Portrait II
Les longues et larges avenues de la nouvelle ville,
Tapissées d’infinies pistes sombres, et bitumées,
A l’odeur forte de goudron, des épaisses fumées,
Se répandent, écrasant les sinueux sentiers hostiles.
Partout ces bruits
rauques raclant, partout cette marée d’engins,
De mille et mille couleurs, aux mille et mille sons,
Partout cet étalage grotesque de transport qui, au fil des saisons,
De partout et de nulle et part, grouille vers les citadins.
Ce charivari dévastateur envenime nos sens,
Nous emprisonnant dans la cale de nos esprits,
Et nous marchons à la dérive des flots imprécis
De l’indifférence qui flotte à la poupe de la conscience.
Par un unique hublot, j’aperçois, à travers le brouillard
Du moderne, au-delà d’immenses rues dépravées,
Au sein du bordel citadin, sous klaxons et sifflets,
Un charmant petit jardin, ce paradis cerné de cauchemars.
Adossé au Soleil, un vieil arbre morne
Ouvre ses douloureux membres d’épines
Tandis qu’au creux de cette antre se câline
Un couple de belles hirondelles qui désarçonne.
Ces humbles et sublimes taches blanches
Au regard humide, glissent tendrement
Une aile chétive et se balancent paresseusement
Dans un langoureux roucoulement, sous les branches.
Ce paradis cerné de cauchemars demeure le dernier espoir
Des âmes attristées, aliénées par la ville grisâtre,
Des nostalgiques errant en forêt, las de combattre,
Et illumine la triste image, avant si belle, ici si noire.
Un autre Soleil se lève sur les boulevards,
Sur ce fatras, ce tout créé de rien,
Et sur ce jardin, cet arbre inhumain,
Ce paradis cerné de cauchemars...