Alors je me lance pour partager mes impressions de lecture.
J'ai adoré l'introduction qui m'a fait écho personnellement, affectivement même. Donc j'ai commencé à lire ce texte avec de bonnes dispositions on va dire. Après ça se corse pour moi, le style ne m'est pas familier, je peine un peu. Mais je continue, et dans l'ensemble, j'aime bien penser à ce que je suis en train de lire durant ces trois pages.
Citation:« Il faut se rendre compte que parmi nos désirs les uns sont naturels, les autres vains, et que parmi les premiers il y en a qui sont nécessaires et d’autres qui sont seulement naturels. Parmi les nécessaires, il y en a qui le sont pour le bonheur, d’autres pour la tranquillité du corps, d’autres enfin pour la vie même. Une théorie non erronée de ces désirs sait en effet rapporter toute préférence et toute aversion à la santé du corps et à la tranquillité de l’âme puisque c’est là la perfection même de la vie heureuse. Car tous nos actes visent à écarter de nous la souffrance et la peur. Lorsqu’une fois nous y sommes parvenus, la tempête de l’âme s’apaise, l’être vivant n’ayant plus besoin de s’acheminer vers quelque chose qui lui manque, ni de chercher autre chose pour parfaire le bien-être de l’âme et celui du corps. C’est alors en effet que nous éprouvons le besoin du plaisir quand, par suite de son absence, nous éprouvons de la douleur; mais quand nous ne souffrons pas, nous n’éprouvons plus le besoin du plaisir.
Et c’est pourquoi nous disons que le plaisir est le commencement et la fin de la vie bienheureuse. C’est lui en effet que nous avons reconnu comme le bien principal et conforme à notre nature, c’est de lui que nous partons pour déterminer ce qu’il faut choisir et ce qu’il faut éviter, et c’est à lui que nous avons finalement recours lorsque nous nous servons de la sensation comme d’une règle pour apprécier tout bien qui s’offre. Or, précisément parce que le plaisir est notre bien principal et inné, nous ne cherchons pas tout le plaisir; il y a des cas où nous passons par-dessus beaucoup de plaisirs s’il en résulte pour nous de l’ennui. Et nous jugeons beaucoup de douleurs préférables aux plaisirs lorsque, des souffrances que nous avons en durées pendant longtemps, il résulte pour nous un plaisir plus élevé. Tout plaisir ne doit pas être recherché; pareillement, toute douleur est un mal, mais toute douleur ne doit pas être évitée à tout prix. En tout cas, il convient de décider de tout cela en comparant et en examinant attentivement ce qui est utile et ce qui est nuisible, car nous en usons parfois avec le bien comme s’il était le mal, et avec le mal comme s’il était le bien. »
C'est vraiment le passage qui m'a principalement interpellée. En le lisant, je me disais que ça devait être paisible d'arriver à différencier ses désirs, à les satisfaire dans le choix et non dans l'angoisse.
Le plaisir est au centre, la sensation même je dirais, mais pas n'importe lequel. Il y a comme une nuance même dans le vécu de plaisir. Quand il parle du plaisir comme source d'ennui, ça m'a fait pensé à toutes ces choses que j'aime énormément mais dont parfois l'expérience me semble vraiment décevante. Comme si j'avais assimilé le plaisir à l'objet plutôt qu'au désir de l'objet (donc à un état interne en lien à l'objet).
Par exemple, j'adore marcher, j'adore nager, j'adore manger, j'adore lire, j'adore discuter, j'adore une série, j'adore dessiner, etc. Si je suis déprimée ou contrariée, je vais parfois chercher à me dégager de ce malaise et aller du côté d'un plaisir. Seulement voilà, je vais chercher des choses que j'ai associé à cette sensation, comme si cette sensation de plaisir venait d'elles avant de passer par moi. Souvent, c'est décevant, si je marche par envie de plaisir/fuite de malaise, je ne quitte pas vraiment l'état de malaise, je n'arrive même plus à le divertir vraiment, alors que c'est génial si je marche par envie de marcher. Et que dire encore de l'état de besoin ?
Aussi, ça me fait beaucoup écho ce qu'il évoque concernant le plaisir et la douleur. Je me disais : comment peut-on supporter parfois des tâches d'une réelle difficulté, coûteuses en énergie, pour une satisfaction extrêmement différée du point de vue de la sensation et de la temporalité (par exemple : des études, un entraînement, des travaux, résoudre une équation, chercher un logement, méditer, etc).
Et là, du coup, ça me fait aussi raccrocher au début du texte qui m'avait beaucoup intéressé, sur le vécu anticipateur de la mort. Ça m'y fait écho dans le sens où peut-être que cette fonction du plaisir à assurer la satisfaction et la paisibilité de l'âme (et la santé du corps) passe aussi par la question du temps. C'est pas tout à fait clair pour moi donc je peine un peu à l'écrire d'autant que je viens de perdre le lien qui venait de se faire dans ma tête ! (C'est comme l'ampoule qui s'éclaire d'un coup à côté d'un personnage pour dire qu'il a une idée, et paf, elle vient de s'éteindre ;) )
Enfin voilà. Je ressors aussi de de cette lecture avec ce passage en tête, parce que le début je trouve situe différemment les idées «épicuriennes » de celles qui peuvent circuler (les vies épicuriennes assimilées à des plaisirs sans limite et dans l'abondance). Et surtout, la dernière phrase, sur la raison vigilante et la question d'un choix, sur ce qui au final, compte. (C'est un peu comme ça que je me le dis.)
Citation:« Quand donc nous disons que le plaisir est notre but ultime, nous n’entendons pas par là les plaisirs des débauchés ni ceux qui se rattachent à la jouissance matérielle, ainsi que le disent les gens qui ignorent notre doctrine ou qui sont en désaccord avec elle, ou qui l’interprètent dans un mauvais sens. Le plaisir que nous avons en vue est caractérisé par l’absence de souffrances corporelles et de troubles de l’âme. Ce ne sont pas les beuveries et les orgies continuelles, les jouissances des jeunes garçons et des femmes, les poissons et les autres mets qu’offre une table luxueuse, qui engendrent une vie heureuse, mais la raison vigilante qui recherche minutieusement les motifs de ce qu’il faut choisir et de ce qu’il faut éviter et qui rejette les vaines opinions grâce auxquelles le plus grand trouble s’empare des âmes. »
Sinon, j'étais étonnée que ça soit une correspondance.
Et aussi, Poupoule, ça m'intéresserait de savoir comment tu as connu l'auteur/le texte ?
Au
plaisir de vous lire ;)