Citation:Saint-Dizier - Tatouage et piercing : de la mode à la norme
Pierre VAILLANT
Journal de la Haute Marne
Publié le 10 septembre 2004
Dernier arrivé à Saint-Dizier, David Spini fait beaucoup de tatouages esthétiques, moins figuratifs.
Qui n’a pas son tatouage ou son piercing ? On pourrait presque poser la question à voir l’activité des trois professionnels bragards qui se partagent le marché des décorations corporelles. Car c’est bien ainsi que la tendance se dessine. Tatouages et piercings sont devenus pour beaucoup de “simples” décorations, à l’instar des boucles d’oreilles. Rencontre avec les artistes.
Qui n’a pas encore de l’encre ou un bout de métal sous la peau à Saint-Dizier et dans les environs ? On est en droit de se poser la question quand on voit l’activité des trois enseignes bragardes. Tatouages et piercings ne se sont certainement jamais aussi bien portés. Jeunes d’abord, mais aussi les moins jeunes, hésitent toujours moins à “passer à l’acte”. «Le piercing n’est plus une mode, il est devenu normal», explique-t-on chez Lyla’s. Le couple de commerçants qui pratiquent tatouages et piercings continuent à voir affluer les clients. «Les parents tolèrent beaucoup plus. On a vu un vrai changement à Noël dernier, où énormément d’adolescents se sont fait offrir un piercing.» Chez les filles, c’est toujours le nez et le nombril qui sont en vogue. Les garçons préfèrent l’arcade sourcilière, hésitent moins pour les tétons. «La tendance aujourd’hui, c’est le piercing de surface, n’importe où sur le corps», ajoutent-ils. Une barre de métal qui passe sous la peau et deux boules saillantes sur la peau, ça se place où l’on veut. Reste les demandes exceptionnelles, telles les parties intimes. Lyla’s, qui fait aussi le tatouage, constate «une montée en flèche du tatouage et du maquillage permanent». «La confiance s’est installée et puis on fait un maximum de suivi.» Tatouage tribal, contour des lèvres, coloration des lèvres, faux grains de beauté, recouvrements de cicatrice... l’encre sert à décorer et à embellir. «Les clients sont de plus en plus nombreux, et la palette des âges s’étend toujours plus.»
Décorer le corps
réparer les erreurs de jeunesse
Même constat chez David Spini. Sous l’enseigne “Design Tattoo”, il est le dernier arrivé dans la cité bragarde. Spécialisé dans le tatouage, il voit venir à lui «de plus en plus de femmes», et toujours plus de motifs tribaux : «Ce sont des tatouages esthétiques, aux motifs géométriques.» Certes, il reste les “grands thèmes” du tatouage, «les dragons, les indiens, les animaux, les dauphins, la pin-up», mais le public veut surtout du “joli”, plutôt indémodable. Ce qui marche bien l’été, c’est le tatouage temporaire : «J’ai fait des tatouages au henné sur les plages du Der, ou en discothèque. Les gens le font facilement.» Le motif reste quelques semaines, «ça permet de se faire une idée pour celui qui veut un tatouage définitif», et puis ça fait “vacances”. Car chez “Design Tattoo” comme ailleurs, on insiste pour dire qu’«il faut bien réfléchir avant un tatouage».
Pour David Spini, le grand plaisir, c’est de tatouer un dessin à soi, qu’il ne fait «qu’une seule fois», mais on peut venir avec son idée, il mettra des lignes et des couleurs pour la réaliser. «En majorité, les gens qui se font tatouer ont entre 20 et 35 ans, pour un premier tatouage. Au-delà, c’est souvent du recouvrement.» C’est-à-dire souvent un tatouage “pro” fait pour recouvrir une «erreur de jeunesse, un souvenir de l’armée, de prison ou d’une soirée abreuvée».
Johnny, les enfants...
Il y en a beaucoup aussi qui passent la porte de “Gremlins Tattoo” pour oublier ces mauvais souvenirs. Ces tatouages faits «à l’épingle et à l’encre de Chine». Le tatoueur des lieux, Wap, fait figure d’ancien dans la profession sur Saint-Dizier. Comme les autres, ils voit une clientèle toujours ascendante - encore plus avec les beaux jours où l’on a envie de montrer son épaule avec un joli dessin -. «Le tribal est toujours le plus demandé», assure-t-il. «Le bracelet autour du bras pour les garçons ou au-dessus du mollet. Pour les filles, le bas du dos» est une valeur sûre. Mais pour lui, c’est net, il y a maintenant, «plus de femmes que d’hommes». Les tatouages ne sont plus l’apanage de la virilité. Les femmes en ont fait leur attribut, comme d’un joli vêtement, ou d’un maquillage soigné. «Les mineurs sont aussi de plus en plus nombreux», marque surtout Wap, mais attention, pas question de tatouer sans le “mot” des parents.
Le tatouage esthétique est sans conteste devenu roi chez les clients, mais Wap assure toujours les classiques, où les qualités du dessin sont mises en valeur. A l’exemple des portraits, où il ne faut pas “se rater”. Pas question de tordre la tête de son idole sur l’épaule du tatoué, sinon gare... Parmi les icônes, Wap a encore «fait un Johnny la semaine dernière», mais des hommes viennent se faire inscrire dans la chair le portrait de leur(s) enfant(s). Photo et dermographe en main, le tatoueur dessine l’histoire familiale sur la peau.
Trois tatoueurs et un pierceur pour 30 000 habitants - «il y a de la place pour tout le monde», assure l’un d’eux –. Alors le corps n’a pas fini d’être objet d’ornement à Saint-Dizier, comme ailleurs.
D’autant qu’hygiène et sécurité sont devenus des arguments commerciaux. Alors, qui n’a pas encore son tatouage ou son piercing ?
Pierre Vaillant