encore dans ce vieux contexte judéo chrétien que j'ai déjà abordé, qui veut qu'on accepte la volonté de Dieu, même si je me demande comment un dieu peut imposer des épreuves pareilles aux créatures qu'il a créées et qu'il est censé aimer...
Et maintenant on va chercher la responsabilité de Chantal Sébire ? On va dire que c'est bien fait pour elle, parce qu'elle n'avait soi-disant pas accepté un traitement lourd, douloureux, contraignant, dont l'issue favorable n'était absolument pas garantie ?
Elle est coupable d'avoir voulu tenter autre chose ? De ne pas avoir voulu vivre ce que d'autres, comme l'amie de maman, ont vécu ? C'est une faute de ne pas avoir envie de vivre ça ?
Qui va rejeter la faute sur elle ? Ceux qui n'ont pas eu les coui*** de prendre une décision pour aider une femme qui souffrait ? Ils vont se réfugier derrière le "ben oui mais c'est sa faute ?" :roll: Ca soulagera leur conscience ?
Alors dans ce cas, avant de chercher la responsabilité de Chantal Sebire, qui n'a fait de tort qu'à elle-même (si elle s'en est fait) et qui n'a disposé que de SA vie, je veux qu'on recherche les responsabilités de ceux qui ont laissé crever 15000 personnes âgées pendant la canicule de 2003, sans jamais avoir été inquiétées et sans avoir agi.
Après ça, on reparlera d'une femme en fin de vie qui ne demandait qu'à mourir dignement.