Bonjour à tous et à toutes,
Cela fait de longues années que je ne suis plus venue ici. J'ai parcouru les forums, quelques fois, mais sans jamais poster depuis, au moins
2005?
Mais aujourd'hui, j'ai ressenti le besoin de poster, de raconter la suite de mon histoire, en espérant que ça aide peut-être certain(e)s d'entre vous à franchir le pas.
Ronde depuis l'enfance, j'ai grossi, chaque année, à coup de quelques kg, lentement, mais surement, jusqu'à arriver au stade d'obésité sévère.
Sans l'accepter pleinement, j'ai eu la chance d'avoir eu une intuition profonde que j'en avais besoin, que c'était de l'ordre de la survie.
Il y a une dizaine d'années, déjà, j'avais pensé à aller consulter un psychologue pour essayer de comprendre le pourquoi du comment (là encore, j'ai eu la chance d'avoir confiance en mon sentiment que ce n'était pas juste "un manque de volonté" ou autre connerie du genre, mais que ça cachait quelque chose de plus profond), mais je n'ai pas franchi le pas. Pourquoi? Je n'en sais rien. Peut-être n'était-ce tout simplement pas le moment?
Il y a 4ans, je me suis enfin décidée à franchir le cap et à consulter pour mon hyperphagie. 1ère consultation : alors que je n'avais abordé que le problème des TCA, le psychiatre identifie immédiatement le problème sous-jacent : les rapports avec ma mère et plus globalement ma place dans la famille. S'ensuit de long mois de consultations, où je creuse, je mets à jour les problème. Mais je n'arrive pas à les gérer, et il n'y a, bien entendu, aucune répercussion sur mon poids. Je finis par cesser le suivi car je n'arrivais plus à avancer.
1an après, je suis toujours embourbée dans mes problèmes, et je continue à les manger : pour calmer les émotions, l'angoisse, le mal-être. Je me décide à reprendre RDV avec une psychologue en novembre 2015. Et là, miracle : est ce l'approche différente, est ce que j'ai muri entre-temps? Je ne sais pas, mais je commence à gérer beaucoup mieux mes problèmes. En parallèle, j'achète les livres de Gérard Apfeldorfer, et notamment "Je mange donc je suis", qui m'éclairent énormément.
Et en février 2016, j'ai subitement un déclic : je n'ai plus besoin de la nourriture comme palliatif. J'aime la bouffe, la gastronomie, je suis profondément gourmande, mais je ne veux plus que la nourriture serve à me "remplir".
J'installe une application (MyFitnessPal), probablement très décriée ici, mais avec un objectif "réaliste" : après des années de "remplissage", j'ai un peu perdu la notion des quantités. Je me fixe un objectif réaliste (1800kcal/j quand je compte), mais ne me prends pas la tête en cas de sortie, chez les amis ou au restaurant.Je privilégie les aliments "plaisir", ceux avec un rapport calories/plaisir intéressant (je me rends compte par exemple que je n'aime pas les pâtes plus que ça, je préfère largement des oeufs avec du pain et du fromage par exemple).
Je fais tout ça dans mon coin, sans même en parler à mon conjoint : c'est mon histoire, mon "problème", je ne veux absolument pas que ça soit commenté, mis sur la place publique. Je ne veux pas de commentaires des gens, encore moins de conseils ou d'encouragement.
Et petit à petit, je perds du poids. Je constate ça avec une certaine distance, je ne le vis pas comme une victoire, car cela ne me demande aucun effort. Et puis les gens commencent à le remarquer, à commenter. Cela me met terriblement mal à l'aise : je ne suis pas une meilleure personne parce que j'ai maigri, je reste toujours moi. Il y a effectivement une victoire, mais pas là où ils la voient : dans le fait que j'aille mieux psychologiquement. Et je n'ai pas spécialement envie de discuter de mon état psychologique avec n'importe qui. Du coup, je coupe en généralement court avec "c'est personnel, je n'ai pas très envie d'en parler". Mouvements de surprise souvent, de gêne parfois de la part de mes interlocuteurs : la plupart des gens adorent être félicités pour leur perte de poids, ma réaction est inhabituelle. Mais c'est comme ça que je le vis : je le fais pour moi, pas pour les autres, je reste la même personne.
En juin de la même année, je reprends le sport. Pas parce qu'il faut, pas pour bruler des calories, mais parce que j'ai enfin trouvé un sport qui me plait, que je pratique avec plaisir : l'escalade.
Je continue de maigrir : sans effort, ni pression. Je ne compte pas en voyage, je ne me fixe pas d'objectif précis, mon corps m'amène là où il le souhaite, je lui fais confiance.
En décembre, j'arrête de compter les calories : trop de repas à l'extérieur, de repas festifs, ça commence à être compliqué. Entre-temps, j'ai aussi appris à faire confiance à mes sensations, à savoir dire non quand je n'en ai pas vraiment envie. Oh, pas toujours, il m'arrive régulièrement de manger trop par gourmandise, mais ça se régule souvent les jours suivants. Je continue à perdre du poids, beaucoup plus lentement, mais j'arrive également à un poids considéré comme "normal" médicalement parlant.
Nous voilà arrivés à aujourd'hui : je suis beaucoup plus sereine avec la nourriture, qui n'est plus un palliatif à mes angoisses et à mon mal-être. Je fais du sport, et j'ai même enfin osé m'inscrire à un cours de danse classique pour la rentrée. Perdre du poids n'était pas un objectif, ça a surtout été une conséquence d'un mieux-être psychologique : ça ne m'a pas rendue plus heureuse, je l'étais déjà, et je n'en attendais rien de spécial. Ma relation avec ma mère va un peu mieux, même si tout n'est pas encore réglé. Je suis consciente que rien n'est acquis, et même si reprendre du poids me fait peur pour être tout à fait honnête, je sais que c'est possible et que j'aurai toujours une certaine "fragilité" à ce niveau là. Et si ça arrive, ça ne sera pas un échec, ça sera juste mon parcours de vie, et c'est probablement car j'en aurais à nouveau besoin à ce moment là.
Je crois que dans l'ensemble, j'ai eu beaucoup de chance :
- ne m'être jamais détestée. Je n'ai jamais été complexée (même si je n'aimais pas spécialement mon corps), j'ai toujours été reconnaissante envers mon corps de supporter sans broncher tout ce que je lui ai fait endurer.
- n'avoir jamais entrepris de régimes drastiques auparavant, consciente que ce surpoids était en fait une protection dont j'avais besoin à ce moment là
- avoir un compagnon qui m'a toujours aimée, quel que soit mon poids, et qui ne m'a jamais fait de remarques à ce sujet
- rencontrer ma psychologue, qui a fait un super travail avec moi.
Désolée pour ce pavé, bravo aux courageux qui auront eu le mérite de me lire jusqu'au bout, et à ceux qui hésitent, qui sentent que le surpoids est une forme de protection : n'hésitez pas! Le travail sera probablement long, surement douloureux, la parte de poids n'est absolument pas assurée, mais régler ses problèmes psychologiques, qu'est ce que ça fait du bien! Il faut parfois du temps, tomber sur le bon psy, au bon moment, mais ça en vaut vraiment le coup. Par ailleurs, aimez-vous tel(le)s que vous êtes : maigrir ne fera pas de vous de meilleures personnes, plus aimables, plus dignes d'attention, cela ne vous rendra pas plus heureux dans la vie. Soyez aimable avec votre corps, ayez de l'estime pour vous-mêmes, entourez-vous de gens positifs pour vous...