Liebling,
Merci pour ce témoignage et bravo pour le courage dont tu as pu faire preuve.
Je voudrais juste revenir sur un point. Tu parles des "spectateurs" passifs. Tu dis que quand on voit/entend/soupconne une situation comme celle que tu as vécue, il faut réagir, il faut entrer dans la vie des gens.
Tu as parlé de ton expérience, à moi de te parler de la mienne. Je n'ai jamais eu à subir de violence de la part d'un conjoint ou autre.
Toutefois, on m'a fait jouer à plusieurs reprises
(un peu trop souvent à mon goût le rôle du spectateur que tu vilipendes dans ton post).
Et c'est là que je voudrais te dire à toi, mais aussi à toutes les victimes que OK, les coups c'est vous qui les prenez, mais souvent on oublie aussi dans quelles situations abracadabrantes on peut se retrouver en voulant aider son prochain.
Me reviennent en mémoire deux cas qui ont bien failli me dégoûter à tout jamais d'avoir envie de venir en aide à mon prochain.
Une femme pour qui je m'étais fendue d'amitié.
Au détour de conversations, de petites phrases, de sursauts, j'ai découvert qu'elle était battue et violée par son mari.
Au demeurant un TRES BON PERE...
(ce détail a son importance quand vous allez au commissariat).
Elle est venue chez moi à plusieurs reprises le visage en sang. Je me suis vue prendre la voiture à 1h00 du matin en téléphonant aux pompiers et à la police en pleurant de panique au téléphone car elle m'a réveillé en pleine nuit pour me dire que son mari allait la tuer. Je l'ai entendu étouffer
(comme quelqu'un qu'on étrangle avec le fil du téléphone) au téléphone et conduire paniquée pour parcourir les 450 kilomètres qui nous séparaient.
Je l'aie vue nue étendue sur le sol, le fil du téléphone en travers de la gorge, une belle marque bleue sur le cou et le corps secoué de convulsions, sauvée in extremis par son fils aîné agé de 3 ans qui suppliait son papa de ne pas tuer sa maman même si elle avait fait une grosse bêtise en cuisinant du poulet alors qu'elle sait qu'il n'aime pas ça.
Je l'ai accompagnée un nombre incalculable de fois au commissariat ou on l'a prise en photo, conduite aux urgences, recousue tant bien que mal.
Au jour où je parle elle a la dentition d'une star de Hollywood. Plus une seule dent à elle.........faut croire qu'elle a croisé de trop près un marteau.
Elle avait peur, elle avait mal, elle souffrait, elle aimait son mari à un point tel que c'est difficilement compréhensible pour le commun des mortels.
Je me suis vue sonner chez ses voisins et les insulter pour leur manque d'humanité. Ignorant à l'époque tout ce qu'ils avaient fait pour cette femme.
Je me suis vue gober
(avec la bénédiction de 3 pédiatres consultés en cachette) que sa petite dernière souffrait effectivement d'une maladie rare qui lui donnait la peau hyper fragile et sujette aux bleux. Je n'ai appris que bien plus tard que parfois quand il la cogne dans un réflexe de survie purement animal, elle se protège avec le seul bouclier efficace à ce jour (ses enfants que leur père adore). Sauf que des fois, le geste pour donner le coup est déjà amorcé et le coup atterit sur l'enfant. Ce qui a pour effet de calmer le père INSTANTANEMENT.
Et bien la fin de cette histoire c'est quoi ? Elle m'a dit un jour :
Dee c'est mon mari, je l'aime, c'est le père de mes enfants et il adore ses enfants, je refuse d'élever mes enfants loin de leur père. Je ne veux plus qu'on se voit Dee car tu passes ton temps à me dire de me sauver de chez moi. Tu n'as pas d'enfants tu ne peux pas comprendre. Tu as une mauvaise influence sur moi. Tu n'es pas une bonne personne, tu refuses de comprendre que la vie n'est pas aussi simple. Qu'est-ce que j'irais faire dans un foyer ou dans ta chambre d'amis ? Ma place est auprès de mon mari. Que vont-dire les gens si je divorce ?
A ce jour, ils sont toujours mariés, il la bat toujours autant, et moi ? Moi j'ai cessé de les voir, pas de mon fait hein ? J'ai été bannie car je suis une sale garce féministe qui ne sait rien faire d'autre que se méler de ce qui ne la regarde pas et qui a bien failli briser leur mariage. Aux dernières nouvelles, je fantasmais en secret sur le mari violent ce qui explique que je voulais monter sa femme contre lui et la pousser à le quitter.
Sale garce que je suis. Ha et puis je suis une lesbienne qui aurait bien voulu profiter de sa détresse pour lui fourrer mes gros doigts dans le minou.
D'ailleurs quand je la changeais
(de pied en cap) quand elle était tellement terrorrisée qu'elle se pissait dessus... n'était-ce pas comme une sorte d'invitation à une débauche sexuelle ?
La deuxième histoire est sensiblement identique. Les courses contre la montre en voiture en moins... Elle est juste dénuée de sentiments amoureux car le mari de cette femme lui dit clairement qu'il ne l'aime pas.
Mais la femme en question m'a dit elle aussi qu'il était important plus que tout pour elle de rester marier. Tanpis si son mari la réveillait en pleine nuit en enfonçant toutes sortes de choses dans son vagin, juste pour la voir saigner et se tordre de douleur.
Ce qui était important c'est qu'elle était "grosse" mais qu'au moins elle était mariée.
Ce que je retiens de ces histoires ? Qu'on ne peut aider quelqu'un qui NE VEUT PAS qu'on l'aide. Pas parce qu'il est détruit. Mais seulement
parce qu'il n'est pas encore prêt à accepter qu'il est au fond du ravin que tu décris si bien dans ton post.
Et pour reprendre ta métaphore. Oui si je vois quelqu'un suspendu au dessus d'un ravin je vais essayer de lui venir en aide.
Mais si je vois qu'il va m'entraîner avec lui au fond du ravin car il est persuadé qu'il est assis sur une chaise dans son salon... ben chuis désolée, mais mon instinct de survie va me conseiller de fuir très vite et très loin.
Donc venir en aide oui. Mais seulement si la personne est prête. Il faut être là au bon endroit au bon moment et ne surtout pas précipiter les choses.
Alors ne sois pas trop prompte à juger les "spectateurs" car moi aussi je l'avais fait concernant les voisins de mon amie.
Et ce n'est qu'après que j'ai appris tout ce qu'ils avaient fait pour tenter de lui venir en aide.