Mais tu fais bien de répondre, on est bien sûr là pour échanger! en revanche "je suis la seule épicurienne" est une des idées bizarres que tu me prêtes... vraiment pas ce que j'ai tenté de dire pourtant.
Cette séance avec Apfel, autour de la combinaison "sleeve + régime", a juste été très éclairante pour moi et j'essaie d'en faire part à ceux que ça intéresse.
Tout partait d'un sentiment d'exclusion par rapport aux autres patients: je ne leur ressemble pas, je ne perds pas pareil, je ne mange pas pareil (et ce n'est pas forcément facile à assumer, car je crains évidemment de mal faire et d'être en échec). C'est le retour que me renvoie l'hosto (chir et diét) à chaque consult: ce sont EUX qui comparent à leur cohorte de patients et, bien qu'ils essaient de relativiser (non, mais chacun son parcours hein, c'est pas grave), je sens une pointe de déception ou d'inquiétude de leur part. Donc cela crée en miroir les mêmes sentiments chez moi, que j'expulse chez mon psy... qui a le bonheur d'en connaître en rayon en la matière, ce qui me permet franchement d'avancer et de mettre en perspective les choses.
Il existe des hostos (notamment en Suisse) où le régime n'est plus du tout prescrit dans les services obésité (ni aux opérés, ni aux autres)... mais cette tendance perce très doucement en France, c'est un fait. Dans mon cas, personne évidemment ne m'a dit de me "mettre au régime" (mot devenu si vilain, mais quelque part c'est pire d'en faire un sans le savoir), mais leurs conseils et leurs polys reviennent bizarrement au même.
C'est ce que j'appelle la "théorie du remplacement" (pas celle du FN hein!). Cohen est spécialiste de ça: si vous allez au resto chinois, ne prenez pas les boules de coco mais la salade de fruits (sic). Sleeve ou pas, moi je continue à penser que si tu prends la salade de fruits quand tu as envies des boules de coco, tu vas manger la salade de fruits et autre chose plus tard en compensation de la frustration (et ça pourra être 14 boules de coco). Donc très mauvais calcul.
Pareil à l'hosto: tu montres ton cahier alimentaire et c'est parti... c'est pas mal, mais vous pourriez remplacer ça par ça, et ça par ça, et à ce repas il manque ça, etc. Toujours la même vieille rengaine des aliments à privilégier, de ceux à éviter et du repas équilibré (au lieu de penser l'équilibre sur une semaine ou 10 jours).
Pour ma part, sleeve ou pas, je continue à penser que ce n'est pas au cerveau et au raisonnement à faire ce "programme alimentaire" complexe et calculatoire, mais qu'il faut laisser le corps décider de ses envies (conformes à ses besoins) repas après repas, jour après jour. Ce qui donne chez moi parfois des repas sans légumes, parfois plus ou moins de protéines, parfois des calories "inutiles" comme les bonbons ou le vin... et je trouve ça très bien comme ça.
Mais mon parcours se comprend à l'aune de mes années avant la sleeve, j'ai consulté régulièrement Z et A depuis environ 7 ans, j'ai vraiment eu le temps de réfléchir et pratiquer l'écoute de ma faim et de ma satiété. Quasi tout le boulot a été fait en amont, je mangeais peu et pas par émotions bien avant la sleeve. Cela ne ressemble pas du tout au parcours de qqn ayant souffert de tca et se lançant dans une chir avant de les avoir résolus. Dans ce cas, évidemment que l'équipe est plus que tentée de mettre le patient au régime car ils y voient une forme de discipline pour qqn supposé en manquer cruellement. Il va falloir ne plus manger comme avant, mon brave monsieur! surtout il aurait fallu soigner les tca avant de se lancer dans la chir...
J'ai discuté de tout ça à l'hosto (pourquoi me mettre au régime, même "light", après une sleeve, alors que les régimes m'ont rendue obèse et sont donc cause même de cette sleeve?) et la seule réponse est: oui, on sait, ce n'est pas très logique, mais pour le moment on ne sait pas trop faire autrement. Ce qui me paraît faux, de nombreux praticiens ont abandonné la restriction cognitive mais en France cela évolue vraiment lentement.
J'espère que c'est un poil plus clair.
Peut-être aurais-je dû remplacer le mot régime (personne ne reconnaîtrait plus aujourd'hui faire un régime! c'est comme le bobo, c'est jamais moi c'est toujours le voisin!) par restriction cognitive.
De mon expérience de première année post sleeve, on recommande aux jeunes opérés la restriction cognitive. On les entoure de consignes (sur tout: quantité de protéines, aliments à privilégier ou non, etc.) et ces consignes sont à l'opposé de celle consistant à seulement écouter ses envies, sa faim et sa satiété. Et la raison en est simple: les équipes sont mortes de trouille à l'idée que le patient fasse n'importe quoi (ex: faire glisser un litre de glace pour réguler une émotion)! et c'est normal qu'ils le craignent, car ça arrive! surtout à la fin de la perte quand l'euphorie (psy + physio) de la perte de poids disparaît et que le patient doit gérer (pas tant le fait mécanique que "y'en a plus qui peut rentrer" que) le retour des émotions...
Voilà plus développé ce que j'essayais de dire. Je sais bien que nous sommes censés entrer dans la carrière quand nos aînés n'y seront plus... mais je n'attendrai pas 75 mois pour me faire ma propre opinion de ce que je vis ;)
Pour finir, j'avoue ne toujours pas comprendre ces reproches très personnalisés que tu glisses (je me prendrais pour la plus intelligente, la seule ayant tout compris, la seule épicurienne, etc.). Cela me paraît autant inutile que du procès d'intention psychologique.
Plus intéressant, pour moi en tout cas, serait que tu te livres davantage sur ton passé avant sleeve. Tu parles beaucoup de ce qu'il faut faire une fois sleevé, mais d'où es-tu partie? quel type d'obèse étais-tu, quel imc? quel comportement envers la nourriture? les émotions? etc. Ce serait éclairant (pas pour te juger!).
Merci en tout de ce dialogue HT.
Bisous.