Citation:1. Des restrictions peuvent trouver leur justification dans le respect de
l'organisation du travail :
◗ Respect des horaires, respect des lieux de travail, conformité aux techniques
professionnelles utilisées, adhésion à la stratégie commerciale de l'entreprise, etc.
Cas concrets :
L'employeur ne commet aucune faute en demandant au salarié d'exécuter la tâche pour
laquelle il a été embauché dès l'instant où celle-ci n'est pas contraire à une disposition
d'ordre public. Il peut notamment être envisagé de spécifier dans un contrat de travail le
caractère impératif du port d’un uniforme précis, dans le cadre d’une mission le nécessitant,
sans qu’aucune dérogation ne soit possible.
2. La manifestation de la liberté de conscience ne doit pas entraver la sécurité
et l’hygiène :
◗ L’article 9-2 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme retient explicitement
des impératifs de sécurité ou de santé comme restrictions légitimes au droit de
manifester ses convictions ou opinions :
Considération de sécurité au travail19 :
Il s’agit de vérifier si la manifestation de liberté de conscience n’entraîne
pas un accroissement de risques (mécaniques ou chimiques) ;
Impératifs de santé ou d’hygiène sanitaire20 :
Il s'agit d'évaluer si la manifestation de liberté de conscience n’entraîne
pas un manquement aux conditions d'hygiène requises.
La Cour de cassation a notamment rappelé à plusieurs reprises, à propos
de la visite médicale obligatoire, que le salarié ne pouvait se soustraire à
l’application des dispositions impératives.
Cas concrets :
Un maçon refuse de mettre son casque de protection sur le chantier au motif que ses
convictions religieuses lui interdisent de couper ses cheveux ; un machiniste refuse de tailler
ou de protéger sa barbe au motif que ses convictions lui interdisent de raser sa barbe ; une
chimiste refuse d’ôter son foulard au motif que ses convictions religieuses lui interdisent de
montrer ses cheveux ; un salarié refuse la visite médicale au motif que sa religion lui interdit
de se dévêtir devant une personne de sexe opposé, etc.
3. Un salarié ne doit pas faire de prosélytisme :
◗ Il s’agit d’évaluer si la personne concernée fait état d’un zèle ardent pour recruter de
nouveaux adeptes à un culte donné et/ou s’il tente d’imposer ses idées et ses convictions
à autrui.
◗ La Cour Européenne des Droits de l’Homme retient que « le port de certains
vêtements (par exemple : le foulard pour les femmes musulmanes, la kippa ou
le turban pour les hommes de confession juive ou sikh) relève d’abord de
l’accomplissement d’une pratique religieuse avant d’être l’expression publique
de l’appartenance à une religion. »21 Ce n’est donc pas en soi caractéristique d’un
comportement prosélyte.
◗ Un règlement intérieur ne peut interdire de manière générale et absolue « les discussions
politiques ou religieuses et, d’une manière générale, toute conversation étrangère au
service. » 22
◗ Le Conseil d’Etat a considéré que ces dispositions du règlement intérieur
excédaient l’étendue du pouvoir de l’employeur « eu égard à l’atteinte
qu’elles portaient aux droits de la personne »23
.
Si le salarié est en droit d’exprimer librement ses convictions dans
l’entreprise, il ne peut le faire que dans les limites que constituent l’abus
du droit d’expression, le prosélytisme ou les actes de pression ou
d’agression à l’égard d’autres salariés.
Dans cette situation, il pourrait être invoqué l’obligation de protection
de l’employeur à l’égard de ses salariés telle qu’elle ressort des
articles L-4121-1 et L-1152-4 du Code du travail.
Cas concrets :
Un salarié profite de ses fonctions de formateur pour faire du prosélytisme24 ; un salarié
multiplie les « digressions ostentatoires orales sur sa religion »25 ; un autre « dépasse le
cadre normal de la liberté d’expression »26 ; l’animateur d’un camp de centre de loisirs
procède à la lecture de la Bible et distribue des prospectus des témoins de Jéhovah dans le
cadre de son activité27 ; etc.
4. La manifestation de la liberté de conscience ne doit pas entraver les aptitudes
nécessaires à la mission :
◗ Il s’agit de vérifier si la manifestation de liberté de conscience entraîne une altération
des aptitudes nécessaires à son travail, en utilisant une grille de lecture comparable
à celle pouvant être utilisée pour d’autres situations qui empêcheraient, de manière
provisoire ou définitive, le salarié d’effectuer son travail(alcool, accident du travail, etc.).
◗ « Si l’employeur est tenu de respecter les convictions religieuses de son
salarié, celles-ci, sauf clause expresse, n’entrent pas dans le cadre du
contrat de travail, et l’employeur ne commet aucune faute en demandant
au salarié d’exécuter la tâche pour laquelle il a été embauché dès
l’instant que celle-ci n’est pas contraire à l’ordre public. »28
Cas concrets :
Un salarié travaillant dans le rayon boucherie d’un magasin d’alimentation refuse d’être en
contact avec la viande de porc29 ; une cuisinière ne veut pas goûter aux plats de viande non
égorgée et refuse de toucher les bouteilles de vin en se prévalant de ses convictions
religieuses 30 ; un manager refuse d’être sous l’autorité d’une femme dans le cadre de son
travail au nom de ses convictions religieuses, etc.
5. La manifestation de la liberté de conscience ne doit pas entraver l’organisation
nécessaire à la mission :
◗ Il s'agit d'évaluer si la manifestation de liberté de conscience entraîne un problème
organisationnel au sein de l'équipe31 ou pour la réalisation de la mission32
.
◗ Concernant les demandes d’absences liées aux fêtes religieuses, le refus de l’employeur
est possible s’il est justifié par les impératifs liés à la bonne marche de l’entreprise.
◗ L’acceptation ou non d’aménagements d’horaires pendant les périodes de jeûne sera
motivée de la même façon.
◗ La HALDE a rappelé que les autorisations peuvent être refusées par l’employeur si
cette décision est justifiée par la nécessité avérée de la présence du salarié concerné
à cette date34
.
Cas concrets :
◗ Un salarié demande une autorisation d’absence pour une fête religieuse au dernier moment
et cela perturberait l’organisation du service35 ; un coordinateur refuse d’assister (même
sans manger) à des déjeuners professionnels pendant la période de son jeûne ; 60% du
service demande le même jour une autorisation d’absence pour fête religieuse, etc.
6. La manifestation de la liberté de conscience ne doit pas entraver les
impératifs commerciaux liés à l’intérêt de l’entreprise :
◗ De manière générale, « l’entreprise ne peut être érigée en lieu neutre en l’absence
d’une disposition législative venant restreindre la liberté de conviction, qui
comprend celle de manifester sa religion »36 .
◗ Aussi, un employeur ne peut invoquer le fait que l’entreprise souhaite
privilégier une image de neutralité pour demander ou imposer au salarié
d’adopter une tenue neutre.
◗ Cela ne signifie pas que l’employeur ne puisse pas refuser un signe
religieux : « les impératifs commerciaux, dans le cadre d’une relation
avec la clientèle, liés à l’intérêt de l’entreprise, peuvent justifier une
restriction apportée au port d’un signe religieux. »37
◗ Mais le simple fait d’être au contact de la clientèle n’est pas en soi une
justification légitime pour restreindre la liberté de religion du salarié.
Ainsi, par exemple, « l’interdiction du port du foulard doit être fondée
sur des justifications précises tenant à la nature de l’activité
exercée. » 38
◗ Ce critère suppose une évaluation minutieuse, au cas par cas, selon les
situations.
Les restrictions que peut apporter l'entreprise privée à la liberté de conscience sont quand même super larges. Dès lors par ex que le salarié ne peut faire de prosélytisme, je ne vois pas quel peut être le préjudice pour ses collègues. Non? Tu penses à quoi comme problèmes?