La grossophobie : une lutte quotidienne
En France, on estime que les personnes obèses seraient près de 10 millions. Beaucoup d’entre elles préfèrent vivre isolées plutôt que d’avoir à affronter quotidiennement l’opprobre. Et pour cause, dans notre société, les personnes grosses sont très souvent victimes de rejet et réflexions quant à leur surpoids. Que ce soit dans la rue, dans les transports en commun, dans le cadre du travail ou chez le médecin, les personnes en surpoids avéré doivent sans cesse endurer des remarques, voire même des insultes. Ainsi, les femmes rondes souffrent parfois du culte de la minceur inhérent à nos normes sociétales, mais également du rejet de tout ce qui est différent. Dans son livre “On ne naît pas grosse”, paru aux éditions Goutte d’Or, Gabrielle Deydier explique très bien la stigmatisation liée aux personnes grosses et en particulier aux femmes rondes.
La stigmatisation de la femme ronde en société
Cela peut paraître paradoxal, mais c’est bien la dictature de la minceur dans notre société qui est à l’origine de prise de poids. En effet, selon une récente étude, les chercheurs en sont venus à la conclusion que l’obésité était en quelque sorte fabriquée avec les régimes. Ainsi, à trop vouloir correspondre à un modèle qui n’est pas nécessairement le nôtre, on confond beauté et santé. Si en effet, un surpoids avéré peut mettre la santé en danger, présenter des formes et des rondeurs différentes que celles arborées par les mannequins, ne nécessite pas pour autant d’entamer un régime. En outre, nombreux sont les régimes à se solder par une prise de poids d’autant plus importante que le régime a été restrictif.
Chaque année, au printemps, les magazines féminins fleurissent de conseils en tout genre pour faire disparaître les bourrelets disgracieux qui pourraient oser s’afficher sur la plage. D’ailleurs, on a beau constater et dire haut et fort que les top models des podiums sont maladivement maigres, rien n’y fait, il est toujours mieux d’être perçu trop mince que trop gros. Il s’agit en quelque sorte d’une injonction morale concernant les personnes en surpoids, victimes de bien des préjugés.
Les préjugés les plus courants au sujet des femmes rondes
Tout comme les clichés sur les femmes, ceux sur les femmes rondes ont la peau dure. Ainsi, parmi les préjugés les plus courants concernant les femmes en surpoids, l’idée que ces dernières sont simplement gentilles perdure. De fait, la femme ronde ne serait vue que comme “une bonne copine” qui sait écouter et conseiller les autres, puisqu’elle doit savoir ce qu’est le rejet, masculin notamment, ainsi que les questionnements qui en découlent. Or, nombreux sont les hommes à affirmer, dans les sondages bien sûr, préférer les femmes rondes.
Autre cliché concernant les femmes rondes : celles-ci seraient d’excellentes cuisinières, qui adorent manger. Bien sûr, tout le monde peut aimer cuisiner, mais être ronde ne fait pas pour autant d’une femme une passionnée de cuisine. Le surpoids peut être dû à bien d’autres facteurs que l’alimentation, même si un rééquilibrage des habitudes alimentaires permet de perdre du poids. Dans cette même veine, les femmes rondes seraient particulièrement gourmandes et passeraient leur temps à manger des pâtisseries et autres sucreries. Ce qui est bien évidemment faux, l’obésité étant une maladie qui peut être causée par des facteurs génétiques ou bien un manque d’activité physique couplé à une alimentation trop riche.
Un autre préjugé concerne ainsi les filles rondes : ces dernières seraient flemmardes. Les femmes grosses sont ainsi perçues comme des fainéantes que toute activité physique rebuterait. Ceci est bien évidemment totalement faux, puisque s’il était si facile de perdre du poids afin de ne pas souffrir de stigmatisation, l’obésité ne serait pas en pleine expansion dans le monde entier.
Bien d’autres préjugés existent au sujet des femmes rondes, des idées reçues véhiculées par les médias et il faut bien le dire, par tout un chacun. Or, ces clichés ne sont pas sans conséquence sur la vie sociale des personnes en surpoids, hommes ou femmes.
Peut-on parler d’oppression à l’égard de la femme ronde ?
Dans nos sociétés occidentales, une réelle oppression vis-à-vis de la femme ronde existe bel et bien. Le fait que les personnes en surpoids soient souvent perçues comme des individus fainéants entraîne de fait leur exclusion du monde du travail. En effet, quel employeur aurait envie d’embaucher un salarié dont il estime qu’il sera moins réactif que ses collègues minces ?
Notre société tout entière contribue à cette stigmatisation de la femme ronde, en n’affichant généralement que des filles minces pour promouvoir les marques à la mode ou chics, reléguant ainsi les femmes rondes au rayon grande taille des supermarchés.
« Cette discrimination persiste, malgré les preuves que 95 à 98% des régimes échouent après cinq ans, déclare d’ailleurs la National Association to Advance Fat Acceptance (NAAFA), créée en 1969 pour lutter contre la grossophobie. Notre société obsédée par la minceur croit fermement que les gros sont responsables de leur corpulence et qu’il est politiquement correct de les stigmatiser et les ridiculiser. La grossophobie est l’une des pratiques discriminatoires les moins reconnues publiquement.»
Une oppression pourtant susceptible de toucher près de la moitié de la population française, puisque selon la Haute autorité de santé, près de 46 % de la population est en surpoids et 15 % des adultes sont obèses.
Pour la sociologue Solenn Carof, qui a étudié la stigmatisation pesant sur les personnes en surpoids, la grossophobie n’est pas jugée de la même manière qu’une problématique sociale. C’est une problématique individuelle, car l’obésité est considérée comme relevant de la faute des gens. On dit: “Ils n’ont qu’à arrêter de manger et faire du sport”. Il y a cinquante ans, il n’y avait pas autant de discours sur ce qu’on devait manger. L’obèse est comme le mauvais élève qui ne fait pas ses devoirs, qui ne mange pas ses cinq fruits et légumes par jour. Mais on ne se pose jamais la question de savoir pourquoi il ne le fait pas», explique-t-elle.
«Les problèmes rencontrés par les personnes en difficulté avec leur poids et leurs comportements alimentaires sont complexes. […] S’il est généralement préférable de ne pas être gros, tant d’un point de vue médical que psychologique et social, la perte de poids ne suffit pas à régler la totalité des difficultés auxquelles sont confrontées les personnes en difficulté avec leur poids», tient ainsi à rappeler dans sa charte le GROS, Groupe de Réflexion sur l’Obésité et le Surpoids.
Être ronde n’empêche pas d’avoir confiance en soi
Malgré l’importante pression sociale pesant sur les personnes en surpoids, être rond ou ronde n’empêche pas pour autant de réussir sa vie, d’un point de vue social comme personnel. Toutefois, il est malheureusement vrai d’affirmer que les personnes en surpoids devront être alors en mesure de supporter psychologiquement le poids des préjugés se rapportant à leur physique. Des préjugés qui commencent dès la petite enfance, lorsque les élèves en surpoids sont déjà moqués par leurs camarades, à moins que ces derniers n’adoptent la position de l’élève “gros, mais rigolo”, capable de faire rire à la récréation.
Il peut donc être bien difficile de grandir en encaissant quotidiennement des remarques sur son physique, surtout si le surpoids a débuté dès l’enfance ou l’adolescence, périodes où la confiance en soi n’est pas encore solide. Ainsi, lorsque persiste un important manque de confiance en soi à l’âge adulte -manque de confiance qui peut tout aussi bien concerner les personnes dont l’IMC est normal-, plusieurs solutions existent.
La pensée positive pour combattre la grossophobie
Lutter contre la grossophobie peut se faire de bien des manières, et comme toute discrimination, sensibiliser à ce sujet permet de reléguer les préjugés au dernier rang. C’est ainsi que les médias, le cinéma et la télévision, qui en général regorgent de clichés grossophobes, peuvent également renverser la tendance lorsque des célébrités et autres personnalités rondes mettent les clichés au placard. Mannequins, acteurs, journalistes, acteurs, photographes ou encore écrivains ronds sont ainsi autant de personnalités qui permettent au grand public de se faire une autre idée des personnes en surpoids. Certaines de ces célébrités rondes ont d’ailleurs fait de la grossophobie une lutte quotidienne, en s’affichant bien loin des stéréotypes véhiculés par la société.
Pour lutter contre la grossophobie et le mal-être qui peut en découler lorsque l’on est en surpoids, la pensée positive est une bonne solution. La pensée positive ne se résume pas à se voiler la face sur les problèmes de santé pouvant découler d’un surpoids avéré. Bien au contraire, ce mode de pensée nous permet d’examiner toute situation sous un nouveau jour, avec bienveillance. Une bienveillance dont manque bien souvent la société…
En clair, il s’agit de modifier la perception que nous avons de nous-mêmes, laquelle nous provient généralement de notre entourage et de notre environnement sociétal, afin de remplacer nos pensées automatiques et négatives par des pensées positives et constructives. La pensée positive rejette ainsi toute forme de culpabilité, là où les préjugés au sujet des personnes obèses voudraient que cette situation soit la résultante de leur manque de volonté.
Ne pas se laisser culpabiliser par rapport à son poids
Il est ainsi très important de ne pas se laisser culpabiliser par rapport à son poids, que l’on soit en surpoids ou bien jugé trop maigre. Le poids est avant tout une question de personne, de physionomie, de génétique, mais également de perception. Ainsi, seuls un médecin ou autre professionnel de santé est en mesure de conseiller à son patient de perdre de la masse graisseuse, lorsque celle-ci met en danger sa santé.
Malgré les préjugés concernant les personnes en surpoids avéré, la situation n’est jamais du fait de la personne elle-même. Quels que soient les éléments déclencheurs d’une prise de poids importante (maladies, causes psychologiques, alimentation trop riche, sédentarité trop importante…), personne ne peut juger de la volonté d’un individu à perdre du poids. S’il était aussi facile de perdre des kilos, au vu de l’ampleur de l’oppression sociétale des personnes rondes, peu seraient en surpoids.
De plus, le “fat shaming”, qui décrit le fait de culpabiliser une personne vis-à-vis de son surpoids en pensant la motiver à perdre du poids, s’avère en réalité contre-productif. En effet, les clichés associés aux obèses peuvent pousser ces derniers à se renfermer et développer davantage de maladies que les personnes non ciblées par des réflexions vis-à-vis de leur poids. Des remarques qui se veulent encourageantes peuvent alors devenir bien souvent pesantes, entraînant un retrait de la vie sociale et le développement d’une timidité parfois maladive.
Vaincre sa timide malgré un surpoids avéré
Il n’en demeure pas moins qu’être une femme ronde peut entraîner une certaine timidité, commune aux personnes stigmatisées. Une timidité qui peut d’ailleurs pousser à la co-dépendance, trouble comportemental affectant la capacité de la personne à entretenir des relations équilibrées avec autrui. Une co-dépendance qui se retrouve bien souvent dans les relations amoureuses des personnes en surpoids, persuadées qu’aucun autre compagnon ne les désirerait. Il est très important, si tel est le cas, de ne pas accepter des comportements rabaissants de la part d’autrui au prétexte que l’on présente un surpoids, ou toute autre différence. Si votre entourage, même proche, vous culpabilise vis-à-vis de votre surpoids ou bien abuse de votre attention et de votre temps sans aucune contrepartie, vous ne devriez pas laisser cette situation perdurer.
Votre surpoids ne doit pas vous reléguer au rôle d’individu passif qui ne mérite pas de vivre une vie épanouie, au sein de laquelle les relations sont équitables. Lorsque le surpoids a conduit au développement d’une personnalité timide, il peut être bien difficile de sortir de ce schéma de pensée pour oser aller vers l’autre, quel qu’il soit. Pourtant, des solutions existent. Consulter un psychothérapeute permet bien souvent de détecter l’existence d’une co-dépendance, que ce soit au sein d’une relation amoureuse, familiale ou amicale. Travailler sur l’image que l’on a de soi, que l’on soit en situation de surpoids avéré ou non, permet de retrouver confiance et sérénité pour aborder sa vie sous un angle nouveau.