Ce qui me frappe le plus chez le romancier Eco (avec un seul "c" je ne sais pas d'où vient la propension à en mettre deux, je suis parfois tenté de le faire moi aussi), c'est l'eclectisme. Il aborde une quantité énorme de domaines dans ses ouvrages. En dépit d'une érudition certaine, il ne faudrait cependant pas croire que tout est exact. Il y a peu d'erreurs franches mais parfois une vision des choses un peu facile, un peu photogénique: sa vision de l'informatique dans Le Pendule est naïve. Sa relecture des BD italiennes durant la seconde guerre mondiale aussi. Pour moi, Eco c'est un peu l'humaniste du XVIIIème, mâtiné de Tintin reporter et de Dumas père.
En ce qui concerne l'idée que ses romans sont un ramassis de verités historiques ficelées ensemble, cela ne peut ressortir (à mon sens) que d'une lecture rapide. Le Pendule est
redoutablement chapenté, le schéma narratif est certes complexe mais il n'est pas là par hasard. L'idée du roman est ambitieuse: montrer que les légendes et les mystères deviennent réels au long de l'histoire, que des societés secretes pour perpetuer une tradition hypothetique vont créer elles aussi d'autres légendes et d'autres mystères, le grand maitre qui va planquer un journal sybillin contenant des grands secrets qui n'ont pas existé et qui seront récuperés pas un autre grand maître qui a la poursuite de ce leurre va engendrer une autre légende et ainsi de suite. De flashback en style indirect, de récits encadrés à deux ou trois degrés en digressions savantes, Eco lui retombe sur ses pieds et le lecteur doit s'accrocher pour suivre car lui ne fait que survoler des yeux ce que l'auteur paufine des heures durant. Ce schéma narratif, qu'on retrouve dans l'île du jour d'avant, arrivera à une sorte d'apogée dans Baudolino, où la complexité se met au service d'une sorte d'écho du Pendule: les rêves et les fantasmes (incarnés ici dans de fausses reliques) prennent corps, deviennent bien réels, l'Histoire que Baudolino rêve se materialise, pour le meilleur et pour le pire.
On sent qu'Eco s'amuse en écrivant, comme certains s'amusent à monter un reseau de chemin de fer miniature, avec passion et talent. Du Pendule à Baudolino, Eco a beaucoup progressé. Son dernier roman au sujet duquel j'avais posté ("La mysterieuse flamme de la reine Loana") marque un tournant ou une pause qui ne semble pas incongrue dans la mesure où vraiment il semble être arrivé à quelque chose.
Comparer le Da Vinci Code au Pendule est inévitable à premiere vue. Mais la fiction de Brown, résolument orientée vers l'adaptation cinématographique, est finalement fort différente. Il raconte une histoire, avec professionalisme. Le Pendule de son coté réinvente l'Histoire. Plus ambitieux oui, mais cela a un prix: le livre n'est pas facile, des pages en latin, une trame complexe, un nombre de pages plus conséquent. Ce n'est pas un jugement de valeur (les gouts et les couleurs n'est ce pas...). Mais manifestement une différence de taille.