Souhaiter la mort de quelqu'un ce n'est pas le tuer. Ce n'est pas forcément vouloir sa mort physique.
J'ai personnellement pendant des années souhaité bien davantage que la mort de mon père. Le simple fait de penser à lui me mettait dans un état physique et mental qui me faisait vivre mentalement des situations que je ne maîtrisais pas. Je me retrouvais dans un état de torpeur, dégoulinant de sueur et je me voyais par exemple le clouer au mur et le dépecer ensuite avec froideur, lenteur et précision chirurgicale, lambeau de chair par lambeau, jusqu'à ce qu'il trépasse dans les plus abominables souffrances. Je percevais chaque détail, sensation ou sentiment de ces situations avec une précision phénoménale. Et cela me laissait dans un état pantelant, vidé physiquement et moralement.
Cela a duré jusqu'à l'âge de 34 ans, jusqu'à la naissance de mes enfants, une dépression suicidaire sévère et une psychothérapie intense qui pendant des mois, a remué, plusieurs fois par semaine, le marigot putride de mon enfance, mon adolescence et le début de ma vie d'adulte.
Je suis finalement sorti de cela en appelant mon père "papa". C'était il y a une dizaine d'années. Je vois à présent mes parents avec une certaine indulgence, comme un couple de deux adultes paumés que la vie avait réunis par hasard et qui ont fait ce qu'ils ont pu pour ne pas couler dans l'océan de misère qui était leur quotidien. Aurais-je fait mieux qu'eux dans les même circonstances ? Je n'en suis pas convaincu. Et ma vie actuelle me prouve qu'ils n'ont pas tout raté.
L'enfant souffrant que j'étais a réussi à se trouver une place à lui dans le passé chaotique que j'ai reconstruit, et à laisser la place à l'adulte serein que je suis devenu, père, amant et citoyen.
Un chemin long et douloureux mais que j'aurais jugé impossible il y a 11 ans quand j'étais au creux d'une dépression qui m'engloutissait corps et âme.
Voilà mon humble apport à cette discussion
Amicalement