aujourd'hui dans mon Libé il y avait un article sur la "dysmorphophobie"(et hooooop on essaie de le dire à voix haute c'est super dur!)
qu'on se voit soit difforme, soit on scotche sur une partie de notre corps. ca m'a fait penser à moi et le fait que je me vois(ok de moins en moins mais des fois je psychote grave) difforme. bref c'etait un article interessant ...jvous le mets! :D
Citation:Pathologie. La dysmorphophobie consiste à focaliser sur une partie de son corps.
«Je me sens pas belle»
Par Giulia FOIS
lundi 17 octobre 2005 (Liberation - 06:00)
«Mes dents... C'est horrible. Elles sont moches. Je ne vois que ça, alors je ne souris jamais. Je cache toujours ma bouche avec quelque chose. Mes dents, j'en ai peur. C'est curieux, parce que les gens autour de moi ne remarquent rien.» Si Safia en parlait autour d'elle, on lui dirait certainement qu'elle débloque. Les psychiatres, eux, diagnostiquent une dysmorphophobie caractérisée. Dysmorquoi ? Officiellement classée parmi les troubles anxieux, cette pathologie consiste à focaliser sur une partie de son corps, à la déformer, au point d'en avoir peur. «Comme on a la phobie des ascenseurs, on peut être phobique de son nez, de ses seins... ou de ses dents, commente le psychiatre Alain Braconnier (1). Source d'une profonde souffrance, cette peur devient envahissante. On y pense plusieurs heures par jour, avec des vérifications incessantes, à la manière d'un TOC. On se touche, on se regarde, mais on se voit comme dans un miroir déformant.»
La dysmorphophobie concerne environ 2 % de la population. Elle touche autant les hommes que les femmes. L'anorexie en est l'expression la plus visible. Elodie était une ado un peu trop ronde. A 27 ans, après des années de régime, elle pèse 38 kilos pour 1,45 m : «Je hais mes cuisses et mes fesses. Je les vois énormes. Pourtant, je le sais, avec ce poids, il est impossible que je sois grosse. Mon reflet dans la glace est celui de l'adolescente boulotte que j'étais.» Elle sait, mais ne voit pas.
Puberté compliquée
Le poids des croyances, l'intensité de la douleur, et l'ampleur de l'obsession distinguent la dysmorphophobie du simple complexe. Trop petit, trop grand, personne ne se voit réellement comme il est. «La réalité objective n'existe pas, elle est forcément tributaire de celui qui la regarde, souligne le psychiatre Philippe Jammet (2). L'émotion influence forcément la perception, et le corps sert de paratonnerre à nos angoisses.» On transfère nos malaises intérieurs, nos insécurités, sur une partie du corps que l'on se met à détester.
Les premiers complexes apparaissent à l'adolescence. Le corps se transforme et la puberté effraie garçons et filles. La plupart commencent alors à émettre des «plaintes corporelles». L'adolescent se demande qui il est, ce qu'il va devenir. «L'homme est le seul animal à avoir conscience de lui-même, s'amuse Philippe Jammet, et il s'en sert en permanence pour s'auto-évaluer : suis-je à la hauteur de mes attentes ?» Pour le vérifier, il scrute d'abord son aspect extérieur. Mais rien de pathologique ici : dans la majorité des cas, les complexes nés aux premières boums s'atténuent à l'âge adulte. «Tout rentre dans l'ordre à mesure que l'environnement devient plus rassurant, explique Alain Braconnier. On fait des rencontres amoureuses, et l'image de soi passe au second plan.»
Personnalité angoissée
La dysmorphophobie, elle, peut se déclencher bien plus tard. Sur une réflexion malheureuse ou un brusque changement de vie. Une grossesse notamment. C'est à la naissance de sa fille que Joséphine a commencé à faire une fixation sur ses varices. «J'ai toujours l'impression que les gens ne regardent que cela, raconte-t-elle. Quand je porte des jupes, même en été, je mets des collants. C'est dur et j'ai l'air ridicule. Mon mari me dit que je suis belle. Je ne le crois pas.» Sans parler de profil type, il existe des terrains favorables. «Ce sont des personnes naturellement anxieuses, attentives au détail, voire déjà obsessionnelles, précise Alain Braconnier. Exigeantes avec les autres, elles le sont avec elles-mêmes.»
Une fois le trouble installé, sortir dans la rue devient difficile, les lieux publics sont un cauchemar. Elodie n'est pas partie en vacances depuis dix ans, pour éviter les plages. Comme Sabine, qui vit pourtant en bord de mer. Les kilos pris à la naissance de sa fille n'ont pas disparu : «Quand je me regarde, je vois une chose difforme, et souvent, je pleure. Le regard des autres me terrorise. Quand on me fait un compliment, j'ai toujours l'impression qu'on se moque.» A 24 ans, cette jeune femme ne sort quasiment plus de chez elle. Angoissée à l'idée de parler à un «étranger», elle s'est mise en congé parental. «J'avais un sacré caractère, déplore-t-elle, et aujourd'hui, je suis presque transparente.»
Solitude inévitable
Comme toutes les phobies, celle-ci finit par altérer les relations sociales et la personnalité du sujet. «Ils s'enferment peu à peu dans la solitude, poursuit Alain Braconnier, parce qu'ils ne peuvent pas en parler aux autres.» Difficile de partager le poids d'une difformité que l'on est seul à voir. Pour en sortir, certains essaient la chirurgie esthétique : un cycle infernal, sans fin, puisque aucune chirurgie ne les réparera à l'intérieur. D'autres en viennent à bout en revanche avec des thérapies comportementales et cognitives. Le patient est notamment confronté à plusieurs photos de nez, de bras, de fesses... Pendant plusieurs mois, il va tenter d'y reconnaître la sienne. Une thérapie de type analytique peut aussi aider à comprendre les racines de la pathologie. Enfin, l'imagerie cérébrale s'est mise de la partie pour débusquer les dysfonctionnements organiques. Mais sur ce point, la science en est à ses balbutiements.
(1) Directeur d'un centre pour adolescents, il a publié le Guide de l'adolescent, chez Odile Jacob.
(2) Chef d'un service de psychiatrie, il est l'auteur d'Anorexie et boulimie, les paradoxes de l'adolescence, Hachette Littératures.
Citation:D'où vient l'image de soi?
lundi 17 octobre 2005 (Liberation - 06:00)
«D'abord, le cerveau n'est pas une caméra», explique Alain Berthoz, physiologiste spécialiste de la perception. Les images ne sont jamais retransmises telles quelles. Au contraire, la mémoire influence les neurones du cortex primaire, centre de la vision. Le cerveau est une machine qui projette sur le monde ses perceptions, en fonction de ce que l'on s'attend à voir. Ainsi, le souvenir de kilos en trop reste imprimé sur le miroir. En outre, certaines connexions peuvent mal se faire. Deux mécanismes analysent l'image de l'autre ou de soi-même. Le premier enregistre séparément la lumière, les couleurs, l'espace... et reconstruit peu à peu l'identité de l'objet regardé. Parallèlement s'active le cerveau limbique, siège des émotions. Il reçoit les informations prélevées dans le cortex visuel, et leur attribue une valeur affective. En temps normal, la perception finale de l'objet associe son identité à la valeur qui lui convient naturellement. A priori, notre reflet devrait être ressenti positivement... sauf si cette liaison identité/valeur est interrompue par des dysfonctionnements organiques. «Par ailleurs, ajoute Alain Berthoz, il existe des structures neuronales qui, à tous les niveaux du cerveau, sont des modèles internes du corps.» Elles se comportent comme un bras, une jambe... Or ce corps virtuel peut à son tour être déformé à cause d'un déficit sensoriel. Enfin, tous ces dysfonctionnements peuvent être provoqués, ou aggravés, par des troubles psychiques : le stress, la peur...