Le système immunitaire émotionnel
Le fait de travailler avec des femmes de toute corpulence m’a appris que l’on
peut haïr son corps quel que soit son poids et, qu’inversement, certaines personnes acceptent leur corps quel que soit leur poids. D’autres peuvent
être vulnérables quel que soit leur poids et ce, à cause
du regard des autres et de l’importance accordée à l’apparence
physique.
Comment le fait de « baigner » dans ces stéréotypes
culturels nous affecte-t-il ? Celle-là est grosse, elle ne doit
pas savoir se contrôler, celle-ci est une enfant abandonnée, elle
doit être distraite ; cette autre-là est un canon, elle doit
bien réussir dans la vie. Les stéréotypes ont le même
effet que les toxines. C’est votre système immunitaire émotionnel
qui détermine la manière dont vous allez être affecté(e)
par ces stéréotypes : tout dépend de votre système
de défense contre ce contenu toxique.
Ayant travaillé dans un hôpital psychiatrique pour femmes, j’ai
appris qu’on ne peut pas deviner quel est le comportement d’une personne face
à la nourriture en se fondant sur son apparence physique. Une femme boulimique
de 27 kilos nous a confié qu’elle ingurgitait près de 20 000
calories par jour, tandis qu’il y avait une femme de plus de 220 kilos qui avait
failli mourir de faim à la suite d’un jeûne de neuf mois. Eh bien
quand ces deux femmes sortaient en public, la plupart des gens pensaient que
la femme maigre se privait et que la femme obèse se goinfrait.
Ce genre de suppositions a pour effet d’associer la personne concernée
à un écran sur lequel on projette des images. Cela peut vite devenir
fatigant d’être obèse et d’avoir continuellement l’impression de
faire partie d’un film intitulé « Bon dieu, cette fille ne
doit avoir aucune volonté et elle doit haïr son corps au plus haut
point ». Mais, c’est également fatigant d’être belle
selon les canons de la beauté conventionnels et d’avoir à constamment
subir les « Mon dieu, cette fille doit penser qu’elle est parfaite,
je la hais ».
Ces images varient selon la corpulence et l’apparence de la personne, ainsi
que selon le genre, l’origine culturelle, la classe sociale, l’âge, etc.
En général, il est très dur émotionnellement de
se voir « stéréotypé », en particulier lorsque
ces stéréotypes sont négatifs et ne reflètent pas
la vérité ou lorsque l’on sent que l’on n’a pas la force de les
combattre. Cela les rend plus « toxiques ».
Il existe certaines situations particulièrement difficiles lorsque la
personne qui juge ne connaît rien de nous à part notre apparence
physique et fonde ses jugements sur cette apparence. Les recruteurs, les «
blind dates », les bars pour célibataires, marcher dans la
rue : toutes ces situations représentent les moments pendant lesquels
nous sommes le plus vulnérable et pendant lesquels nous risquons le plus
de n’être qu’une image toute faite pour une autre personne.
Mais la plupart du temps, vous pouvez vous « démarquer »
de cette image plutôt que de rester cet écran de projection passif.
Vous avez certainement dû être frappé(e) par une personne
qui vous a paru comme socialement très active et qui ne rentrait pas
dans les critères de beauté conventionnels. Quel est le secret
de l’attirance physique qu’exercent ces personnes ? Elles ne représentent
pas cet écran passif destiné aux images du type « Elle/Il
est laid(e), elle/il doit être très seul(e) ». Quelque
part, on a l’impression que ces personnes sont « vaccinées »
contre les bonnes fées qui protégent les Barbie et autres Ken.
Le défi pour nous tous est de trouver des moyens de nous « démarquer
» de ces stéréotypes qui nous emprisonnent. Ci-dessous,
une liste de différents points qui peuvent constituer une ligne de défense
efficace pour notre système immunitaire émotionnel :
- Se connaître soi-même – en fait prendre possession de
soi-même - Connaître ces stéréotypes– apprendre à
reconnaître l’ennemi - Se débarrasser des différentes versions de ces stéréotypes
que l’on a intériorisées - Montrez-vous
- Liez-vous avec des gens qui vous acceptent en tant qu’individu
- Soyez un(e) activiste – réalisez des choses qui vous renforcent
- Ayez de la compassion pour votre côté vulnérable –
cela fait mal d’être considéré(e) comme un stéréotype
La métaphore du système immunitaire émotionnel met en
avant l’importance de ce que vous croyez à propos de votre
corps et de vous-même. Comment le système immunitaire
physiologique se défend-il contre les toxines ? Veuillez excuser
mon explication ultra simpliste, mais il compare la chose qui vient de l’extérieur
avec ce qui est déjà à l’intérieur et ce, afin de
déterminer si cette chose externe est un corps étranger. S’il
ne trouve aucun corps semblable à ce corps étranger dans notre
organisme, il alerte les armées. Et s’il s’avère que ce corps
existe déjà en nous ? Il est très probable qu’il laisse
cette chose venue de l’extérieur pénétrer à l’intérieur
de nous et agir de l’intérieur.
Si l’image que l’on vous renvoie est une image dont vous avez peur qu’elle
soit vraie, si vous avez internalisé ces stéréotypes oppressants
(« Je suis une pauvre grosse fille qui ne sait pas se contrôler »), alors cette image pénètre en vous et ne fait que confirmer
vos pires craintes. Ces attaques blessent énormément. D’un autre
côté, si vous avez toujours eu une attitude critique envers votre
culture et la manière dont elle peut être terriblement opprimantes
envers un certain nombre de groupes de gens, et que vous avez cherché
à vous connaître vous-même et à ne pas vous mentir
à vous-même, l’image qui vous sera renvoyée n’aura aucun
effet car elle ne correspondra pas à l’image que vous avez de vous. Certes,
elle peut vous égratigner, mais elle ne vous fera pas souffrir à
mort. Au contraire, vous vous direz que cette personne a un sérieux problème
avec certaines personnes (grosses, vielles, asiatiques, handicapées,
etc.). C’est la faute à pas de chance si vous vous êtes
trouvé(e) sur son chemin aujourd’hui, mais son sectarisme ne vous atteint
pas.
La métaphore du système immunitaire émotionnel met également
en avant le fait que peu importe la quantité de « nettoyage »
interne que l’on fait au niveau personnel, nous serons toujours vulnérables
aux toxines extérieures. Car il nous faut encore nettoyer
la société de ses stéréotypes. Pour cela, il
faut que nous soyons les plus forts possibles, c’est pour cela que le travail
interne est également important. Le travail émotionnel et l’activisme
sont deux pratiques qui se complètent. Changez votre façon de
voir les choses, changez les stéréotypes culturels et laissez
votre corps exister.
© 2001 – Article original : »The Emotional Immune System », www.bodypositive.com