N'ayant pas de scanner, je tenais quand même à vous faire part d'un article paru dans le magazine Psychologies de ce mois-ci, je vous l'ai donc retranscrit. Il répond
en partie au post de Cessile.
Je le trouve très intéressant sur certains points. Qu'en pensez-vous ?
Citation:Etre gros n'est pas une maladie. Cela pourrait même être un gage de longévité, nous assure le médecin Jean-Michel LECERF. Un message détonnant dans un monde qui fait la vie dure aux kilos en trop.
Psychologies : La planète entière se réfère à l'IMC, qui nous catalogue en catégorie "maigre", "poids idéal", "surpoids" ou "obésité". Cet outil de mesure est-il vraiment pertinent ?
Jean-Michel Lecerf : Cette formule, malheureusement banalisée par les médias et utilisée par de nombreux médecins ne permet pas de conclure grand chose. C'est un indicateur très insuffisant. On constate simplement moins de problèmes de santé si l'IMC n'est ni trop bas, ni trop haut. Mais c'est très général ! l'IMC ne prend pas en compte l'histoire de la personne, ni l'évolution de son poids, ni sa composition muscle-graisses (ventre ou hanches), autant d'éléments fondamentaux dans les relations entre le poids et la santé.
P. : Existe-t-il, pour chacun d'entre nous, un poids idéal ?
JML : Non, cela n'a pas de sens. Le poids standard idéal n'existe pas. Je fais la guerre aux "obésologues" qui décrètent a priori que les kilos doivent être combattus. Sur le papier, l'IMC parfait est de 25 quand on est jeune et de 30 quand on est âgé mais tout cela est statistique ! C'est sans doute utile pour diffuser des conseils nutritionnels à grande échelle mais malheureusement les médecins individualisent rarement les leurs.
P. : On peut donc être gros tout en étant en bonne santé ?
JMC : Oui, on peut être gros et en bonne santé. Etre gros n'est pas une maladie ! La santé est beaucoup trop complexe pour la réduire à une simple question de kilos. Le poids ne donne pas suffisamment de renseignements, notamment pour le pourcentage de graisse et sa répartition, qui selon les cas, peuvent effectivement menacer la santé cardiaque. La masse maigre (les muscles) est le facteur prépondérant à considérer. Or le muscle pèse plus lourd que la graisse, c'est pourquoi le poids n'est pas un bon marqueur.
P. : Vous dites que le surpoids peut nous protéger de certaines maladies. Comment est-ce possible ?
JMC : Aussi incroyable que cela puisse paraître, quand le surpoids est concentré dans le bas du corps, notamment les fesses et les hanches, le risque cardiaque chute de 30% par rapport à une personne mince ! Ce type de surpoids féminin, dit "gynoïde" améliore en outre l'insulinosensibilité, c'est à dire qu'il permet de lutter contre l'insulinirésistance, un déséquilibre métabolique qui conduit au diabète. De plus, il augmente le taux de bon cholestérol. Une personne avec un IMC qui la catalogue "grosse" ou "en surpoids", pour employer un terme diététiquement correct, bénéficie en réalité d'une protection cardiaque appréciable. La culotte de cheval est bel et bien protectrice pour le métabolisme. Il n'agit pas de s'y résigner, mais de l'accepter, ce qui est bien différent. Les femmes qui cherchent à s'en débarrasser ont beau se lancer dans des régimes drastiques, elles ne la perdent pas. Ou alors, à prix d'efforts démesurés : elles s'affament, ce qui fait chuter leur taux de bon cholestérol et, du coup, elles s'exposent à un risque cardiaque accru. De plus, dès leur régime terminé, elles regrossiront à cet endroit. Mieux vaut donc se faire une raison et penser à la chance que cela représente sur le plan cardio-vasculaire. Quant à la prise de poids à la ménopause, c'est la réponse de la nature à la carence en oestrogènes. Ces kilos sont protecteurs. Par ailleurs, on observe que le taux de mortalité des "maigres" est supérieur à celui des "poids normaux" ou même des "légers surpoids".
P. : Alors, être gros, c'est bien ? :
JML : Il ne faut pas non plus être manichéen. Etre mince ou gros n'est pas un critère pertinent, ni dans un sens, ni dans l'autre. D'abord, on naît rarement gros : on le devient, puis on continue de grossir, ou pas. C'est la dynamique du poids qui compte : est-il statique ou non ? C'est lorsque le poids évolue brutalement dans un sens ou dans l'autre qu'il y a problème. Alors, qu'un surpoids statique n'est pas inquiétant. Il n'y a pas plus de logique à dire "soyons tous gros" que, comme c'est le cas actuellement, "soyons tous maigres". Naturellement, il y a des extrêmes intolérables. Quand on mesure 1.50m de haut, 1.50m de large et que l'on pèse 150kgs, il faut faire quelque chose.
P. : Si les kilos ne nuisent pas forcément à la santé, ils ont un impact négatif sur l'image de soi. Que dire aux personnes en souffrance ?
JML : De ne pas se fourvoyer. Si elles pensent : "je suis malheureux parce que je suis gros", c'est peut-être une erreur. Seront-elles heureuses quand elles auront perdu leurs kilos ? Rien n'est moins sûr ! Tout n'est pas résolu quand on maigrit ! Il faut faire la part des choses, s'interroger : est-ce que vous vous trouvez trop gros, ou votre conjoint ? Avez-vous des problèmes relationnels au travail ou avec vos proches ? Tout cela compte. Quand on cherche à maigrir. Il faut bien comprendre que le poids à atteindre est un compromis. Il faut se dire "C'est le meilleur que je puisse avoir avec tous mes paramètres". Et mieux vaut garder certains kilos que de raccourcir sa vie en les perdant. Le poids idéal n'appartient qu'à nous, c'est celui dans lequel notre corps et notre esprit se sentent bien, même s'il est pas toujours facile de raccorder l'un à l'autre ...
P. : Il est donc inutile de chercher à maigrir à tout prix ?
JML : Maigrir n'importe comment est pire que tout ! Au fur et à mesure de la perte des kilos, il faut retrouver un équilibre, aussi bien somatique, corporel que psychologique. Car maigrir, c'est aussi perdre un certain équilibre. Il peut plus facilement regrossir en reprenant du gras, ce qui est très dommageable pour le coeur et pour la santé. Enfin, il faut adapter la notion de "gros" à l'âge : un très léger surpoids est déjà souhaitable quand on est jeune, mais c'est encore plus vrai quand on vieillit. Si on élimine les deux causes "malsaines" de maigreur, tabagisme et amaigrissement lié à une maladie, on observe que les maigres en "bonne santé" ont un taux de mortalité supérieur aux autres. Tandis qu'un obèse bien musclé court nettement moins de risque sur le plan de la santé !
P. : Mieux vaut donc bouger que s'affamer ?
JML : Plus un régime est drastique, plus il est efficace et plus il enferme dans un cercle vicieux duquel il est difficile de sortir. En revanche, on ne peut qu'encourager la pratique d'un sport, qui élimine les kilos superflus en augmentant la masse musculaire et en améliorant tous les paramètres de bonne santé, y compris le bon cholestérol. La clé de l'équilibre réside bien plus dans l'activité physique que dans le régime. Etre physiquement actif est certainement l'indicateur de bonne santé le plus fort. L'alimentation seule est beaucoup moins importante.
P. : Finalement, qui est l'ennemi ?
JML : Ce n'est ni le gras, ni le poids, mais les causes qui mènent au surpoids. A savoir, la sédentarité, il n'y a pas pire ! et le déséquilibre alimentaire. Ne nous trompons pas de cible. A force de crier haro sur les gros, on finit par en avoir non plus sur les kilos en trop mais sur les qui les portent. Et l'amalgame est rapide : mauvaise alimentation égale mauvais comportement, égale mauvais mangeur, égale mauvaise personne. Refusons le terrorisme alimentaire, quel qu'il soit !
Source : Psychologies - Novembre 2008