J'ai 28 ans, je suis en couple depuis neuf ans.
Jusqu’à l'année dernière la question ne s'était jamais posé, on vivait dans des studios minuscules à Paris, mais maintenant, pour des raisons professionnelles, on est installés au vert, dans une vraie maison.
Je ne veux pas d'enfants, de ça, je suis sure. On m'accuse entre autre d'en faire une "posture", par "snobisme", mais ça n'est pas ça. Je le sens "dans mon ventre" si je peux m'exprimer ainsi.
Physiquement je ne ressens rien, la présence d'une femme enceinte ne me provoque ni empathie, ni envie, celle d'un bébé ne me transporte pas outre mesure, je le trouve craquant, adorable, mais au bout de deux heures, c'est assez, j'ai eu ma dose, je n'imagine même pas en avoir la charge 24h sur 24 sans craquer complètement, je ne m'imagine pas enceinte, et si je le fais, ça me fiche les boules plus qu'autre chose, c'est une autre planète que je n'ai pas envie d'explorer, c'est comme si mon corps et mon esprit rejetait cette idée en même temps. Moralement, écologiquement, politiquement, à tous les niveaux, ça bloque aussi.
J'ai un passif lourd, en dépression, je suis très fragile psychologiquement, je m'énerve facilement, je craque, je fais des crises de nerfs, je replonge de façon saisonnière dans des états mélancoliques, j'ai beaucoup de mal à surmonter les obstacles, je suis une fille bourrée de contradictions, d'angoisses que je tiens d'ailleurs... de ma mère, bref, je me dis souvent que tout ça n'est pas un terreau très favorable et mon copain partage cet avis.
Je n'ai pas l'argument de la carrière à mener, j'ai planté mes études et je me contente de boulots pas très valorisants, tout le monde sait, que je ne m'y épanouis pas. Alors on me laisse entendre a demi-mot, qu'une grossesse... peut-être... donnerais un sens à ma vie... C'est une idée qui me dépasse complètement, l'idée de faire un enfant pour aller mieux me semble complètement idiote, je sais que je n'irai pas mieux, bien au contraire, ça serait le meilleur moyen de replonger pour de bon, et de faire souffrir mes enfants, qui n'ont rien demandés par la même occasion.
D'autres essayent de me prendre par les bons sentiments, en m'objectant que j'ai juste peur d’être une mauvaise mère, que c'est normal, mais qu'il faut que je dépasse ça. Ils mettent dans la balance le fait que les enfants semblent m'aimer beaucoup, que j'ai un excellent contact avec eux, et c'est vrai, je peux pas le nier. J'aime beaucoup les échanges qu'on peut avoir avec eux, à partir de l'age de deux ans surtout, je remarque qu'ils viennent vers moi facilement. Bref, j'adore les enfants, mais je ne ressens pas le besoin, d'avoir les miens. J'ai des neveux, les miens et ceux de mon chéri, je les aime passionnément, j'apprécie les avoir en vacances, les garder mais quand je les rend à leur parents, je ressens comme un vrai soulagement, malgré le fait qu'ils soient adorables et calmes.
Mon copain n'étais pas opposé à l'idée d'en avoir au début, mais c'est un mec ouvert, relax, qui prend la vie comme elle vient, qui aime son style de vie, indépendant, un peu geek, un peu nomade, et se laisse porter par son métier qui l'emmène ici et la... Il me soutient, ne pas en avoir lui va tout aussi bien, c'est ce qu'il me dit et je le crois sincère.
On est vraiment bien tous les deux, surtout ces derniers temps, on fais beaucoup de sorties, on est passionnés de musique, on traverse l’Europe pour des concerts, ou des festivals, on voyage, principalement hors-saison, on s'est d'ailleurs pris de passion pour un pays, et on espère s'y expatrier, c'est la priorité absolue de mon copain, pour l'instant.
Encouragée par mon psy, pour m'aider a sortir de la dépression, je fais de la photo, de paysage, il m'arrive de me lever a quatre heures du matin, pour attendre un lever de soleil, de le refaire cinq fois dans la semaine avant de partir au boulot, pour avoir de la brume, ou tel style de nuages, d'attendre des heures que la lumière change, on fait des kilomètres en voiture, à pied, à la recherche du bon spot, je prend un plaisir incroyable dans cette activité, c'est une renaissance pour moi... Et ce sont des moments à deux précieux, avec mon homme, qui nous rapprochent. J'ai peur de perdre ça, aussi, ce mieux-etre, cette liberté, cette indépendance, ce gout retrouvé pour quelque chose, d’être coupée dans mon élan... Au fond de moi je sais que c'est pas très compatible avec le fait d'avoir des enfants car cette passion prend une part de plus en plus importante de ma vie, de mon budget.
Sauf que, l'age aidant, autour de moi, les annonces de grossesse se suivent, mes cousines, mes anciennes camarades de classes, et depuis peu, mes amies très proches, ça a été le premier choc. Je me sens de plus en plus seule, de plus en plus isolée...
Et puis, au début de l'année, j'ai déclenché en réunion de famille un ouragan que je n'avais pas du tout vu venir. A une question du style "et vous alors, c'est pour quand, maintenant que vous êtes installés ?", j'ai répondu "ah non merci, je passe mon tour", comme ça, au tac au tac, sourire aux lèvres, croyant à une taquinerie. Je n'y étais pas du tout, il y a eu un gros blanc à table, et la, j'ai réalisé, je n'avais jamais abordé le sujet avec eux... S'en est suivi un vrai cataclysme que je n'ai pas su gérer, pleurs et engueulade de la famille, réflexions blessantes sur notre style de vie d'ados attardés, de "geeks", accusations d’être irresponsables, immatures, égoïstes et j'en passe.
Depuis ce jour, je me sens très mal, je pleure beaucoup, je me pose beaucoup de questions.
La, je prend conscience de l'ampleur du tabou, des préjugés sur la question. J'ai a peu près tout entendu... Du "tu es peut-être une lesbienne refoulée" a "t'as pas peur de mourir toute seule s'il arrive un truc a ton copain ?", a "c'est que ton couple doit pas être très solide alors" (alors que c'est exactement l'inverse). A chaque fois, c'est comme si je me prenais un coup, je reste le souffle coupé, j'ai rien à répondre.
Pas un jour sans que je ne pense à tout ça. Ça commence à me miner sérieusement, je ne sais plus quoi faire, quoi dire, pour désamorcer la colère, la frustration des uns et des autres. Famille qui me fais bien comprendre que je ne suis qu'une sale égoïste anormale qui va gâcher la vie de mon mec (déjà que je suis "grosse" alors pensez, ça commence à faire beaucoup), amies qui tentent de me persuader que j'ai tort, que ça va changer ma vie, que quand j'aurais mon bébé dans les bras blablabla... Je me sens coupable, j'ai l'impression que tout le travail que j'avais entrepris pour aller mieux est en train de s'effondrer, c'est une angoisse supplémentaire, une de plus.
Moi je voudrais juste qu'on me foute la paix, reprendre ma vie pépère la ou je l'avais laissée avant que le sujet ne tombe sur le tapis... J'allais mieux... Et je sens que je replonge, ça me rend malade.
Je voudrais juste dire, que j'ai beaucoup de respect pour celles qui font le choix d’être mamans, c'est pas du tout un message de revendication ou pour dire "vous avez raté votre vie, pas moi", loin de la et pour cause. Je précise car j'ai remarqué que parfois, c'était pris comme comme de l'arrogance ou comme je le disais plus haut, une posture, un snobisme, alors que c'est pas du tout ça... J'ai juste besoin de vider mon sac un peu. Ça m'a fait du bien de lire les témoignages sur ce fil, je me suis sentie moins seule, moins extra-terrestre.
Merci de m'avoir lue.