ça nous est tombé dessus il y a quelques semaines et depuis je fais des pieds et des mains pour obtenir auprès des spécialistes les rv nécessaires à des bilans.
Avec zhôm, on a fait le choix de ne rien dire à nos proches. Pas envie de supporter ou leur inquiétude ou leur déni. Bien assez à faire avec nous mêmes ! Mais c'st aussi terriblement lourd à porter, parfois, et c'est pourquoi j'ai eu besoin d'écrire ce texte. Ne pouvant le confier à personne, c'est ici que je le fais. Merci à ceux qui auront la patience de me lire.
Ça vous arrive dessus insidieusement. D’abord, la maîtresse de loulou 2 demande à vous voir. Vous vous inquiétez : vous savez votre petit d’homme un peu turbulent. Mais ce n’est pas cela. Elle vous parle de difficultés d’apprentissage. Qu’en GS, il ne tient toujours pas son crayon correctement. Qu’il n’arrive pas à faire de spirales, ni à écrire son prénom. Qu’elle voit bien qu’il fait des efforts, mais qu’il fatigue très vite. Il lui dit : « Maîtresse, j’y arrive pas. » Votre cœur se serre. Zhôm demande comment on peut l’aider, ce qu’il faut faire avec lui comme exercice. « Je ne suis pas spécialiste, je ne suis que maîtresse, mais vous devriez faire un bilan. » Vous sortez de là un peu assommée, téléphonez au pédiatre, qui propose de vous recevoir tout de suite.
Après récit de l’entretien avec la maîtresse il tend une feuille et un stylo à loulou 2 et lui demande : dessine-moi une maison. Lui, qui a compris l’enjeu, tire la langue, s’applique, fait la fameuse pince, et vous voyez le stylo partir, partir tout du long de la feuille, finir par tracer un ovale tremblotant pas même fermé. « C’est une maison ? » Le pédiatre n’insiste pas. Il commence à vous parler bilan psychomoteur, ergothérapeute, orthoptiste… et puis, pour plus tard, dossier MDPH. Vous opinez, sans vouloir comprendre. Votre mari se tait, sombre, dans un coin. Le mot est lâché : « probable dyspraxie ».
En sortant, l’homme de votre vie lâche : « de toutes façons, il a le droit d’être différent. Pas question de le cataloguer. » Et même si vous savez qu’il faudra discuter, expliquer, vous vous dites que c’est aussi pour cela que vous l’aimez, pour cette foi inaltérable qu’il a en ses enfants, quoi qu’il arrive, quoi qu’on lui dise.
Ce n’est que le lendemain que l’idée vous traversera : Pourquoi ? Qu’est-ce qu’on a fait de travers ? Ou pas fait ? Et si ça venait de moi ? Moi aussi petite j’étais maladroite, pas latéralisée. Je trichais. Je copiais sur les autres. Et vous repensez à votre énervement, quand loulou met pour la énième fois ses chaussures à l’envers, ou égare ses chaussettes pour ne pas avoir à les enfiler. Et tout d’un coup votre regard change, et vous comprenez que désormais il faudra faire avec, trouver des parades, accompagner, et que oui, votre fils à vous est handicapé. Et vous pensez à la jeune éduc que vous avez été, si apte à donner des conseils, si prompte à dire « on ne peut pas imaginer ». Non, on ne peut pas. Jusqu’au jour où ça vous tombe dessus. Et que à votre tour vous dites : « c’est comme si j’avais reçu un immeuble sur la tête. Je n’ai rien compris ».