Bon: conclusion à ce post (qui avait suscité une avalanche de réponses ;) ) , je l'ai lu.
Pour ceux qui hésitent, ils ont raison. Le résumé a déjà été fait par notre modératrice de choc, je me contenterai donc de livrer mes impressions....
Cette "Loana" est radicalement differente des romans précédents de l'universitaire de Bologne. Les medievistes latinisants seront décus, le theme n'est pas abordé. Du tout.
Ceux qui taxaient Eco d'hermetisme (pleine page de latin en début de livre :lol: Remarquez il suffisait de chercher rapidos sur le net, un roman d'Eco c'est un grand jeu de piste, et il y a les ressources qu'il faut sur la toile), ceux là donc pourraient, à la rigueur, y jeter un oeil, le schéma narratif en poupées russes (qui est la vraie difficulté d'Eco sur le plan de la lecture, mais que curieusement aucun détracteur ne cite jamais) n'existe plus. On a un seul narrateur, un seul narrataire (rare chez lui), parfois un récit rapporté mais jamais plus d'une page ou deux, et le présent de l'indicatif est majoritaire. Seule la troisieme (et derniere) partie du roman, quelque peu onirique, pourra désorienter, mais ceux qui arriveront jusque là seront à même de ne pas s'égarer car... Loana est difficile à lire !
Et oui, malgré une simplification énorme en comparaison de Baudolino ou du Pendule, Loana reste un ouvrage à ne pas mettre entre toutes les mains. L'abondance de références aux BD, films, musiques de l'italie des années 20 / 30 / 40 tombe sur le lecteur comme une chape. Il faut s'accrocher car non content de citer, Eco décortique, ironise, analyse chaque détail de la propagande du Duce. Il compare les versions francaises de romans pour enfants avec la traduction italienne, puis avec une troisieme version, l'adaptation italienne. Il observe la difference entre les communiqués de Radio Londres et la presse fasciste censurée. Il reconstruit patiemment l'evolution d'un enfant confronté à ces sources contradictoires. Et ca dure, ca dure longtemps. Autant dire qu'un public français, surtout si il est jeune, subira plutot qu'autre chose cette monomanie facon Barthes sous amphétamines.
Mais Loana ne se réduit pas à cela: c'est aussi une histoire d'amour entre un homme et un fantome, une histoire perdue dans le brouillard de la mémoire (la thematique du "brouillard" est omniprésente et est prétexte à de tres belles pages, traduites par le remarquable Jean-Noel Schifano (si comme moi vous n'etes hélas pas capable de lire l'italien). La quête de cette mémoire évanouie (offrant quelques digressions du coté de chez Proust et une jolie histoire de verre incassable qui finira brisé) se terminera avec la fin d'une amnésie et une conclusion à laquelle je ne m'attendais pas.
Le fait est que je ne saurais pas à qui conseiller ce livre: peut être bien aux gens de la generation d'Eco, surtout si ils ont vécu en Italie ou s'y interessent. Egalement aux fans, car il y a indéniablement de l'autobiographique chez Yambo (même si l'auteur s'en défend) : certains passages sont extraits de sa vie, comme sa réaction face aux questions qu'on lui pose sur sa bibliotheque, il l'avait évoqué dans une interview il y a une dizaine d'années. Et c'est tout: Eco l'a dit lui même, il destinait son livre à une publication italienne, seuls les interets financiers ont poussé à le traduire et le diffuser à l'étranger. 8)