VertFushia a écrit:J'avais vu aussi le reportage sur cette prise de photos et nous en avions parlé sur VLR, je crois d'ailleurs que j'avais écrit combien j'avais été touchée.
Mais quelques jours plus tard je suis allée visiter le blog perso de cette jeune personne, pour lequel elle faisait elle-même un peu de pub dans les forums où on avait parlé d'elle !
Et là, j'ai vite déchanté... J'ai eu le sentiment que cette personne avait trouvé son identité et sa raison de vivre dans le battage médiatique qui s'est institué autour de sa maladie grâce au reportage télé, et elle était reconnue par beaucoup de gens, au propre et au figuré. J'ai ressenti un gros malaise et un sentiment de gâchis.
VertFushia,
En lisant votre commentaire, je n'ai pas pu résister à la tentation de m'inscrire à ce forum pour vous dire combien je trouve votre lecture de la problématique de cette jeune comédienne est brillante, pertinente et lucide. J'ai moi aussi parcouru et lu attentivement les deux blogs ( car il y en a bien deux ) de cette comédienne et de toute évidence, celle-ci est à faire un surinvestisement de sa maladie. Elle n'est plus Isabelle à titre de personne avec tout ce que cela implique d'humanité, mais avant tout, une anorexique. Et il est là l'immense piège dans lequel elle s'enferme, bien malgré elle, comme dans un étau. Oui, certaines personnes trouvent un lieu d'identification dans leur pathologie ( nous en avons tous et toutes connues ) mais ce qu'il y a de pervers dans l'anorexie c'est que cette grave maladie en est une glorifiée, encouragée par les médias et tout le système de consommation propre à notre société occidentale.
La question que je ne cesse depuis de me poser se présente ainsi : comment Isabelle ( son identité est maintenant connu par quiconque s'intéresse à ce débat ) entrevoit-elle sa réhabilitation ? Se remettre à manger convenablement, reprendre du poids et s'engager résolument sur la voie de la guérison signifie-t-il, pour elle, une sorte de « lâcheté », une trahison face à tout le battage publicitaire fait autour de se qu'elle représente ? Isabelle trouve maintenant, par le fait qu'elle soit une « bonne anorexique » un lieu de reconnaissance et c'est là que le danger se pointe. Reprendre du poids et redevenir « normale » la relèguera à l'anonymat. À mon avis, son véritable combat n'est pas celui que l'on croit. Il n'y a RIEN de glorieux à être anorexique. Il n'y a RIEN d'extraordinaire à devenir la plus maigre parmi les maigres. Tout ceci est profondément judéo-chrétien. S'accepter telles que nous sommes -- par-delà les regards pervers qui n'en ont souvent que pour le corps féminin similaire à celui d'un enfant -- ne représente-t-elle pas la véritable lutte ? Toute cette publicité faite autour du corps d'une pauvre fille réduit à l'état squelettique n'est-il pas le témoignage grotesque d'une société machiste où se révèle une pédophilie rampante ?!
Plutôt que de nous montrer une anorexique, où la raison bute sur le corps, il serait mille fois plus «sain» de nous présenter les ravages occasionnés par tous les moyens que prennent les femmes pour atteindre un poids qui, de toute façon, reste toujours insatisfaisant, comme : la cigarette, les médicaments « coupe-faim», les laxatifs, les diurétiques, ou toutes autres drogues dures de la famille des stupéfiants.
Je pense aussi à toutes ces filles qui visent le chiffre d'or de Xkg et qui savent maintenant qu'une autre de 1m70 peut encore fonctionner et obtenir toute l'attention du monde et dont le poids n'est que de 35 ou 36kg. C'est à hurler !
Comme si la vie ne se résumait qu'a des mesures et autres proportions taille/poids. Quelle perte de temps et d'énergie pour si peu.
Croire que la reconnaissance et la qualité d'amour à laquelle nous avons toutes droit est inversement proportionnel à la masse corporelle est bien l'une des pires impostures de notre époque.