papille a écrit:De mon côté, au sujet des ressentis, c'est drôle mais je sens une certaine peur par rapport à
l'idée que je me fais du féminisme. Mais je n'arrive pas encore bien à me l'expliquer donc dur pour moi de préciser cela.
C'est intéressant ce que tu dis. C'est une peur qui se rapporte à quoi?
Perso, j'ai toujours peur quand je vois un mouvement de pensée où tout le monde répète la même chose. Genre j'ai fréquenté des partisans de Lutte ouvrière, et ça me faisait flipper de voir à quel point quand tu parlais à l'un, tu avais l'impression de parler à l'autre. C'était pareil chez les CEMEA.
D'un côté, je trouve ça flippant, de l'autre, je comprends aussi que quand une théorie est porteuse d'une idée importante, elle touche plein de monde qui répète la même chose... mais au fond de moi, ça me fait quand même peur...
Est-ce que c'est cette peur-là dont tu parles?
C'est compliqué à expliquer parce que j'ai l'impression que ça parle d'autre chose que du féminisme.
J'essaie de répondre mais je m'excuse si ça devient un peu hors sujet...
L'effet groupe a tendance à exacerber un côté rigide et extrême effectivement, mais ça n'est pas vraiment ça.
Ce que je peux dire de cette peur, c'est que j'ai peur de me sentir encore plus seule qu'aujourd'hui.
Et j'ai peur aussi de me sentir encore moins estimable.
Ça me coûte tellement de commencer à me dégager de certaines idées véhiculées par ma culture (au sens large), où je baigne, où mon entourage baigne, je crois que j'ai peur de m'éloigner un peu plus encore de cette culture.
C'est comme si je craignais de perdre mes repères et de me sentir en conflit.
Par exemple, d'être encore animée de plein d'images et d'idées sur ce que je veux être (par exemple, j'aurais vraiment voulu être une jolie fille et je continue de me demander que diable puis-je bien faire pour être une jolie fille, en particulier vis à vis des hommes) et que ça soit encore plus en conflit avec mes idées intellectuelles (sentiment que si je fais quoi que ce soit pour être une jolie fille, ce ne sera plus moi, et ça me paraît alors absolument vain et absurde d'essayer d'être une jolie fille, mais comment arrêter d'en avoir envie alors et de souffrir de ne pas l'être? [ou] comment essayer de m'approcher de cette image de la jolie fille sans me sentir infiniment triste d'être disqualifiée dans le même mouvement ?).
Et puis j'ai peur de me sentir encore moins estimable. Parce que la violence dont on parle, qu'elle soit contre les femmes ou d'autres, elle ne me paraît pas si étrangère à moi, et ça me fiche la trouille. Aussi, ça me fiche la trouille de déceler en moi les graines de cette violence.
Je ne suis pas certaines que les idées intellectuelles suffisent forcément à modifier les ressentis. Il y a des choses qui m'échappent dans ce qui m'anime.
L'étude citée et la réaction de Wildtendercat me rappellent l'expérience de Milgram: sous l'effet de l'autorité, constater qu'une grande partie des sujets est capable de faire subir une violence physique significative à un autre être humain.
L'expérience a eu des résultats si choquants qu'elle a été refaite sous mille formes pour comprendre d'où ça venait.
(Bon, je dis ça de souvenir, si ça intéresse quelqu'un plus rigoureusement je suis sûre que google sera plus fiable pour le coup ^^).
Après, je ne vois pas forcément le féminisme comme un combat mais comme un mouvement de pensée qui amène certains de ses partisans à se positionner socialement en faveur de leurs idées (donc pour moi certains "militent", mais être féministe ne veut pas dire militer et/ou considérer que c'est le plus important).
C'est marrant, j'ai pensé aussi à ça, l'idée que les étudiants ont quand même été un peu trompés ou conditionnés pour rendre ce résultat choquant.
En tout cas j'ai beaucoup de mal à croire que la réalité correspondrait assez fidèlement aux pourcentages de l'étude.