Je crois qu’on retrouve chez pas mal de victimes d’inceste cette idée qu’on était « peut-être consentant ».
Ca ne me paraît pas si surprenant que ça en fait. Dans le cadre d’un viol par une personne extérieure, il n’y a aucun lien affectif qui entre en jeu, la distinction doit donc être plus facile à faire.
Dans le cadre d’une même famille, le lien affectif est toujours présent, même si en même temps on sent bien que ce qui se passe est anormal.
En fait une victime d’inceste se tait pour de multiples raisons : d’abord elle sait que ce qui se passe est anormal et elle en a honte, elle sait que si elle en parle à d’autres membres de la famille elle risque de ne pas être crue ou de détruire quelque chose (et ceux qui pratiquent l’inceste comptent bien sur cette réaction, voire l’augmentent par des propos tels que « si tu en parles à ta mère, elle ne te croira pas » ou pire « si tu en parles à ta mère, tu vas lui faire beaucoup de mal et on sera tous obligés de se séparer » ou des choses comme ça) et enfin elle est partagée entre l’amour qu’elle porte à ce membre de la famille qui abuse d’elle et la haine qu’elle peut ressentir pour lui.
De là à se persuader qu’on est consentant, il n’y a qu’un pas.
Je pense qu’à l’époque, ton grand frère représentait une personne importante pour toi, une sorte de protecteur, et sans doute te présentait-il ce qui arrivait comme qqchose de normal, qu’on fait avec les gens qu’on aime. Et comme tu l’aimais sûrement malgré tout, ça te semblait peut être moins anormal.
Voilà aussi pourquoi tu ne lui en veux pas totalement. Lui en vouloir ça serait aussi renoncer à cet amour frère-sœur qui existait.
Mais tu n’étais qu’une petite fille sans défense et lui un adolescent qui savait ce qu’il faisait, même s’il était qq part encore un enfant lui-même…
Je pense aussi que le fait qu’il soit mort jeune, et dans les circonstances que tu donnes, est une cause supplémentaire qui fait que tu ne peux pas lui en vouloir totalement parce qu’il me semble que quelque part, ton frère à tes yeux est lui aussi une victime.
Tu as déjà fait un grand pas en parlant de cette difficile situation ici. C’est sans doute le signe que le moment est venu de te libérer enfin de cette souffrance que tu portes depuis longtemps, que tu avais cru oublier mais qui n’attendait qu’un déclic pour remonter à la surface.
Tu vas continuer à évoluer et je suis quasiment certaine que dans peu de temps tu trouveras la force d’en parler à un psy qui pourra t’aider à tirer un trait sur cette histoire. Ne t’en fais pas, un psy ne te jugera pas, il t’aidera à trouver les clés pour mieux comprendre ce qui s’est passé, mieux identifier quel rôle toi, ton frère et ta famille avez joué et la façon de pouvoir surmonter tout cela.
Bon courage, de toutes façons pour avoir osé en parler ici, c’est que tu n’en manques pas ! ;) :)