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La pédophilie, crime du siècle

111 ans Sous la neige au fond à droite 7534
Coucou les filles,

Je me lance dans quelque chose de délicat et de casse-gueule mais on a eu ce soir une conversation avec M. Doo sur la pédophilie et on a  
conclu qu'il n'y a pas de crime plus grave à l'heure actuelle. Un pédophile, on se réjouit qu'il se fasse tabasser en tôle (alors qu'un mafieux, pas du tout et un meurtrier, beaucoup, beaucoup moins), on veut le pendre par les couilles, on peut dire les trucs les plus ignobles sur lui sans se soucier que qui que ce soit tique.

Pourquoi? Comment comprendre ça à l'époque du mythe universel de l'innocence des enfants qui est aussi l'époque des Lolita de 7 ans qui portent des strings (pour les mêmes gens/parents, souvent)? À l'époque où la sexualité est partout, comme toujours, mais sous une forme plus trash plus facilement accessible?

Ça vous inspire quoi, tout ça?
111 ans Sous la neige au fond à droite 7534
(Je précise, sur la suggestion de M. Doo qui a lu mon message, que je n'adhère pas du tout à cette diabolisation des pédophiles; au contraire, j'essaie de la comprendre.)
111 ans Sous la neige au fond à droite 7534
(Ok, il est trop relou, il dit que maintenant j'ai l'air de militer en faveur de la pédophilie - c'est évidemment pas le cas :roll: :lol:)
42 ans 4079
Peut-on vraiment blâmer une personne atteinte de troubles psychiatriques ou chercher à y comprendre quoique ce soit par rapport à une normalisation sociale ?


Vous avez 2 heures.
943
J'interviens vite avant que ça parte en cachouète, car ça va partir en cacahouète, c'est un sujet à très haut potentiel merdique.




Je distingue

- la pédophilie en tant que pathologie psychiatrique (trouble mental entraînant une attirance sexuelle pour les enfants prépubères), dont des personnes peuvent être atteintes, sans forcément qu'il y ait de passage à l'acte

- la pédophilie dans le regard social qui recouvre les agressions sexuelles/viols sur mineurs, la pornographie infantile, et typiquement Marc Dutroux, qui d'ailleurs n'a pas été considéré comme pédophilie au sens psychiatrique du terme par les experts qui l'ont entendu, il a été diagnostiqué "pervers sadique avec une fixation sur la jeunesse des victimes"

Je fais donc une distinction entre attrait sexuel (déviant, qui appelle un soin, on est dans le médical) et crime et délit sexuel (qui ne relève pas toujours de la pathologie pédophile, mais qui de toute façon, appelle une réponse sociale construite - prévention, punition, réinsertion).




Je me pose beaucoup de questions sur le pourquoi de l'horreur qui saisit l'opinion publique à l'évocation de la pédophilie.

Je cite Serge André, psychanalyste, une conférence de 1999 intitulée "La signification de la pédophilie", qui es un texte fondamental à mon sens sur le sujet et qui peut être trouvé in extenso là
http://www.oedipe.org/fr/actualites/pedophilie

"Quant à l'aversion unanime qui s'est soudain déclarée à l'égard de la pédophilie et des pédophiles ( je ne parle plus ici du sadisme ni des crimes de Dutroux, mais de la traque au pédophile qui s'est déclenchée à la suite de l'affaire Dutroux), elle mérite également d'être interrogée. Pourquoi tant de surprise et d'indignation ? On dirait que l'on découvre tout à coup l'existence d'une forme de sexualité que l'on aurait ignorée depuis toujours. Tout a l'air de se passer comme si on ne savait pas, ou plutôt comme si l'on n'avait pas voulu savoir. Pourtant, il n'y a pas si longtemps, la pédophilie, et même l'inceste, bénéficiaient dans le public d'un accueil relativement neutre et même parfois bienveillant. Il suffit, pour s'en convaincre, de se reporter à la presse des années 70 et 80. Qu'on me permette de rappeler l'indulgence amusée, voire admirative, avec laquelle critiques littéraires et présentateurs de télévision accueillaient les déclarations de Gabriel Matzneff ou de René Schérer, lequel pouvait écrire, dans Libération du 9 juin 1978 "L'aventure pédophilique vient révéler quelle insupportable confiscation d'être et de sens pratiquent à l'égard de l'enfant les rôles contraints et les pouvoirs conjurés" (cité par Guillebaud in La tyrannie du plaisir, p. 23). Le cas de Tony Duvert, écrivain pédophile déclaré et même militant, est encore plus remarquable. En 1973, son roman Paysage de fantaisie, qui met en scène les jeux sexuels entre un adulte et des enfants, est encensé par la critique qui y voit l'expression d'une saine subversion. Le livre reçoit d'ailleurs le prix Médicis. L'année suivante, il publie Le bon sexe illustré, véritable manifeste pédophile qui réclame le droit pour les enfants de pouvoir bénéficier de la libération sexuelle que peut leur apporter le pédophile, à l'encontre des contraintes et des privations que leur impose l'organisation familiale. En tête de chaque chapitre du livre, se trouve reproduite la photographie d'un jeune garçon d'une dizaine d'années en érection. En 1978, un nouveau roman du même auteur, intitulé Quand mourut Jonathan, retrace l'aventure amoureuse d'un artiste d'âge mûr avec un petit garçon de huit ans. Ce livre est salué dans Le Monde du 14 avril 1976 : "Tony Duvert va vers le plus pur"… En 1979, L'île Atlantique lui vaut de nouveaux éloges dithyrambiques de la part de Madeleine Chapsal.

Que s'est-il donc passé entre 1980 et 1995 pour que l'opinion connaisse un revirement aussi spectaculaire ? J'aimerais que quelqu'un m'éclaire sur ce mystère. Le phénomène est d'autant plus remarquable que nos sociétés occidentales contemporaines semblent désormais cimentées par l'idéal sacro-saint, mais purement imaginaire, de l'enfant-roi et par l'obsession corrélative de la protection de l'enfance. Loin de moi l'idée de contester la nécessité de cette protection et le progrès qu'elle constitue. Mais la meilleure protection de l'enfant n'est-elle pas le désir et le soutien que les adultes qui l'entourent lui manifestent afin de le voir grandir ? J'ai été surpris, il y a quelques mois - et je suis particulièrement heureux de vous faire part de cette surprise ici, à l'hôpital Nestlé qui a bien voulu accueillir mes propos de ce soir -, de voir apparaître sur l'écran de mon téléviseur une publicité de la firme Nestlé dont le texte énonçait fièrement : "Chez Nestlé, c'est le bébé qui est président". Est-ce que nous ne sommes pas arrivés au bord d'une espèce de délire collectif ? Qui ne voit l'hypocrisie de ce culte de l'enfant innocent, vierge de corps et d'esprit, l'enfant merveilleux et pur dont l'univers est censé n'être peuplé que de rêves et de jeux ? Qui n'observe, dans le langage et l'imagerie publicitaire et médiatique d'aujourd'hui, que la plus belle marchandise du monde est désormais un bel enfant ? Qui n'est frappé de constater que l'exemple de notre Cité idéale nous est proposé sous deux versions, deux imageries standardisées, qui font couple comme un duo d'opéra : Disneyland et Las Vegas ? D'un côté, le monde de l'enfant imaginé comme un adulte miniaturisé, de l'autre, le monde de l'adulte imaginé en enfant éternisé. Nous sommes entrés, sans nous en apercevoir, dans une véritable idolâtrie de l'enfant, dans "l'infantolâtrie", dans l'infantilisation générale du monde. Les enfants s'habillent comme des adultes pendant que les adultes s'empiffrent de bonbons et jouent comme des enfants - les uns et les autres se disputant les commandes de la console de l'ordinateur familial. L'idéal aujourd'hui, c'est de rester enfant, et non plus de devenir un adulte. Et, de plus en plus, c'est une certaine représentation imaginaire de l'enfant qui fait la loi. C'est l'enfant mythique dont la statue s'élève au rang d'idole à mesure même que les adultes déchoient de leur piédestal, démissionnent de leur fonction et s'infantilisent à qui-mieux-mieux.

Curieusement, mais logiquement, plus cette célébration de l'enfant imaginaire prend de l'ampleur, plus il apparaît, au sein de la réalité économique et sociale, que l'enfant représente un coût. D'ailleurs, plus on le vénère, plus il devient rare, plus il tend à être unique. Alors que dans toutes les phases de civilisation qui nous ont précédés, comme dans les cultures qui entourent notre îlot d'Occident, l'enfant a toujours été considéré comme la première richesse, chez nous il est à présent une charge dont il paraît normal à chacun que l'État nous en rembourse les frais. En somme, l'enfant que nous adulons et voulons protéger de tout, l'enfant que nous maintenons dans un état artificiel d'enfance, est de plus en plus irréel. Il est notre rêve narcissique et nous ne l'aimons plus, à la limite, que pour notre propre plaisir. L'enfant n'est plus pour nous une richesse, il est devenu un luxe - ce qui est tout à fait différent."



Je précise, à toute fins utiles, que je travaille dans le domaine de la protection de l'enfance et que je n'ai plus aucune illusion sur la capacité et l'inventivité des adultes dans la maltraitance infligée à l'enfant, qu'elle soit psychologique, sexuelle, physique, qu'elle soit négligence, absence de soins, atteintes profondes et parfois irréversibles à l'intégrité physique et psychiques d'êtres en développement, particulièrement vulnérables.
Donc mon expérience professionnelle ET personnelle ne me portent aucunement vers une indulgence nonchalante.


Ceci étant dit, à l'instar de l'auteur que je cite, je m'interroge sur ce que notre horreur et la virulence, la violence inouie des réactions de l'opinion publique à l'égard des "affaires de pédophilie" dit de notre société sur la place qu'elle donne à l'enfant.


Parce que c'est bien beau de vouloir lyncher les pédo, mais tant que la seule personne officiellement chargée d'enquêter sur les suspicions de maltraitance à enfant sur un secteur de 5000 habitants sera une seule assistante sociale - seule, sans regard extérieur, avec tous les risques d'erreur que cela implique - mal formée, mal soutenue, mal conseillée, et parfois débile à bouffer du foin... si on veut réellement protéger les enfants, faut s'en donner les moyens.


Voilà en substance mes réflexions sur la question, et je croise les doigts pour que nous n'ayons pas droit à un trolling en règle sur la peine de mort qui devrait être réintroduite et autres pendons-les par les couilles, mais là je crois que je rêve.
111 ans Sous la neige au fond à droite 7534
Ce texte est absolument génial, Lenore, merci merci merci de l'avoir partagé, ça donne plein d'éléments de réponse et une mise en perspective vraiment passionnante. Merci aussi à toi Ohio pour cette problématisation intéressante.

Je suis bien consciente aussi du potentiel partage en couilles de ce fil mais j'espérais bien avoir les lumières de plusieurs personnes dont vous deux, évidemment, avec que le tout ne s'effondre dans un immense cafouillage.

Remercie vos insomnies respectives pour moi, s'il vous plaît.
111 ans Sous la neige au fond à droite 7534
La fin totalement magistrale de la conf' citée par Lenore:

Citation:
Pour conclure ces réflexions, je reprendrai à Philippe Forest deux phrases d'un article publié dans le numéro 59 de la revue L'Infini consacré à "La question pédophile". Ph. Forest y écrivait : "\u…l'enfance n'existe pas, elle est le rêve du pédophile. Le pédophile - je l'imagine ainsi - est précisément celui qui croit à l'enfance (\u…). Il la voit comme le paradis dont il a été injustement chassé, le lieu vers lequel il lui faut revenir, qu'il lui faut à tout prix pénétrer." Effectivement, ma pratique de la psychanalyse avec des sujets pédophiles me permet de confirmer que, pour eux, l'enfance n'est pas un moment, une étape transitoire de la vie, un temps destiné, par essence, à prendre fin, mais bien une sorte d'état de l'être qu'il s'agit de restituer dans sa temporalité indéfinie. Dans la logique pédophile, l'enfant constitue le démenti opposé à la division du sujet : le "sujet-enfant" incarne le mythe d'une complétude naturelle dans laquelle désir et jouissance ne sont pas séparés. C'est pourquoi chaque pédophile est constamment confronté au drame de voir l'enfant qu'il aime se transformer et quitter cet état dont il se fait, lui, le dépositaire. C'est pourquoi aussi, malgré leur attrait et souvent leur talent exceptionnel pour la pédagogie, je crois, avec François Regnault que l'on peut définir le pédophile comme "l'envers du pédagogue" (cfr. L'Infini n° 59, p. 125). Car le véritable pédagogue - en existe-t-il encore ? - est celui qui fonde sa pratique sur la supposition que le désir le plus fondamental de l'enfant, est le désir de devenir grand.

Est-ce qu'il faudrait en conclure que nos sociétés sont devenues elles-mêmes pédophiles...?
38 ans Orgrimmar 6511
Je ne suis pas assez réveillée pour donner mon opinion de façon claire, mais je trouve que c'est super intéressant comme réflexion.

(Je suis la première à dire qu'il faudrait couper les couilles et les mains et crever les yeux des pédophiles pour qu'on soit sur qu'ils ne recommencent plus, mais je ne m'étais jamais posé la question du pourquoi est-ce un des crimes vus comme les plus graves? Ceci étant dit, je le mets à la même place que le viol... Et que la torture. Donc au final, ce n'est pas le 1er sur ma liste des atrocités. Mais c'est vrai que dans la presse, ou autour de moi, c'est clairement THE crime, le pire, l'absolu).

Bref, je sais que je n'apporte pas grand chose au débat, mais je vous lis avec attention...
52 ans 35 10308
Yuutsu a écrit:
Je ne suis pas assez réveillée pour donner mon opinion de façon claire, mais je trouve que c'est super intéressant comme réflexion.

Pareillement (et en particulier je remercie Lénore pour la pertinence de ses interventions, comme souvent).
Je savais que la pédophilie n'avait pas toujours été considérée avec la même horreur qu'aujourd'hui, mais je ne savais pas que c'était le cas aussi récemment que dans les années 70.
36 ans corse 862
coucou darlee :D

bon je repond (en esperant que ca soit pas moi qui fasse partir le sujet en cacahuète :lol: ) :
pour moi c'est clairement le crime le plus horrible avec la maltraitance (torture ... des parent ou autre qu'on peut voir dans les faits divers).
pourquoi? et ben je pense que c'est le fait de s'en prendre a des enfants qui ne passe pas pour moi :? ,c'est tellement facile de s'en prendre a des petits etre qui ne peuvent pas se defendre ! :shock:
il y a tellement d'innocence dans leur regard,il est tellement pur!, ils connaissent rien de la violence et de la méchanceté, s'en prendre a des petits etre comme ca me tue !!
je crois que si on jouu on s'en prend comme ca a mon fils,j irai a la police en leur disant d'arriver tres vite chez lui,avant que j'arrive la premiere :?
(j'ecris ce message avec mon petit garcon a coter,du coup je le regarde et ca me fout les larmes aux yeux ](*,) :lol: )
47 ans Sous le chant des cigales ^^ 3642
J'ai pas le temps de développer mais pour ma part il y a pire que la pédophilie. Au même niveau je place la torture physique, et au dessus je place l'assassinat.
je m'abstiens car je suis tres extreme sur le sujet.
52 ans 35 10308
Je peux me tromper, mais il me semble que la question de Darlee-Doo ce n'était pas ce qu'on pense nous de la pédophilie (parce que bon, j'imagine qu'on va tous être d'accord), mais de la façon dont c'est considéré aujourd'hui par la société, par rapport à la façon dont c'était considéré avant (c'est comme ça que j'ai pris l'intervention de Lénore en tout cas).
649
Darlee-doo a écrit:
Ça vous inspire quoi, tout ça?


Ca a toujours existé. Je ne suis pas certain que ce soit plus fréquent aujourd'hui qu'hier. Cela nous est simplement plus intolérable aujourd'hui.

Sans minimiser l'aspect immonde de la chose, ce n'est pas nouveau dans notre société.
52 ans pépettesland 1803
Angia a écrit:
Je peux me tromper, mais il me semble que la question de Darlee-Doo ce n'était pas ce qu'on pense nous de la pédophilie (parce que bon, j'imagine qu'on va tous être d'accord), mais de la façon dont c'est considéré aujourd'hui par la société, par rapport à la façon dont c'était considéré avant (c'est comme ça que j'ai pris l'intervention de Lénore en tout cas).


Ben depuis y'a eu Dolto. Avec les bons et les mauvais côtés mais en tout cas elle a clairement changer le regard de la société sur les enfants. Donc, ça a forcément dû jouer à mon sens.

Et, perso, ce n'est pas tant la pédophilie qui me choque que le fait que cela touche à un enfant.
Depuis que je suis devenue mère j'ai beaucoup de mal avec ces choses.
Pire qu'avant.
C'est pas rationnel en fait.
Je ne crois pas que tout doive être absolument rationnel de toute manière.
A la dernière biennale de Venise un des artistes avait fait une installation ou défilaient aléatoirement des photos de bébés morts et des photos de bébés vivants. Ben j'étais vaiment mal.
Je suis une quiche comme beaucoup je pense. Tout simplement.
Ca doit jouer aussi dans la preception des actes pédophiles je pense, ce côté animal de vouloir protéger ses petits non ?
B I U