Yuutsu a écrit:Donc il n'y a que moi qui sois dérangée par les notions mêmes de bien et de mal?
Si, moi, totalement. J'ai lu en diagonal le sujet, et pour ma part, inscrire l'action de tuer dans un
système de valeur, c'est déjà, dénaturer, en quelque sorte, l'action.
"Le Bien et le Mal sont des inventions humaines : à la base, religieuses, ces notions sont profondément ancrées dans la culture et l'éducation (du moins occidentale), mais cela reste des termes humains. Tuer un homme est considéré comme "mal" dans la plupart des cultures car d'une part c'est un acte qui menace la stabilité et la quiétude d'une société ou du moins d'une communauté, et d'autre part comme toute acte de violence envers autrui cela ébranle notre empathie, qui fait que nous pouvons imaginer par transfert la souffrance que l'autre subit. Sans parler de la perspective de la mort, qui par les questionnements et la frayeur qu'elle provoque rend l'acte de la donner porteur d'une signification qui dépasse notre compréhension, et engendre une certaine considération et une certaine crainte pour son évocation."
Dans l'absolu donc, ce n'est ni mal, ni bien, c'est une action.
De manière relative, selon les époques, et le cadre culturel, on a d'autres visions.
On autorise la peine de mort, alors que le meurtre est interdit. Pourtant, si on l'on tient le discours "tuer c'est mal" alors que doit-on dire de l'exécuteur ? Est-il un meurtrier ? Doit-il être à son tour, condamné (raisonnement de l'absurde et pourtant!).
Car non, il n'y a pas de demi mesure, si l'on se place dans la dichotomie bien / mal et rien ne peut justifier de prendre la vie d'un homme quand bien même celui-ci s'en serait arrogé le droit.
Il me parait donc plus fin de s'éloigner de ces notions morales.
Après, la question, au delà du débat, demande personnellement, ce qu'on en pense (avec j'espère un travail de remise en cause de son opinion de chacun sur le sujet, afin de toujours être dans la réflexion).
En ce qui me concerne, ma première réaction, très personnelle, est que l'homme est un animal - sociable, certes, mais un animal. On est soumis à des pulsions (que nous contrôlons par l'éducation, l'intégration dès le plus jeune âge des règles sociétales, et du système de valeur).
Tuer fait partie de nos possibilités. Nous avons tous la capacité, tous, déraper / dérailler / passer de l'autre côté, et tuer. Le nier, c'est nier les pulsions que nous possédons. D'ailleurs, lorsque je dis "tous", j'inclue aussi les enfants, cela s'est déjà vu, et se verra toujours.
La difficulté est le jugement que l'on doit porter alors sur l'acte. Car nous avons deux positions: comprendre la victime et son entourage (qui en dehors du cadre d'une société entraine le cycle de la vendetta, la vengeance familiale, système qui a dominé très largement au cours de l'histoire - même au travers des premières ébauches de système judiciaire).
{petite digression culturelle: au Moyen âge, on a avait d'ailleurs fixé la valeur monétaire des hommes selon leur classe sociale, et lors d'un meurtre, on demandait cette somme au groupe / famille d’appartenance du meurtrier)
Et comprendre notre "frère de race" (pardonnez moi l'expression, mais je veux vraiment faire ressentir qu'il inhérent à l'homme de pouvoir tuer), son acte, ses raisons.
J'avoue que ma formation de juriste m'a poussé à énormément réfléchir à la justice, aux réactions de masse et notamment aux faits divers (et à leur utilisation racoleuse par les médias et les politiques, mais passons, je vais m'énerver si j'entre dans ce sujet là :D).
Pour ma part, sans nier la transgression des règles sociales, j'aurai tendance à être tolérante (non pas laxiste, tolérante, ce n'est pas la même chose). Et justement à éviter cette dichotomie bien / mal, qui est presque absurde tant la notion abordée est complexe.
Tolérante, c'est à dire que je conçois, qu'à un moment donné, un humain puisse tuer un autre humain. Puisse basculer dans l'agression car l'équilibre quelque part, est rompu.
La justice est là pour objectivement (dans la théorie, et j'espère au maximum dans la pratique), juger de ce basculement. Non pas de juger l'individu en tant qu'infâme créature, mais bien ce passage à l'acte. Si c'est la folie ? La passion ? Ou au contraire un froid calcul qui rend alors l'individu dangereux à proprement parler.
Le sujet par extension, amène à d'autres problématiques: la guerre ? Les crimes contre l'humanité ? (qui vont au delà, à mon sens, de la notion de tuer, car, on ne vise pas la mort, mais l'éradication, la suppression d'un groupe de population, et donc ce n'est plus individu contre individu, mais idéologie c/ population - certes, l'expliquer ainsi c'est avoir une vue d'ensemble et déshumaniser en partie le groupe visé).
Et bien sur, l'euthanasie, dont je prends la fervente défense, en espérant qu'un jour, on cesse la démagogie sur le sujet et qu'on explique de manière bien plus honnête ce qu'est le droit à la dignité d'un individu (que j'estime pour ma part, supérieur au droit à la vie).
J'espère ne pas avoir été trop longue sur le sujet (et j'espère être claire). J'ai beaucoup hésité avant de poster, parce que dès que l'on touche à des sujets difficiles, philosophiques, moraux et en prime, touchant à mon domaine d'études, j'ai beaucoup de mal à simplifier ma réflexion fondée sur mes enseignements.