clin d'oeil tiré du Nouvel Obs de cette semaine
Tendances estivales
La revanche des poilues
Se raser sous les bras ? Une aberration contre nature. Les femmes commencent à se rebeller contre la tyrannie de l'épilation
Exhiber son système pileux pour une femme ? C'est du dernier chic. Bianca Casady, une des deux soeurs du groupe pop ultrabranché CocoRosie, fait partie de ces nouvelles adeptes de la mode du poil. Bianca ne joue pas les femmes à barbe, mais affiche un duvet de moustache très androgyne. Le poil fait la femme ? Affirmatif, répond Laetitia Casta. Dans son dernier film, « le Grand Appartement », l'ex-top model et icône de la mode découvre sans complexes des aisselles abondamment fournies. Elle réplique du tac au tac à une Ariane Massenet médusée sur le plateau du « Grand Journal » de Canal+ : «Vous n'en avez pas, vous? [...] Mais c'est très glamour les poils, c'est très, très érotique!» Glamour les poils ? «C'est la tendance du moment, explique Vincent Grégoire, directeur artistique du bureau de tendance Nelly Rod. Une mode de la femme chic et sauvage qui évolue dans un univers ultrasophistiqué.» Julia Roberts, la première, lance cette mode en présentant en pleine cérémonie des Oscars un dessous de bras velu pour saluer les fans venus l'acclamer. La photo a fait le tour des magazines et suscité une vague pileuse baba cool-trash chez les stars : Drew Barrymore, Elizabeth Jagger, Milla Jovovich, Kate Winslet et Penélope Cruz l'avaient imitée. «Tout ça est à prendre au second degré, explique Vincent Grégoire. Le poil est la touche de brut dans un monde aseptisé, l'accessoire de mode à arborer après une décennie de feng shui, de blanc, de neutre.» Après les années performances 1980, les années « zen » 1990, les femmes auraient donc envie de jeter rasoirs et épilateurs par la fenêtre... Un retour à la nature, à l'animalité ? Pas vraiment. La femme n'est pas encore prête à renouer avec ses racines animales.
«Cette mode ne concerne qu'une minorité de femmes qui n'ont rien à prouver côté beauté, tempèreVéronique Rheims, de l'agence de publicité McCann. Le poil féminin est encore largement tabou et, depuis vingt ans, rares sont les femmes qui osent laisser leur corps en friche.» Ce phénomène réjouit en tout cas le Mouvement international pour une Ecologie libidinale (Miel), qui milite pour la libération du poil féminin. Chaque année, l'association lance des « étés sans épilation » pour lutter contre l'«aliénation que subit la femme en s'épilant». Comment sortir de cette insupportable soumission au rasoir ? «Dans la série américaine «Lost», où des survivants d'un crash d'avion tentent de survivre dans une île, les hommes affichent une barbe de trois jours, alors que les femmes, elles, ont les jambes et les aisselles parfaitement épilées!», se désole Jocelyn Patinel, fondateur du Miel et doctorant en psychologie sociale.
Après Laetitia Casta, l'association s'est trouvée une autre ambassadrice de choc en la personne de Shazia Mirza, star britannique de la nouvelle scène comique du moment. La jeune femme d'origine pakistanaise a provoqué un séisme en annonçant qu'elle arrêtait de s'épiler. «Pourquoi une femme ne serait-elle pas sexy avec des poils aux aisselles?», s'interroge-t-elle dans le « Guardian ». En pleine semaine de la mode, elle a présenté au très chic Café de Paris à Londres une collection de lingerie féminine, entièrement conçue avec des poils humains ! Et portée, cela va de soi, par des mannequins velus... Provoc ? Pas seulement. L'humoriste l'assure : en voulant faire rire, elle veut faire réfléchir ses semblables. «Il me semble qu'il y a quelque chose d'obscène et d'inquiétant de la part d'une société qui contraint les femmes à s'épiler, s'insurge-t-elle. Au fond, on leur demande de ressembler à des fillettes prépubères.» L'épilation, stade suprême de la régression ?
Et encore
Pilosité story
La traque effrénée des poils ne date pas d'hier. Dans « les Poils. Histoires et bizarreries » (1), Martin Monestier explique que les poils féminins ont toujours été bannis de la représentation de la femme, condamnés par la morale chrétienne, qui y voyait le symbole de la sexualité. C'est dans les années 1920, avec la découverte des bains de mer, que les Françaises commencent à s'épiler. Au cours des années 1970, la mode des « maillots brésiliens » des plages de Copacabanagagne tout l'Occident et généralisele « rasage de la motte », jusque-là réservé aux professionnels de la pornographie. On connaît la suite. De l'épilation « maillot », on est passé à l'« échancré », puis au « ticket de métro », et enfin, à l'« intégral »...
(1) Le Cherche Midi, 2002.
Marie Vaton
Le Nouvel Observateur
Avant d'être "hygiénique" ?? , cette "obligation" est surtout culturelle.
ça fait réfléchir non
Marie Vaton
Le Nouvel Observateur