42 ans
Une bibliothèque j'espère, sinon ma thèse ne finira jamais...
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Super idée de topic Patty ;)
Et puisque la Culture s'invite dans Sexo, je l'accompagne, avec, pardonnez moi la fatuité, un petit article de moi même, rédigé l'an dernier.
Il traite du sort de deux princesses à deux époques différentes, Julia Augusta ( 39 av JC-14 ap JC ), unique fille de l'Empereur Auguste, et Marguerite de Bourgogne ( 1290-1315 ), épouse du roi de France Louis X le Hutin ( vous pouvez voir cette derniere dans les Rois Maudits, par exemple ).
Si je me permets de vous le mettre, en m'excusant par avance de la longueur ( je vous rassure, je vous force pas à le lire en entier :oops: ) c'est parce que je pense que cela peut etre assez revelateur de la façon dont était percue l'adultere à Rome et au Moyen-Age, et donc compléter ce que dit Patty....
Bassianus a écrit:
De Julia Augusta à Marguerite de Bourgogne, étude comparative sur deux princesses adultères.
I/ Le chatiment de l'adultère à Rome et dans l'Ancien Droit
A ) Un délit privé puis pénalisé
B ) Rome et la lex Julia de Adulteriis
C ) La répression de l'adultère au Moyen-Age
II/ La gravité particulière des faits
A ) La nécessaire exemplarité des princesses
B ) L'atteinte à l'honneur des princes
C ) Les doutes sur la légitimité des héritiers au trône
III/ Un verdict forcément rigoureux
A ) La mise à mort des amants
B ) Un emprisonnement perpétuel
C ) Une fin tragique
Introduction :
L'une des caractéristiques de base de la société occidentale dans laquelle nous vivons de nos jours est qu'elle est socialement fondée sur la cellule sociale de la famille, et, partant, qu'elle attache une grande importance à la monogamie. Si la libéralisation des moeurs a conduit certains pays, dont la France depuis 1975, à dépénaliser l'adultère en tant que délit, il n'en reste pas moins que la condamnation de cet acte est toujours bien ancré dans la morale collective des gens, largement influencée par l'idéologie chrétienne.
Cette importance de la monogamie est une donnée recurrente dans beaucoup de sociétés occidentales, qu'elles soient chrétiennes, comme la société médiévale, ou non, comme la société romaine.
Cette exigence de monogamie, et l'importance corollaire accordée au mariage, à la fois acte de base de la vie sociale et sacrement religieux, explique une lutte constante des sociétés monogames contre l'adultère.
Il est bien évident que cette interdiction de principe ne fut pas toujours suivie, et que l'Histoire nous montre bien maints et maints exemple d'infidélités conjuguales à toutes les époques, la nature humaine étant ce qu'elle est.
Il est également évident qu'il existe en la matière une grande différence de traitement entre les sexes : l'adultère masculin est souvent plus ou moins traité avec indulgence ( voir par exemple la légende de Henri IV le "Vert Galant", ou les maitresses quasi-officielles de nombreux souverains, comme Henri II ) mais celui des femmes est toujours sévérement réprimé.
En partant de cette constatation, on peut tenter de chercher dans l'Histoire des affaires d'adultères féminins ayant particulièrement marqué leur époque, mais on se rendra vite compte que le nombre d'affaires qui nous sont parvenus mettant en cause des souveraines ou des membres de la famille régnante est très limité, ce qui s'explique aisément par le souci de discrétion essentiel dont ont pu faire preuve les protagonistes de ces affaires.
Deux cas cependant, ont eu un retentissement très conséquent pour les contemporains, et peuvent nous permettre d'étudier l'importance de ces affaires d'adultères féminins à Rome et au Moyen-Age.
La première princesse concernée est la propre fille du premier Empereur de Rome, Auguste. Julie, fille unique de l'Empereur et de Scribonia, sa première épouse, naquit en 39 avant JC. Auguste lui fit donner une éducation austère, dans son souci de respecter les moeurs traditionelles romaines ( les mos majorum ), et lui imposa d'épouser successivement ses héritiers présomptifs ( étant donné qu'il n'avait pas de fils ), à savoir son cousin Marcellus, puis Agrippa, puis Tibère.
Veuve à 16 ans après la mort prématurée de Marcellus, elle fut remariée à Agrippa, son ainé de 25 ans. Même si elle lui donna de nombreux enfants, le mariage ne fut guère heureux, et c'est à partir de ce moment que datent les premieres mentions de possibles infidélités de Julie à son époux. Après la mort d'Agrippa et son remariage avec Tibère, il s'avéra que ces frasques persistaient, et Auguste finalement ne put rester aveugle devant le fait, et le scandale éclata en 2 avant JC, scandale rendu inévitable par la notoriété des débauches de Julie, que les auteurs romains nous décrivent participant à des orgies sur le forum même avec de nombreux amants, dont certains de la plus haute naissance, comme Sempronius Gracchus, descendant des Gracques, ou Iule, fils d'Antoine et donc propre cousin de Julie.
Marguerite de Bourgogne, plus de 13 siècles plus tard, n'était, quand à elle, pas la fille mais la bru du Roi de France, en l'occurence Philippe le Bel, et l'épouse du Dauphin Louis, le futur Louis X le Hutin. Elle était de plus issue de la grande famille des Ducs de Bourgogne, et descendait de Saint-Louis par Agnès, sa mère. Mariée à 15 ans, en 1305, à un jeune époux approximativement du même âge, ce mariage s'annonçait sous d'heureux auspices. Mais en 1314 éclata le fameux scandale de la Tour de Nesle, où Marguerite et sa cousine Blanche, épouse de Charles, le jeune frère de Louis furent convaincues d'adultères avec de petits nobliaux, les frères d'Aunay ( Jeanne, la soeur de Blanche et épouse de Philippe, frère de Louis et Charles , étant quant à elle accusée de complicité ). Ce scandale sans précédent à la Cour de France inspira de nombreux auteurs, qui en firent des versions plus ou moins littéraires et sérieuses ( les Rois Maudits de Maurice Druon et la Tour de Nesle d'Alexandre Dumas étant probablement les deux plus illustres exemples de cet engouement ). La principale difficulté dans l'étude de cette affaire est donc bien de discerner la réalité de la fiction, et de ne point méler la véracité historique incontestable de l'affaire à la véritable Légende qui s'est forgée dessus depuis des siècles.
Plutot que de s'interesser séparemment à chacune de ces affaires, démarche déja suivie par maints auteurs, il pourrait apparaitre intéressant de tenter une étude comparative de ces deux cas. Certes ces affaires sont séparées de plus de 13 siècles, certes il serait vain de vouloir assimiler les mentalités romaines aux mentalités occidentales médiévales, mais il n'en reste pas moins que ces deux histoires présentent certains parallélismes frappants, et la rareté même des affaires de ce type contribue à rendre la comparaison précieuse.
Cette étude comparée nous conduira ainsi à nous interroger en quoi ces deux affaires, toutes éloignées dans le temps qu'elles soient, nous montrent un adultère princier passant d'une affaire privée à une affaire publique, et même à une affaire d'Etat, eu égard à la qualité des personnes impliquées.
Pour ce faire, et parce qu'il convient d'abord de maitriser la règle général avant de voir les cas particuliers, il nous faudra d'abord aborder le chatiment de l'adultère à Rome et au Moyen-Age ( I ), avant de pouvoir mettre en évidence la particulière gravité des affaires nous interessant ( II ), gravité ne pouvant avoir pour corollaire qu'un verdict rigoureux ( III )
I/ Le chatiment de l'adultère à Rome et au Moyen-Age
L'adultère, délit privé à l'origine pénalisé progressivement ( A ), est réprimé par la morale omniprésente des sociétés romaines et médiévales, et est donc sévèrement réprimé tant à Rome ( B ) que dans l'Occident médiéval ( C )
A ) Un délit privé puis pénalisé
L'adultère peut se définir très simplement par le manquement de l'épouse à la fidélité conjuguale.. A première vue, et d'après ce que nous voyons du traitement de l'adultère de nos jours, cela apparait plus comme une affaire privée, entre les deux époux et ne regardant que peu, voire point du tout, l'ordre public.
Et il est vrai que si l'on regarde le traitement primitif de l'adultère dans la Rome archaïque on constate que ce traitement se fait entièrement par voie privée.
On note tout d'abord un certain nombre de conséquences qui ne sont pas des sanctions pénales à proprement parler, et qui ne relèvent pas d'un juge public, mais qui ont trait à l'adultère.
Ainsi, l'adultère de la femme est reconnu depuis les temps les plus anciens comme une cause légitime de divorce, divorce qui était interdit dans les époques anciennes de Rome sans juste motif. De plus, la femme répudiée pour adultère voit la dot qui lui est rendue amputée d'un sixième de son montant, ce qui est déja un début de sanction.
On doit également signaler la place de l'adultère en tant que fait justificatif de délit : le mari qui trouve sa femme et un amant en flagrant délit ne pourra que très difficilement être poursuivi pour injuria ou même pour homicide. Cela montre bien la place très importante de la vengeance privée en l'espèce, particulièrement pour une affaire d'ordre aussi intime que l'adultère. On admet donc que les tribunaux de l'Etat ne sont point compétent à régir ces choses , et c'est ce que résume Mommsen, en arguant que " la discipline domestique ne rentrait pas dans le domaine des institutions organisées par l'Etat.
Cependant, parallèlement à cela, on note une lente évolution des mentalités concernant le traitement des cas d'adultères. En effet, on admettait à l'origine la compétence du "tribunal domestique" du pater familias qui avait le pouvoir de condamner la coupable jusqu'à la peine capitale. Mais cependant cette "juridiction" privée du pater familias s'avéra rapidement insuffisante, car dans l'impossibilité totale d'agir sur le complice masculin de l'adultère, qui ne dépendait point de la potestas du pater familias. On en arriva donc progressivement à voir apparaitre une compétence du tribunal domestique suprême de l'Etat, celui des Pontifes, qui avait quant à lui pouvoir de châtier à la fois la femme adultère et son complice.
Cependant, même si cela dénote une évolution certaine vers une pénalisation publique de l'adultère, ce mécanisme va s'avérer dans le dernier siècle de la République gravement insuffisant et inapte à empecher une libéralisation importante des moeurs, qui ne sera combattue qu'à partir d'Auguste, qui va promulguer la Lex Julia de adulteriis.
B ) Rome et la lex Julia de Adulteriis
L'antique morale romaine se trouvait, dans les derniers temps de la République, largement mise à mal par une libéralisation effrenée des moeurs, entrainant ce que Mommsen qualifie d' "audacieux étalage du vice".
Lors de l'apparition du principat, Auguste décida dès le début de son règne de se poser en champion des valeurs traditionelles de Rome, et de restaurateur de la vertu des Anciens.
C'est à ce titre et en ce but qu'il promulgua la fameuse lex Julia de adulteriis qui pour la première fois applique aux atteintes à la chasteté la procédure d"accusation pénale et les frappe d'une peine criminelle. Cette loi marque donc un virage essentiel dans la repression de l'adultère, et Mommsen la qualifie même d'"une des innovations les plus énergiques et les plus durables qu'enregistre l'histoire du droit pénal".
Cette loi institue pour punir la femme coupable et son complice une quaestio spéciale, l'infidélité du mari restant cependant impunie, et prévoit des sanctions pénales lourdes : l'exil ( relegation in insulam ) et la confiscation partielle du patrimoine des fautifs.
La loi prévoit également tout le régime juridique de l'action pénale : par dérogation au droit commun pénal ( où une action peut être déclenchée par tout citoyen, sans condition spéciale d'intérêt à agir ), l'action en adultère est réservée pendant 2 mois au seul mari , puis , si celui-ci tarde à agir, l'action devient plus ou moins publique pendant 4 mois, et peut notamment être exercée par le père de l'un des époux, voire par n'importe quel citoyen, surtout si le scandale est public. Dans l'affaire de Julie, donc, le premier concerné était son mari, Tibère, beau-fils et successeur présomptif d'Auguste. Mais celui-ci, même si il ne pouvait raisonnablement ignorer les actes de son épouse, n'osa pas engager une action en justice contre elle, probablement eu égard à son rang de fille de l'Empereur.
Auguste semblait alors en ce cas le seul à pouvoir agir, de par sa double fonction de père de la fautive et d'Empereur ( donc seul à pouvoir en pratique intenter une action à sa fille ). Il semble qu'il mit du temps à le faire ( sincère ignorance des faits, ou réticence naturelle à agir envers sa fille unique ), mais il dût finir par s'y résoudre.
La loi prévoyait également un élément moral obligatoire ( l'adultère doit être commis en connaissance de cause, ce qui exclut les cas de remariage d'une femme se croyant libre ) et exclut les cas des esclaves et des femmes dont on n'exige pas la chasteté en raison de leur condition de vie ( notamment les filles publiques ).
Il est à noter que cette loi restera jusqu'à la chute de l'Empire la loi de référence concernant l'adultère, malgré quelques retouches progressives ( Constantin introduira ainsi au IVème siècle la peine de mort comme sanction possible ).
On voit donc bien que l'adultère sous l'Empire Romain est devenu un véritable délit public, un délit pénal relevant des tribunaux de l'Etat, et que le procès de Julie ne pouvait qu'être une affaire publique, une affaire d'Etat.
Le Moyen-Age occidental va, lui aussi, sanctionner lourdement l'épouse adultère.
C ) La répression de l'adultère au Moyen-Age
L'apparition du christianisme, et la diffusion des valeurs morales attenantes, au premier lieu desquelles figurent la chasteté et la fidélité conjuguale, va accroitre la répression de l'adultère à l'époque médiévale.
Ce développement du christianisme va avoir une autre conséquence à l'époque médiévale, qui sera d'établir une véritable dualité de juridictions concernées par les affaires d'adultères : en effet, le droit canonique et le droit laïc ne vont pas proposer les mêmes solutions concernant ces affaires.
Ainsi; le droit canonique va condamner de la même manière l'adultère du mari et celui de la femme ( en vertu du principe fondateur una lex de mulieribus et viris ) alors que le droit laïc s'en tient à la seule pénalisation de l'adultère féminin, arguant que seul cet adultère féminin risquait de léser les enfants légitimes du mari en introduisant dans la famille des batârds clandestins, chose qui ne risquait point d'arriver, par définition, en cas d'adultère masculin.
Cette justification montre bien que l'adultère de la femme est encore à mis chemin entre une injure privée au seul mari, et une atteinte publique à l'ordre social : on semble le considérer comme une atteinte à l'ordre familial, qui est une valeur extremement importante dans la société familiale.
Claude Leprestre exprimera bien cette impunité du mari en 1663 :"Quant à celui qui est marié et qui paillarde avec garce ou autre qui n'est point marié, l'on ne tient point compte de le punir, au contraire on l'impute à galanterie, bien que loi de Dieu ne distingue point entre mari et femme pour raison de l'adultère".
Cette dualité entre les droits laïcs et canons se retrouve dans la sanction applicable :le droit canon ne prévoit souvent que des peines d'amendes souvent dérisoires, puis , sous la pression du droit coutumier, la sanction s'aggrave notablement avec l'apparition d'une véritable peine d'emprisonnement, très rare à l'époque médiévale, la peine de l'Authentique, qui prévoyait l'enfermement de la coupable dans un couvent pour un délais plus ou moins long ( avec possibilité de pardon offerte au mari ). Une autre peine, fréquente dans le Midi, était la peine coutumière de la Course, une vraie sanction par le ridicule, où les coupables étaient promenés nus, la femme tirant son complice par une corde attachée à ses genitalia , selon les descriptions qui nous sont parvenues.
L'action en justice est, quant à elle traditionellement réservée au mari, en tant que solus thori vindex, seul vengeur du foyer, mais le père des époux, voire le Parquet d'office, peut agir si le scandale est public en cas d'inaction de l'époux( et pour Marguerite de Bourgogne, le scandale était nettement public... ).
Tant à Rome que dans la société médiévale, l'adultère est donc un comportement pénalement réprimé, et dans les affaires nous interessant, la haute naissance des coupables va donner à ces cas une importance toute particulière
II/ La gravité particulière des faits
Plusieurs raisons font de ces affaires d'adultères princiers des affaires qui ont particulièrement marqué l'opinion des contemporains du fait de leur gravité : en effet, les familles régnantes se revendiquant d'une certaine exemplarité ( A ), ces affaires vont largement éclabousser leur réputation, en même temps que l'honneur des princes trompés ( B ). Par ailleurs, une conséquence plus lointaine sera le risque d'appartion de doutes sur la légitimité des héritiers royaux ( C ).
A ) La nécessaire exemplarité des princesses
Tant Auguste que Philippe le Bel, les souverains en place au moment des affaires nous interessant, se sont préoccupés de donner à l'opinion publique une image de vertu et de probité morale. Partant, il est certain que ces affaires entachant leur plus proche famille s'avéraient particulièrement malvenues et ne pouvaient être traitées qu'avec la plus grande rigueur.
Auguste, comme nous l'avons déja évoqué, se posait en champion du retour à l'ancienne vertu romaine, en opposition totale avec la libéralisation des moeurs de la fin de la République, en arguant que cette libéralisation des moeurs était pour partie cause des troubles politiques dont souffrit Rome à cette époque. C'est ainsi que non seulement il légiféra en faveur de ce retour à l'ordre moral ( comme la lex Julia de adulteriis ) mais en plus il veilla scrupuleusement à donner en permanence l'image d'homme respectant la simplicité des moeurs ( même si Suétone nous le dépeint avec de nombreuses maitresses.. ) : il veillait à garder des moeurs frugales pour son rang, se vantait de ne porter que des vetements tissés par son épouse, Livie, et fit donner à Julie une éducation extremement stricte, calquées sur des moeurs vieilles de plusieurs siècles et tranchant singulièrement avec celles des grandes familles sénatoriales de l'époque.
Les succès d'Auguste contribuèrent d'ailleurs à donner aux Romains jusqu'à la Chute de l'Empire l'idée que l'age d'or augustéen était intimement lié avec le redressement moral impulsé par l'Empereur et que la chute progressive du Bas-Empire était causée par une décadence des moeurs.
Toujours était-il qu'Auguste ne pouvait faire autrement que sévir contre sa fille qui, quelques années après la promulgation de la lex Julie de adulteriis la violait si effrontement...
Quant à Philippe le Bel, roi de France en exercice en 1314, date de l'affaire de la Tour de Nesle impliquant Marguerite de Bourgogne, si il n'avait pas tenté d'instaurer un ordre moral comme celui voulu par Auguste, il passait cependant pour un homme de grande vertu, et on vantait par exemple sa chasteté durant une decennie de viduité, sa femme Jeanne de Champagne étant morte en 1305.
De plus les alliances de ses fils avec les princesses bourguignonnes étaient une réalisation politique dont il n'était pas peu fier, et il tenait particulièrement à la bonne marche de ces couples.
Ainsi, tant dans un cas que dans l'autre, l'adultère des princesses apparait particulièrement choquant et malvenu pour le souverain en place.
A cela s'ajoute, bien entendu, l'atteinte cinglante faite à l'honneur des princes trompés.
B ) L'atteinte à l'honneur des princes
Julie et Marguerite présentaient le caractère commun, au moment des affaires les ayant frappées, d'etre mariées à l'héritier présomptif du trône : Julie, en effet, était l'épouse de Tibère, fils de Livie et héritier désigné d'Auguste, après la mort des petit-fils de ce dernier, Caius et Lucius ( les fils de Julie et de son précédent mari Agrippa ), et Marguerite était mariée à Louis, Roi de Navarre de par sa mère et fils ainé de Philippe le Bel, qui n'est autre que le futur Louis X le Hutin.
Ces femmes étaient donc destinées à être impératrices et reines, mais leurs maris, avant d'etre princes, n'en étaient pas moins hommes, et l'offense était cruelle à leur égard.
Les circonstances mêmes de ces adultères étaient particulièrement choquants, à plus forte raison pour des princesses de sang : Julie, en effet, organisait chaque soir, d'après nos sources, de véritables orgies publiques sur le forum, s'abandonnant à plusieurs amants, parfois même de simples esclaves, en public. La honte était donc terrible pour le futur empereur de voir sa femme s'abandonner à la débauche publique avec des personnes de la plus basse exaction. Même si il convient là encore de ne pas donner une confiance sans bornes aux détails qui nous sont narrés, on ne peut douter du fait que l'acte de Julie éclaboussait la réputation de toute sa famille, et ridiculisait auprès du peuple l'image, déja peu populaire, de Tibère.
Quant au cas de Marguerite de Bourgogne et au deshonneur du Roi de Navarre, il faut là encore se garder de tomber dans le cliché des légendes entourant cette affaire ( avec moults amants que l'on aurait noyé dans la Seine pour les faire disparaitre ). Cependant l'affaire en elle-même est grave. Marguerite et sa cousine Blanche auraient eu comme amants pendant une durée constante deux jeunes frères, ecuyers de Charles de Valois, frère du Roi, et de Philippe de Poitiers, frère de Louis, les frères Gautier et Philippe d'Aunay, petits nobliaux de la région de Thouars, avec la complicité de Jeanne, femme de Philippe de Poitiers. Le caractère régulier de cet adultère avec des écuyers de la Cour, et la complicité entre les brus du Roi humilièrent là encore beaucoup les fils de Philippe le Bel, entachant ici aussi leur image aurpès du peuple.
Mais ces préjudices "moraux" ne furent pas les plus importants pour le pouvoir en place. En effet, comme dans toute affaire d'adultère féminin, le risque était grand d'en arriver à avoir des doutes sur la légitimité des héritiers à la Couronne.
C ) Les doutes sur la légitimité des héritiers au trône
On a déja évoqué le fait que la crainte de l'introduction de batards clandestins au sein de la famille légitime était l'un des grands fondements de la repression particulière de l'adultère féminin.
Le risque était donc grand de voir grandir des rumeurs de batardises sur des enfants qui auraient du etre un jour en possibilité de revendiquer des droits au trone, au vu de l'adultère de leur mère.
Cependant, dans le cas de Julie, ces soupçons ne s'appliquèrent point. Pourtant, Julie avait donné à son second mari, Agrippa, 3 fils, qui en tant que petit-fils d'Auguste , étaient en première ligne dans la succession de ce dernier. Par ailleurs, on prête déja de nombreuses infidélités conjuguales à Julie pendant ce second mariage.
Mais la ressemblance frappante entre Agrippa et ses fils eut pour effet de dissiper tout doute concernant la paternité du vieux compagnon d'Auguste ( interrogée sur cette ressemblance entre Agrippa et ses enfants malgré toutes ses frasques, Julie aurait répondu " Je ne prends de passager que lorsque le navire est plein"... ).
Mais il n'en allait pas de même pour Marguerite. Elle avait en effet donné à Louis de Navarre une fille, Jeanne, née en 1311. Hors, l'enquête ordonnée après la découverte de l'adultère de Marguerite montrera que les frasques de la princesse duraient depuis plusieurs années.
Il n'en fallait pas plus pour que la petite Jeanne soit accusée fréquemment de batardise, et ces accusations seront l'un des arguments de poids qu'emploiera Philippe de Poitiers pour monter sur le trône à la mort du petit Jean Ier en 1316, et en l'absence d'heritier mâle de Louis X ( les choses n'allaient pourtant pas de soi, l'interdiction des femmes d'heriter de la Couronne de France n'ayant jamais été formulée auparavant, le cas de l'absence d'heritier mâle ne s'étant jamais présenté ). D'ailleurs, Jeanne héritera en 1328 ( à la mort de Charles le Bel, le dernier Capétien Direct ) du royaume de Navarre, en tant que fille de Louis X le Hutin.
On voit donc bien que cette affaire d'adultère et les soupçons de batardises, impossibles à disculper, eurent des conséquences imprévues très importante dans l'Histoire politique du Royaume de France.
Toutes ces données faisaient sans conteste de ces affaires des affaires graves, qui ne pouvaient que donner lieu à des sanctions exemplaires pour les accusés.
III/ Un verdict forcément rigoureux
Dans les deux cas, la culpabilité des princesses apparaissait comme évidente : les complices de Julie, tout comme les frères d'Aunay, passèrent rapidement aux aveux. Dès lors se posait la question des sanctions à appliquer. Si les amants payèrent leur audace de leur vie ( A ), les deux princesses furent condamnées à une réclusion à vie ( B ), et connurent une fin tragique similaire ( C ).
A ) La mise à mort des amants
Dans un cas comme dans l'autre, le délits des amants des princesses s'apparente plus à un véritable crime de lèse-majesté, un affront inexpiable à l'autorité du souverain qu'à un simple adultère privé. Il ne pouvait donc y avoir de sanctions autres que la peine capitale pour les amants les plus représentatifs.
Pour l'affaire de Julie, Dion Cassius et Velleius Paterculus sont nos deux sources les plus complètes concernant les sorts des complices de la princesse.
Ils citent tous deux une série d'amants présumés : Quintius Crispinus " un remarquable voyou qui se faisait passer pour religieusement austère",Scipion, Appius Claudius, Sempronius Gracchus, descendant des Gracques, et d'autres, qui "reçurent le chatiment qu'ils auraient reçu pour avoir deshonoré la femme de n'importe quel citoyen, alors qu'ils avaient deshonoré la fille de l'Empereur et la femme de Tibère". On voit donc bien que ces amants vont échapper à la peine capitale, en vertu de la l'application littérale de la lex Iulia de adulteriis qui ne prévoit que l'exil comme peine pour les coupables. Ils furent donc exilés, ce qui montre bien le souci d'Auguste, une nouvelle fois, de traiter sa famille comme celle de n'importe quel citoyen.
Mais le plus éminent amant de Julie n'était autre que son cousin Iulus Antonius, dernier fils survivant de Marc-Antoine, et à ce titre particulièrement suspect aux yeux d'Auguste, qui le fit accuser d'avoir voulu briguer la royauté pour le mettre à mort.
Au Moyen-Age, la royauté étant mieux établie sur ses bases que le principat augustéen, la lèse-majesté constitutée par l'adultère apparaissait évidente à tous, et les frères d'Aunay ne pouvaient guère se faire d'illusions sur ce qui les attendait.
Et ainsi, après avoir été torturés pour les besoins de l'enquête, les amants des princesses se virent condamner à mort avec un raffinement tout particulier de supplices. Le tribunal, réuni à Pontoise, les condamna en effet à petre dépecés vivant, leur sexe tranché et jeté aux chiens. Ils furent ensuite décapités puis trainés et pendus par les aisselles au gibet de Montfaucon.
La punition fut ainsi sans pitié pour ceux qui avaient osé défier l'honneur des princes. Mais les princesses elles-même furent lourdement chatier, et , même, si elles ne subirent pas la peine capitale, elles furent condamnées à un emprisonnement perpetuel.
B ) Un emprisonnement perpétuel
Le statut de princesses des accusées, loin de leur valoir un traitement de faveur ne pouvait, une fois le scandale devenu public, qu'entrainer l'application à leur cas de la règle pénale sanctionnant l'adultère dans toute sa rigueur.
Le sort des deux princesses sera le même : un emprisonnement perpétuel.
On a déja vu que la lex iulia de adulteriis prévoyait comme peine de base pour la coupable, outre la confiscation des biens, un exil, qui s'apparente souvent à Rome à l'emprisonnement, l'exilé étant assigné à résidence.
Ainsi Julie fut condamné à être exilée à Pandataria, un ilôt aride de la mer Tyrrhénienne, où elle fut traitée avec une grande rigueur, les visites lui étant quasiment interdites, à l'exception notable de sa mère Scribonia, la première épouse répudiée d'Auguste, qui insista pour accompagner sa fille dans son exil.
Plus tard, Auguste transférera la prisonnière à Reggio de Calabre, où son sort s'améliorera quelque peu.
Julie était très populaire auprès de la plèbe romaine, et les historiens rapportent que le peuple demanda à maintes reprises à Auguste de rappeler l'exilée, mais l'Empereur s'y refusa toujours, et toutes les sources nous le montrent gravement affligé par cette déchéance de son unique enfant.
A noter qu'une dizaine d'années plus tard, Julie la jeune, propre fille de Julie, sera elle aussi condamnée à l'exil pour adultère. Au rang de ses amants aurait figuré, notamment, le poète Ovide.
Marguerite de Bourgogne, elle aussi, se vit infliger une relégation perpétuelle.
Sa cousine Blanche et elle furent tondues, durent assister au spectacle du supplice de leurs amants avant d'etre enfermées dans la forteresse de Chateau-Gaillard, dans des conditions que l'on nous décrit comme très précaires , dans une cellule ouverte à tous vents.
Jeanne, elle, fut innocentée et fut seulement temporairement écartée de la Cour pour complicité, mais son mari Philippe la reprit vite auprès de lui.
Les deux princesses adultères terminèrent donc leur vie en prison. Leur fin, également, s'avéra tragique et curieusement parallèle.
C ) Une fin tragique
Les destinées de Julie et Marguerite seront curieusement parallèles au moment de leur conclusion : en effet toutes deux ne survivront que peu à l'avenement de leur mari, et leurs morts à toutes deux feront l'objet de nombreuses supputations.
Julie restera en exil plus de 15 ans, avant de devenir, paradoxalement, impératrice en titre de Rome, du fait de l'avénement de son époux Tibère ( qui n'avait jamais officiellement osé la répudier ). Mais cette distinction singulière ne va point améliorer son sort, bien au contraire.
En effet Julie, tout comme son dernier fils Agrippa Postumus, ne survivra que quelques semaines à son père Auguste.
L'hypothèse de la mort naturelle, et de la simple coïncidence de date est tout à fait plausible, mais on a surtout avancé que Tibère, rancunier, l'aurait fait mourir de privations, en donnant ordre de réduire au maximum les rations de la prisonnière.
La mort de Marguerite de Bourgogne fit encore plus naitre de rumeurs que celle de Julie. En effet, Marguerite mourut dès 1315, quelques mois après l'avénement de son mari Louis X le Hutin, à seulement 25 ans.
Cette mort prématurée, qui peut très bien être due à la précarité de ses conditions de détentions, apparut néanmoins suspecte à de nombreux historiens, qui donnèrent de cette mort des versions plus ou moins crédibles, faisant en général de Louix X le commanditaire de l'assassinat de son épouse.
Il faut dire que cette mort arrangeait singulièrement le Roi : en effet, celui-ci n'avait pas d'héritiers mâles, et sa seule fille était soupçonnée de batardise. Il était donc urgent pour lui de se remarier, pour assurer la continuité de sa lignée, et pour cela il convenait d'obtenit la dissolution de son mariage avec Marguerite. En effet, l'adultère n'est point considéré par le droit canonique comme motif légitime d'annulation du mariage, et le Roi ne trouvait point de biais pour obtenir l'annulation ( alors que son frère Charles put finalement quant à lui faire annuler son mariage avec Blanche en arguant de sa parenté spirituelle avec son épouse, la mère de cette dernière, la fameuse Mahaut d'Artois, étant la marraine de Charles ).
La mort de Marguerite arriva donc, quelle qu'en soit sa cause, à point pour les desseins de son royal époux, qui se retrouva ainsi libre d'épouser Clémence de Hongrie en secondes noces
Conclusion :
Marguerite de Bourgogne et Julia Augusta, princesses fascinantes et restées dans l'Histoire marquées de la trace du deshonneur ont donc eu, on a pu le constater, une destinée parallèle à bien des égards : de la plus haute naissance, promises aux plus hautes cîmes du pouvoir, ces princesses ont vu ces affaires d'adultère changer leur destin et leur donner une fin tragique.
Mais, au delà de ces destins particuliers, l'étude parallèle de ces deux cas nous a permis de tenter de comprendre non seulement le traitement de l'adultère sous l'Empire Romain et au Moyen-Age, mais également la complexité particulière de ces affaires , au vu du rang de leurs protagonistes.
Voila voila....
Et puisque la Culture s'invite dans Sexo, je l'accompagne, avec, pardonnez moi la fatuité, un petit article de moi même, rédigé l'an dernier.
Il traite du sort de deux princesses à deux époques différentes, Julia Augusta ( 39 av JC-14 ap JC ), unique fille de l'Empereur Auguste, et Marguerite de Bourgogne ( 1290-1315 ), épouse du roi de France Louis X le Hutin ( vous pouvez voir cette derniere dans les Rois Maudits, par exemple ).
Si je me permets de vous le mettre, en m'excusant par avance de la longueur ( je vous rassure, je vous force pas à le lire en entier :oops: ) c'est parce que je pense que cela peut etre assez revelateur de la façon dont était percue l'adultere à Rome et au Moyen-Age, et donc compléter ce que dit Patty....
Bassianus a écrit:
De Julia Augusta à Marguerite de Bourgogne, étude comparative sur deux princesses adultères.
I/ Le chatiment de l'adultère à Rome et dans l'Ancien Droit
A ) Un délit privé puis pénalisé
B ) Rome et la lex Julia de Adulteriis
C ) La répression de l'adultère au Moyen-Age
II/ La gravité particulière des faits
A ) La nécessaire exemplarité des princesses
B ) L'atteinte à l'honneur des princes
C ) Les doutes sur la légitimité des héritiers au trône
III/ Un verdict forcément rigoureux
A ) La mise à mort des amants
B ) Un emprisonnement perpétuel
C ) Une fin tragique
Introduction :
L'une des caractéristiques de base de la société occidentale dans laquelle nous vivons de nos jours est qu'elle est socialement fondée sur la cellule sociale de la famille, et, partant, qu'elle attache une grande importance à la monogamie. Si la libéralisation des moeurs a conduit certains pays, dont la France depuis 1975, à dépénaliser l'adultère en tant que délit, il n'en reste pas moins que la condamnation de cet acte est toujours bien ancré dans la morale collective des gens, largement influencée par l'idéologie chrétienne.
Cette importance de la monogamie est une donnée recurrente dans beaucoup de sociétés occidentales, qu'elles soient chrétiennes, comme la société médiévale, ou non, comme la société romaine.
Cette exigence de monogamie, et l'importance corollaire accordée au mariage, à la fois acte de base de la vie sociale et sacrement religieux, explique une lutte constante des sociétés monogames contre l'adultère.
Il est bien évident que cette interdiction de principe ne fut pas toujours suivie, et que l'Histoire nous montre bien maints et maints exemple d'infidélités conjuguales à toutes les époques, la nature humaine étant ce qu'elle est.
Il est également évident qu'il existe en la matière une grande différence de traitement entre les sexes : l'adultère masculin est souvent plus ou moins traité avec indulgence ( voir par exemple la légende de Henri IV le "Vert Galant", ou les maitresses quasi-officielles de nombreux souverains, comme Henri II ) mais celui des femmes est toujours sévérement réprimé.
En partant de cette constatation, on peut tenter de chercher dans l'Histoire des affaires d'adultères féminins ayant particulièrement marqué leur époque, mais on se rendra vite compte que le nombre d'affaires qui nous sont parvenus mettant en cause des souveraines ou des membres de la famille régnante est très limité, ce qui s'explique aisément par le souci de discrétion essentiel dont ont pu faire preuve les protagonistes de ces affaires.
Deux cas cependant, ont eu un retentissement très conséquent pour les contemporains, et peuvent nous permettre d'étudier l'importance de ces affaires d'adultères féminins à Rome et au Moyen-Age.
La première princesse concernée est la propre fille du premier Empereur de Rome, Auguste. Julie, fille unique de l'Empereur et de Scribonia, sa première épouse, naquit en 39 avant JC. Auguste lui fit donner une éducation austère, dans son souci de respecter les moeurs traditionelles romaines ( les mos majorum ), et lui imposa d'épouser successivement ses héritiers présomptifs ( étant donné qu'il n'avait pas de fils ), à savoir son cousin Marcellus, puis Agrippa, puis Tibère.
Veuve à 16 ans après la mort prématurée de Marcellus, elle fut remariée à Agrippa, son ainé de 25 ans. Même si elle lui donna de nombreux enfants, le mariage ne fut guère heureux, et c'est à partir de ce moment que datent les premieres mentions de possibles infidélités de Julie à son époux. Après la mort d'Agrippa et son remariage avec Tibère, il s'avéra que ces frasques persistaient, et Auguste finalement ne put rester aveugle devant le fait, et le scandale éclata en 2 avant JC, scandale rendu inévitable par la notoriété des débauches de Julie, que les auteurs romains nous décrivent participant à des orgies sur le forum même avec de nombreux amants, dont certains de la plus haute naissance, comme Sempronius Gracchus, descendant des Gracques, ou Iule, fils d'Antoine et donc propre cousin de Julie.
Marguerite de Bourgogne, plus de 13 siècles plus tard, n'était, quand à elle, pas la fille mais la bru du Roi de France, en l'occurence Philippe le Bel, et l'épouse du Dauphin Louis, le futur Louis X le Hutin. Elle était de plus issue de la grande famille des Ducs de Bourgogne, et descendait de Saint-Louis par Agnès, sa mère. Mariée à 15 ans, en 1305, à un jeune époux approximativement du même âge, ce mariage s'annonçait sous d'heureux auspices. Mais en 1314 éclata le fameux scandale de la Tour de Nesle, où Marguerite et sa cousine Blanche, épouse de Charles, le jeune frère de Louis furent convaincues d'adultères avec de petits nobliaux, les frères d'Aunay ( Jeanne, la soeur de Blanche et épouse de Philippe, frère de Louis et Charles , étant quant à elle accusée de complicité ). Ce scandale sans précédent à la Cour de France inspira de nombreux auteurs, qui en firent des versions plus ou moins littéraires et sérieuses ( les Rois Maudits de Maurice Druon et la Tour de Nesle d'Alexandre Dumas étant probablement les deux plus illustres exemples de cet engouement ). La principale difficulté dans l'étude de cette affaire est donc bien de discerner la réalité de la fiction, et de ne point méler la véracité historique incontestable de l'affaire à la véritable Légende qui s'est forgée dessus depuis des siècles.
Plutot que de s'interesser séparemment à chacune de ces affaires, démarche déja suivie par maints auteurs, il pourrait apparaitre intéressant de tenter une étude comparative de ces deux cas. Certes ces affaires sont séparées de plus de 13 siècles, certes il serait vain de vouloir assimiler les mentalités romaines aux mentalités occidentales médiévales, mais il n'en reste pas moins que ces deux histoires présentent certains parallélismes frappants, et la rareté même des affaires de ce type contribue à rendre la comparaison précieuse.
Cette étude comparée nous conduira ainsi à nous interroger en quoi ces deux affaires, toutes éloignées dans le temps qu'elles soient, nous montrent un adultère princier passant d'une affaire privée à une affaire publique, et même à une affaire d'Etat, eu égard à la qualité des personnes impliquées.
Pour ce faire, et parce qu'il convient d'abord de maitriser la règle général avant de voir les cas particuliers, il nous faudra d'abord aborder le chatiment de l'adultère à Rome et au Moyen-Age ( I ), avant de pouvoir mettre en évidence la particulière gravité des affaires nous interessant ( II ), gravité ne pouvant avoir pour corollaire qu'un verdict rigoureux ( III )
I/ Le chatiment de l'adultère à Rome et au Moyen-Age
L'adultère, délit privé à l'origine pénalisé progressivement ( A ), est réprimé par la morale omniprésente des sociétés romaines et médiévales, et est donc sévèrement réprimé tant à Rome ( B ) que dans l'Occident médiéval ( C )
A ) Un délit privé puis pénalisé
L'adultère peut se définir très simplement par le manquement de l'épouse à la fidélité conjuguale.. A première vue, et d'après ce que nous voyons du traitement de l'adultère de nos jours, cela apparait plus comme une affaire privée, entre les deux époux et ne regardant que peu, voire point du tout, l'ordre public.
Et il est vrai que si l'on regarde le traitement primitif de l'adultère dans la Rome archaïque on constate que ce traitement se fait entièrement par voie privée.
On note tout d'abord un certain nombre de conséquences qui ne sont pas des sanctions pénales à proprement parler, et qui ne relèvent pas d'un juge public, mais qui ont trait à l'adultère.
Ainsi, l'adultère de la femme est reconnu depuis les temps les plus anciens comme une cause légitime de divorce, divorce qui était interdit dans les époques anciennes de Rome sans juste motif. De plus, la femme répudiée pour adultère voit la dot qui lui est rendue amputée d'un sixième de son montant, ce qui est déja un début de sanction.
On doit également signaler la place de l'adultère en tant que fait justificatif de délit : le mari qui trouve sa femme et un amant en flagrant délit ne pourra que très difficilement être poursuivi pour injuria ou même pour homicide. Cela montre bien la place très importante de la vengeance privée en l'espèce, particulièrement pour une affaire d'ordre aussi intime que l'adultère. On admet donc que les tribunaux de l'Etat ne sont point compétent à régir ces choses , et c'est ce que résume Mommsen, en arguant que " la discipline domestique ne rentrait pas dans le domaine des institutions organisées par l'Etat.
Cependant, parallèlement à cela, on note une lente évolution des mentalités concernant le traitement des cas d'adultères. En effet, on admettait à l'origine la compétence du "tribunal domestique" du pater familias qui avait le pouvoir de condamner la coupable jusqu'à la peine capitale. Mais cependant cette "juridiction" privée du pater familias s'avéra rapidement insuffisante, car dans l'impossibilité totale d'agir sur le complice masculin de l'adultère, qui ne dépendait point de la potestas du pater familias. On en arriva donc progressivement à voir apparaitre une compétence du tribunal domestique suprême de l'Etat, celui des Pontifes, qui avait quant à lui pouvoir de châtier à la fois la femme adultère et son complice.
Cependant, même si cela dénote une évolution certaine vers une pénalisation publique de l'adultère, ce mécanisme va s'avérer dans le dernier siècle de la République gravement insuffisant et inapte à empecher une libéralisation importante des moeurs, qui ne sera combattue qu'à partir d'Auguste, qui va promulguer la Lex Julia de adulteriis.
B ) Rome et la lex Julia de Adulteriis
L'antique morale romaine se trouvait, dans les derniers temps de la République, largement mise à mal par une libéralisation effrenée des moeurs, entrainant ce que Mommsen qualifie d' "audacieux étalage du vice".
Lors de l'apparition du principat, Auguste décida dès le début de son règne de se poser en champion des valeurs traditionelles de Rome, et de restaurateur de la vertu des Anciens.
C'est à ce titre et en ce but qu'il promulgua la fameuse lex Julia de adulteriis qui pour la première fois applique aux atteintes à la chasteté la procédure d"accusation pénale et les frappe d'une peine criminelle. Cette loi marque donc un virage essentiel dans la repression de l'adultère, et Mommsen la qualifie même d'"une des innovations les plus énergiques et les plus durables qu'enregistre l'histoire du droit pénal".
Cette loi institue pour punir la femme coupable et son complice une quaestio spéciale, l'infidélité du mari restant cependant impunie, et prévoit des sanctions pénales lourdes : l'exil ( relegation in insulam ) et la confiscation partielle du patrimoine des fautifs.
La loi prévoit également tout le régime juridique de l'action pénale : par dérogation au droit commun pénal ( où une action peut être déclenchée par tout citoyen, sans condition spéciale d'intérêt à agir ), l'action en adultère est réservée pendant 2 mois au seul mari , puis , si celui-ci tarde à agir, l'action devient plus ou moins publique pendant 4 mois, et peut notamment être exercée par le père de l'un des époux, voire par n'importe quel citoyen, surtout si le scandale est public. Dans l'affaire de Julie, donc, le premier concerné était son mari, Tibère, beau-fils et successeur présomptif d'Auguste. Mais celui-ci, même si il ne pouvait raisonnablement ignorer les actes de son épouse, n'osa pas engager une action en justice contre elle, probablement eu égard à son rang de fille de l'Empereur.
Auguste semblait alors en ce cas le seul à pouvoir agir, de par sa double fonction de père de la fautive et d'Empereur ( donc seul à pouvoir en pratique intenter une action à sa fille ). Il semble qu'il mit du temps à le faire ( sincère ignorance des faits, ou réticence naturelle à agir envers sa fille unique ), mais il dût finir par s'y résoudre.
La loi prévoyait également un élément moral obligatoire ( l'adultère doit être commis en connaissance de cause, ce qui exclut les cas de remariage d'une femme se croyant libre ) et exclut les cas des esclaves et des femmes dont on n'exige pas la chasteté en raison de leur condition de vie ( notamment les filles publiques ).
Il est à noter que cette loi restera jusqu'à la chute de l'Empire la loi de référence concernant l'adultère, malgré quelques retouches progressives ( Constantin introduira ainsi au IVème siècle la peine de mort comme sanction possible ).
On voit donc bien que l'adultère sous l'Empire Romain est devenu un véritable délit public, un délit pénal relevant des tribunaux de l'Etat, et que le procès de Julie ne pouvait qu'être une affaire publique, une affaire d'Etat.
Le Moyen-Age occidental va, lui aussi, sanctionner lourdement l'épouse adultère.
C ) La répression de l'adultère au Moyen-Age
L'apparition du christianisme, et la diffusion des valeurs morales attenantes, au premier lieu desquelles figurent la chasteté et la fidélité conjuguale, va accroitre la répression de l'adultère à l'époque médiévale.
Ce développement du christianisme va avoir une autre conséquence à l'époque médiévale, qui sera d'établir une véritable dualité de juridictions concernées par les affaires d'adultères : en effet, le droit canonique et le droit laïc ne vont pas proposer les mêmes solutions concernant ces affaires.
Ainsi; le droit canonique va condamner de la même manière l'adultère du mari et celui de la femme ( en vertu du principe fondateur una lex de mulieribus et viris ) alors que le droit laïc s'en tient à la seule pénalisation de l'adultère féminin, arguant que seul cet adultère féminin risquait de léser les enfants légitimes du mari en introduisant dans la famille des batârds clandestins, chose qui ne risquait point d'arriver, par définition, en cas d'adultère masculin.
Cette justification montre bien que l'adultère de la femme est encore à mis chemin entre une injure privée au seul mari, et une atteinte publique à l'ordre social : on semble le considérer comme une atteinte à l'ordre familial, qui est une valeur extremement importante dans la société familiale.
Claude Leprestre exprimera bien cette impunité du mari en 1663 :"Quant à celui qui est marié et qui paillarde avec garce ou autre qui n'est point marié, l'on ne tient point compte de le punir, au contraire on l'impute à galanterie, bien que loi de Dieu ne distingue point entre mari et femme pour raison de l'adultère".
Cette dualité entre les droits laïcs et canons se retrouve dans la sanction applicable :le droit canon ne prévoit souvent que des peines d'amendes souvent dérisoires, puis , sous la pression du droit coutumier, la sanction s'aggrave notablement avec l'apparition d'une véritable peine d'emprisonnement, très rare à l'époque médiévale, la peine de l'Authentique, qui prévoyait l'enfermement de la coupable dans un couvent pour un délais plus ou moins long ( avec possibilité de pardon offerte au mari ). Une autre peine, fréquente dans le Midi, était la peine coutumière de la Course, une vraie sanction par le ridicule, où les coupables étaient promenés nus, la femme tirant son complice par une corde attachée à ses genitalia , selon les descriptions qui nous sont parvenues.
L'action en justice est, quant à elle traditionellement réservée au mari, en tant que solus thori vindex, seul vengeur du foyer, mais le père des époux, voire le Parquet d'office, peut agir si le scandale est public en cas d'inaction de l'époux( et pour Marguerite de Bourgogne, le scandale était nettement public... ).
Tant à Rome que dans la société médiévale, l'adultère est donc un comportement pénalement réprimé, et dans les affaires nous interessant, la haute naissance des coupables va donner à ces cas une importance toute particulière
II/ La gravité particulière des faits
Plusieurs raisons font de ces affaires d'adultères princiers des affaires qui ont particulièrement marqué l'opinion des contemporains du fait de leur gravité : en effet, les familles régnantes se revendiquant d'une certaine exemplarité ( A ), ces affaires vont largement éclabousser leur réputation, en même temps que l'honneur des princes trompés ( B ). Par ailleurs, une conséquence plus lointaine sera le risque d'appartion de doutes sur la légitimité des héritiers royaux ( C ).
A ) La nécessaire exemplarité des princesses
Tant Auguste que Philippe le Bel, les souverains en place au moment des affaires nous interessant, se sont préoccupés de donner à l'opinion publique une image de vertu et de probité morale. Partant, il est certain que ces affaires entachant leur plus proche famille s'avéraient particulièrement malvenues et ne pouvaient être traitées qu'avec la plus grande rigueur.
Auguste, comme nous l'avons déja évoqué, se posait en champion du retour à l'ancienne vertu romaine, en opposition totale avec la libéralisation des moeurs de la fin de la République, en arguant que cette libéralisation des moeurs était pour partie cause des troubles politiques dont souffrit Rome à cette époque. C'est ainsi que non seulement il légiféra en faveur de ce retour à l'ordre moral ( comme la lex Julia de adulteriis ) mais en plus il veilla scrupuleusement à donner en permanence l'image d'homme respectant la simplicité des moeurs ( même si Suétone nous le dépeint avec de nombreuses maitresses.. ) : il veillait à garder des moeurs frugales pour son rang, se vantait de ne porter que des vetements tissés par son épouse, Livie, et fit donner à Julie une éducation extremement stricte, calquées sur des moeurs vieilles de plusieurs siècles et tranchant singulièrement avec celles des grandes familles sénatoriales de l'époque.
Les succès d'Auguste contribuèrent d'ailleurs à donner aux Romains jusqu'à la Chute de l'Empire l'idée que l'age d'or augustéen était intimement lié avec le redressement moral impulsé par l'Empereur et que la chute progressive du Bas-Empire était causée par une décadence des moeurs.
Toujours était-il qu'Auguste ne pouvait faire autrement que sévir contre sa fille qui, quelques années après la promulgation de la lex Julie de adulteriis la violait si effrontement...
Quant à Philippe le Bel, roi de France en exercice en 1314, date de l'affaire de la Tour de Nesle impliquant Marguerite de Bourgogne, si il n'avait pas tenté d'instaurer un ordre moral comme celui voulu par Auguste, il passait cependant pour un homme de grande vertu, et on vantait par exemple sa chasteté durant une decennie de viduité, sa femme Jeanne de Champagne étant morte en 1305.
De plus les alliances de ses fils avec les princesses bourguignonnes étaient une réalisation politique dont il n'était pas peu fier, et il tenait particulièrement à la bonne marche de ces couples.
Ainsi, tant dans un cas que dans l'autre, l'adultère des princesses apparait particulièrement choquant et malvenu pour le souverain en place.
A cela s'ajoute, bien entendu, l'atteinte cinglante faite à l'honneur des princes trompés.
B ) L'atteinte à l'honneur des princes
Julie et Marguerite présentaient le caractère commun, au moment des affaires les ayant frappées, d'etre mariées à l'héritier présomptif du trône : Julie, en effet, était l'épouse de Tibère, fils de Livie et héritier désigné d'Auguste, après la mort des petit-fils de ce dernier, Caius et Lucius ( les fils de Julie et de son précédent mari Agrippa ), et Marguerite était mariée à Louis, Roi de Navarre de par sa mère et fils ainé de Philippe le Bel, qui n'est autre que le futur Louis X le Hutin.
Ces femmes étaient donc destinées à être impératrices et reines, mais leurs maris, avant d'etre princes, n'en étaient pas moins hommes, et l'offense était cruelle à leur égard.
Les circonstances mêmes de ces adultères étaient particulièrement choquants, à plus forte raison pour des princesses de sang : Julie, en effet, organisait chaque soir, d'après nos sources, de véritables orgies publiques sur le forum, s'abandonnant à plusieurs amants, parfois même de simples esclaves, en public. La honte était donc terrible pour le futur empereur de voir sa femme s'abandonner à la débauche publique avec des personnes de la plus basse exaction. Même si il convient là encore de ne pas donner une confiance sans bornes aux détails qui nous sont narrés, on ne peut douter du fait que l'acte de Julie éclaboussait la réputation de toute sa famille, et ridiculisait auprès du peuple l'image, déja peu populaire, de Tibère.
Quant au cas de Marguerite de Bourgogne et au deshonneur du Roi de Navarre, il faut là encore se garder de tomber dans le cliché des légendes entourant cette affaire ( avec moults amants que l'on aurait noyé dans la Seine pour les faire disparaitre ). Cependant l'affaire en elle-même est grave. Marguerite et sa cousine Blanche auraient eu comme amants pendant une durée constante deux jeunes frères, ecuyers de Charles de Valois, frère du Roi, et de Philippe de Poitiers, frère de Louis, les frères Gautier et Philippe d'Aunay, petits nobliaux de la région de Thouars, avec la complicité de Jeanne, femme de Philippe de Poitiers. Le caractère régulier de cet adultère avec des écuyers de la Cour, et la complicité entre les brus du Roi humilièrent là encore beaucoup les fils de Philippe le Bel, entachant ici aussi leur image aurpès du peuple.
Mais ces préjudices "moraux" ne furent pas les plus importants pour le pouvoir en place. En effet, comme dans toute affaire d'adultère féminin, le risque était grand d'en arriver à avoir des doutes sur la légitimité des héritiers à la Couronne.
C ) Les doutes sur la légitimité des héritiers au trône
On a déja évoqué le fait que la crainte de l'introduction de batards clandestins au sein de la famille légitime était l'un des grands fondements de la repression particulière de l'adultère féminin.
Le risque était donc grand de voir grandir des rumeurs de batardises sur des enfants qui auraient du etre un jour en possibilité de revendiquer des droits au trone, au vu de l'adultère de leur mère.
Cependant, dans le cas de Julie, ces soupçons ne s'appliquèrent point. Pourtant, Julie avait donné à son second mari, Agrippa, 3 fils, qui en tant que petit-fils d'Auguste , étaient en première ligne dans la succession de ce dernier. Par ailleurs, on prête déja de nombreuses infidélités conjuguales à Julie pendant ce second mariage.
Mais la ressemblance frappante entre Agrippa et ses fils eut pour effet de dissiper tout doute concernant la paternité du vieux compagnon d'Auguste ( interrogée sur cette ressemblance entre Agrippa et ses enfants malgré toutes ses frasques, Julie aurait répondu " Je ne prends de passager que lorsque le navire est plein"... ).
Mais il n'en allait pas de même pour Marguerite. Elle avait en effet donné à Louis de Navarre une fille, Jeanne, née en 1311. Hors, l'enquête ordonnée après la découverte de l'adultère de Marguerite montrera que les frasques de la princesse duraient depuis plusieurs années.
Il n'en fallait pas plus pour que la petite Jeanne soit accusée fréquemment de batardise, et ces accusations seront l'un des arguments de poids qu'emploiera Philippe de Poitiers pour monter sur le trône à la mort du petit Jean Ier en 1316, et en l'absence d'heritier mâle de Louis X ( les choses n'allaient pourtant pas de soi, l'interdiction des femmes d'heriter de la Couronne de France n'ayant jamais été formulée auparavant, le cas de l'absence d'heritier mâle ne s'étant jamais présenté ). D'ailleurs, Jeanne héritera en 1328 ( à la mort de Charles le Bel, le dernier Capétien Direct ) du royaume de Navarre, en tant que fille de Louis X le Hutin.
On voit donc bien que cette affaire d'adultère et les soupçons de batardises, impossibles à disculper, eurent des conséquences imprévues très importante dans l'Histoire politique du Royaume de France.
Toutes ces données faisaient sans conteste de ces affaires des affaires graves, qui ne pouvaient que donner lieu à des sanctions exemplaires pour les accusés.
III/ Un verdict forcément rigoureux
Dans les deux cas, la culpabilité des princesses apparaissait comme évidente : les complices de Julie, tout comme les frères d'Aunay, passèrent rapidement aux aveux. Dès lors se posait la question des sanctions à appliquer. Si les amants payèrent leur audace de leur vie ( A ), les deux princesses furent condamnées à une réclusion à vie ( B ), et connurent une fin tragique similaire ( C ).
A ) La mise à mort des amants
Dans un cas comme dans l'autre, le délits des amants des princesses s'apparente plus à un véritable crime de lèse-majesté, un affront inexpiable à l'autorité du souverain qu'à un simple adultère privé. Il ne pouvait donc y avoir de sanctions autres que la peine capitale pour les amants les plus représentatifs.
Pour l'affaire de Julie, Dion Cassius et Velleius Paterculus sont nos deux sources les plus complètes concernant les sorts des complices de la princesse.
Ils citent tous deux une série d'amants présumés : Quintius Crispinus " un remarquable voyou qui se faisait passer pour religieusement austère",Scipion, Appius Claudius, Sempronius Gracchus, descendant des Gracques, et d'autres, qui "reçurent le chatiment qu'ils auraient reçu pour avoir deshonoré la femme de n'importe quel citoyen, alors qu'ils avaient deshonoré la fille de l'Empereur et la femme de Tibère". On voit donc bien que ces amants vont échapper à la peine capitale, en vertu de la l'application littérale de la lex Iulia de adulteriis qui ne prévoit que l'exil comme peine pour les coupables. Ils furent donc exilés, ce qui montre bien le souci d'Auguste, une nouvelle fois, de traiter sa famille comme celle de n'importe quel citoyen.
Mais le plus éminent amant de Julie n'était autre que son cousin Iulus Antonius, dernier fils survivant de Marc-Antoine, et à ce titre particulièrement suspect aux yeux d'Auguste, qui le fit accuser d'avoir voulu briguer la royauté pour le mettre à mort.
Au Moyen-Age, la royauté étant mieux établie sur ses bases que le principat augustéen, la lèse-majesté constitutée par l'adultère apparaissait évidente à tous, et les frères d'Aunay ne pouvaient guère se faire d'illusions sur ce qui les attendait.
Et ainsi, après avoir été torturés pour les besoins de l'enquête, les amants des princesses se virent condamner à mort avec un raffinement tout particulier de supplices. Le tribunal, réuni à Pontoise, les condamna en effet à petre dépecés vivant, leur sexe tranché et jeté aux chiens. Ils furent ensuite décapités puis trainés et pendus par les aisselles au gibet de Montfaucon.
La punition fut ainsi sans pitié pour ceux qui avaient osé défier l'honneur des princes. Mais les princesses elles-même furent lourdement chatier, et , même, si elles ne subirent pas la peine capitale, elles furent condamnées à un emprisonnement perpetuel.
B ) Un emprisonnement perpétuel
Le statut de princesses des accusées, loin de leur valoir un traitement de faveur ne pouvait, une fois le scandale devenu public, qu'entrainer l'application à leur cas de la règle pénale sanctionnant l'adultère dans toute sa rigueur.
Le sort des deux princesses sera le même : un emprisonnement perpétuel.
On a déja vu que la lex iulia de adulteriis prévoyait comme peine de base pour la coupable, outre la confiscation des biens, un exil, qui s'apparente souvent à Rome à l'emprisonnement, l'exilé étant assigné à résidence.
Ainsi Julie fut condamné à être exilée à Pandataria, un ilôt aride de la mer Tyrrhénienne, où elle fut traitée avec une grande rigueur, les visites lui étant quasiment interdites, à l'exception notable de sa mère Scribonia, la première épouse répudiée d'Auguste, qui insista pour accompagner sa fille dans son exil.
Plus tard, Auguste transférera la prisonnière à Reggio de Calabre, où son sort s'améliorera quelque peu.
Julie était très populaire auprès de la plèbe romaine, et les historiens rapportent que le peuple demanda à maintes reprises à Auguste de rappeler l'exilée, mais l'Empereur s'y refusa toujours, et toutes les sources nous le montrent gravement affligé par cette déchéance de son unique enfant.
A noter qu'une dizaine d'années plus tard, Julie la jeune, propre fille de Julie, sera elle aussi condamnée à l'exil pour adultère. Au rang de ses amants aurait figuré, notamment, le poète Ovide.
Marguerite de Bourgogne, elle aussi, se vit infliger une relégation perpétuelle.
Sa cousine Blanche et elle furent tondues, durent assister au spectacle du supplice de leurs amants avant d'etre enfermées dans la forteresse de Chateau-Gaillard, dans des conditions que l'on nous décrit comme très précaires , dans une cellule ouverte à tous vents.
Jeanne, elle, fut innocentée et fut seulement temporairement écartée de la Cour pour complicité, mais son mari Philippe la reprit vite auprès de lui.
Les deux princesses adultères terminèrent donc leur vie en prison. Leur fin, également, s'avéra tragique et curieusement parallèle.
C ) Une fin tragique
Les destinées de Julie et Marguerite seront curieusement parallèles au moment de leur conclusion : en effet toutes deux ne survivront que peu à l'avenement de leur mari, et leurs morts à toutes deux feront l'objet de nombreuses supputations.
Julie restera en exil plus de 15 ans, avant de devenir, paradoxalement, impératrice en titre de Rome, du fait de l'avénement de son époux Tibère ( qui n'avait jamais officiellement osé la répudier ). Mais cette distinction singulière ne va point améliorer son sort, bien au contraire.
En effet Julie, tout comme son dernier fils Agrippa Postumus, ne survivra que quelques semaines à son père Auguste.
L'hypothèse de la mort naturelle, et de la simple coïncidence de date est tout à fait plausible, mais on a surtout avancé que Tibère, rancunier, l'aurait fait mourir de privations, en donnant ordre de réduire au maximum les rations de la prisonnière.
La mort de Marguerite de Bourgogne fit encore plus naitre de rumeurs que celle de Julie. En effet, Marguerite mourut dès 1315, quelques mois après l'avénement de son mari Louis X le Hutin, à seulement 25 ans.
Cette mort prématurée, qui peut très bien être due à la précarité de ses conditions de détentions, apparut néanmoins suspecte à de nombreux historiens, qui donnèrent de cette mort des versions plus ou moins crédibles, faisant en général de Louix X le commanditaire de l'assassinat de son épouse.
Il faut dire que cette mort arrangeait singulièrement le Roi : en effet, celui-ci n'avait pas d'héritiers mâles, et sa seule fille était soupçonnée de batardise. Il était donc urgent pour lui de se remarier, pour assurer la continuité de sa lignée, et pour cela il convenait d'obtenit la dissolution de son mariage avec Marguerite. En effet, l'adultère n'est point considéré par le droit canonique comme motif légitime d'annulation du mariage, et le Roi ne trouvait point de biais pour obtenir l'annulation ( alors que son frère Charles put finalement quant à lui faire annuler son mariage avec Blanche en arguant de sa parenté spirituelle avec son épouse, la mère de cette dernière, la fameuse Mahaut d'Artois, étant la marraine de Charles ).
La mort de Marguerite arriva donc, quelle qu'en soit sa cause, à point pour les desseins de son royal époux, qui se retrouva ainsi libre d'épouser Clémence de Hongrie en secondes noces
Conclusion :
Marguerite de Bourgogne et Julia Augusta, princesses fascinantes et restées dans l'Histoire marquées de la trace du deshonneur ont donc eu, on a pu le constater, une destinée parallèle à bien des égards : de la plus haute naissance, promises aux plus hautes cîmes du pouvoir, ces princesses ont vu ces affaires d'adultère changer leur destin et leur donner une fin tragique.
Mais, au delà de ces destins particuliers, l'étude parallèle de ces deux cas nous a permis de tenter de comprendre non seulement le traitement de l'adultère sous l'Empire Romain et au Moyen-Age, mais également la complexité particulière de ces affaires , au vu du rang de leurs protagonistes.
Voila voila....