49 ans
Paris
9874
mamykro a écrit:
Je crois que tu n'as pas tort. Il n'y a strictement aucune différence pour nous, que les dieux d’Épicure existent ou non... puisque ce qui les caractérise c'est l'absence totale de lien avec nous. Pas d'interaction possible.
En revanche, quand tu dis que le rapport aux dieux implique la soumission, là je crois que tu rates l'originalité de sa réflexion. Il attaque justement l'idée qu'on pourrait déduire de la notion de dieu de quelconques attributs tels que "ce à quoi nous devons être soumis". Si les dieux sont dieux, ils sont immortels, n'ont rien de mortel, n'ont pas de rapport avec nous, donc nous ne savons rien d'eux! Les seuls attributs qu'on peut dégager de leur nature (par pensée analytique si tu veux), c'est qu'ils sont immortels (par construction) et bienheureux (car immortels). A strictement parler, on ne peut rien leur attribuer d'autre, sinon par anthropomorphisme, donc superstition.
D'ailleurs la notion de soumission est très humaine, on voit bien qu'elle est tirée du modèle de la soumission au père, ou encore au chef politique.
Tu remarqueras que c'est exactement le contraire d'une forme de pensée qui fait découler non pas des représentations humaines les qualités divines (mouvement homme vers dieux), mais (mouvement dieux vers hommes) les rapports de force entre les hommes des rapports de force (de soumission) avec Dieu (cette fois il faut mettre une majuscule car c'est bien du Dieu chrétien qu'on parle): tout pouvoir... découle en effet de Dieu (Saint Paul). La monarchie a été pensée ainsi: le Roi règne sur ses sujets comme Dieu sur les hommes. Et le pouvoir du monarque n'est légitime qu'en tant qu'il imite et découle de celui du divin sur nous.
En revanche (et les différences sont plus que notables avec St Paul, je lis en ce moment une BD de Ralf König hilarante à ce sujet: "Antitype"), le discours de Jésus consiste à dire que les deux ordres de soumission (soumission aux hommes et soumission à Dieu) sont bien disjoints voire étanches (rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu). Bon, la part d'humour et d'ironie de défense (car c'est une question piège des Pharisiens sur le paiement de l'impôt) est à prendre en compte aussi: il dit cela en réponse à quelqu'un qui lui demande à qui il faut donner ces pièces, de Dieu ou de César... eh bien de qui est le portrait dessus? de César! donc rends à César etc.
De plus, il faut remettre les choses dans leur contexte historique. La notion de "soumission" (bien mystérieuse d'ailleurs, comment se soumet-on à quelqu'un qui ne nous parle pas? malheureusement ce sont souvent d'autres hommes qui prétendent parler à sa place... voir toute la critique du clergé qui peut en découler) est bien récente et plutôt une invention des monothéismes. Même si on pratique depuis des millénaires des sacrifices (humains ou animaux), c'est vraiment le monothéisme (voir la formule de St Paul) qui introduit la relation "politique" à Dieu (soumission et obéissance). Pour un Grec (et un Romain aussi), le mot "piété" ne signifie pas tout à fait la même chose: il y a bien sûr l'interdiction absolue de nier l'existence des dieux (cela reviendrait à peu près à être un simple d'esprit qui n'a rien compris, incapable de penser une notion au-dessus de sa propre qualité de mortel), mais surtout il s'agit de se conformer à des rites et des habitudes qu'il serait de très mauvais goût et anti-citoyen de remettre en cause (se rendre au temple, sacrifier, etc.).
Le problème, pour Épicure, c'est qu'en se rendant au temple pour rendre hommage aux dieux... on commence à leur demander des trucs, on commence à faire des vœux, on commence à prier! Et là... c'est le début de la fin de la religion. On traite les dieux comme des hommes, qui pourraient intervenir dans nos vies.
D'ailleurs, si les dieux sont dieux, ont-ils besoin de temples? s'agit-il de petits êtres mesquins qui ont besoin qu'on accumule quelques cailloux en forme de maison pour se sentir plus puissants?
L'idée d’Épicure n'est pas je crois d'être anti-religieux, mais d'évoquer puissamment le ridicule qui caractérise la religion superstitieuse.
Et si la manière la plus juste et la plus respectueuse de parler du divin consistait à ne rien en dire? à fermer sa gueule plutôt que de prétendre parler à sa place et savoir ce qu'il "veut"? pas si con comme idée peut-être... en tout cas ça mérite de l'envisager le temps d'une lecture au moins ;)
Il y a un monsieur autrichien qui écrivait il y a presque un siècle: sur ce dont on ne peut parler, il faut garder le silence.
Mais, nous, n'hésitons pas à bavarder! :D
Donc en fait, qu'ils existent ou pas, pour les hommes, c'est pareil, cela ne change rien.
Je crois que tu n'as pas tort. Il n'y a strictement aucune différence pour nous, que les dieux d’Épicure existent ou non... puisque ce qui les caractérise c'est l'absence totale de lien avec nous. Pas d'interaction possible.
En revanche, quand tu dis que le rapport aux dieux implique la soumission, là je crois que tu rates l'originalité de sa réflexion. Il attaque justement l'idée qu'on pourrait déduire de la notion de dieu de quelconques attributs tels que "ce à quoi nous devons être soumis". Si les dieux sont dieux, ils sont immortels, n'ont rien de mortel, n'ont pas de rapport avec nous, donc nous ne savons rien d'eux! Les seuls attributs qu'on peut dégager de leur nature (par pensée analytique si tu veux), c'est qu'ils sont immortels (par construction) et bienheureux (car immortels). A strictement parler, on ne peut rien leur attribuer d'autre, sinon par anthropomorphisme, donc superstition.
D'ailleurs la notion de soumission est très humaine, on voit bien qu'elle est tirée du modèle de la soumission au père, ou encore au chef politique.
Tu remarqueras que c'est exactement le contraire d'une forme de pensée qui fait découler non pas des représentations humaines les qualités divines (mouvement homme vers dieux), mais (mouvement dieux vers hommes) les rapports de force entre les hommes des rapports de force (de soumission) avec Dieu (cette fois il faut mettre une majuscule car c'est bien du Dieu chrétien qu'on parle): tout pouvoir... découle en effet de Dieu (Saint Paul). La monarchie a été pensée ainsi: le Roi règne sur ses sujets comme Dieu sur les hommes. Et le pouvoir du monarque n'est légitime qu'en tant qu'il imite et découle de celui du divin sur nous.
En revanche (et les différences sont plus que notables avec St Paul, je lis en ce moment une BD de Ralf König hilarante à ce sujet: "Antitype"), le discours de Jésus consiste à dire que les deux ordres de soumission (soumission aux hommes et soumission à Dieu) sont bien disjoints voire étanches (rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu). Bon, la part d'humour et d'ironie de défense (car c'est une question piège des Pharisiens sur le paiement de l'impôt) est à prendre en compte aussi: il dit cela en réponse à quelqu'un qui lui demande à qui il faut donner ces pièces, de Dieu ou de César... eh bien de qui est le portrait dessus? de César! donc rends à César etc.
De plus, il faut remettre les choses dans leur contexte historique. La notion de "soumission" (bien mystérieuse d'ailleurs, comment se soumet-on à quelqu'un qui ne nous parle pas? malheureusement ce sont souvent d'autres hommes qui prétendent parler à sa place... voir toute la critique du clergé qui peut en découler) est bien récente et plutôt une invention des monothéismes. Même si on pratique depuis des millénaires des sacrifices (humains ou animaux), c'est vraiment le monothéisme (voir la formule de St Paul) qui introduit la relation "politique" à Dieu (soumission et obéissance). Pour un Grec (et un Romain aussi), le mot "piété" ne signifie pas tout à fait la même chose: il y a bien sûr l'interdiction absolue de nier l'existence des dieux (cela reviendrait à peu près à être un simple d'esprit qui n'a rien compris, incapable de penser une notion au-dessus de sa propre qualité de mortel), mais surtout il s'agit de se conformer à des rites et des habitudes qu'il serait de très mauvais goût et anti-citoyen de remettre en cause (se rendre au temple, sacrifier, etc.).
Le problème, pour Épicure, c'est qu'en se rendant au temple pour rendre hommage aux dieux... on commence à leur demander des trucs, on commence à faire des vœux, on commence à prier! Et là... c'est le début de la fin de la religion. On traite les dieux comme des hommes, qui pourraient intervenir dans nos vies.
D'ailleurs, si les dieux sont dieux, ont-ils besoin de temples? s'agit-il de petits êtres mesquins qui ont besoin qu'on accumule quelques cailloux en forme de maison pour se sentir plus puissants?
L'idée d’Épicure n'est pas je crois d'être anti-religieux, mais d'évoquer puissamment le ridicule qui caractérise la religion superstitieuse.
Et si la manière la plus juste et la plus respectueuse de parler du divin consistait à ne rien en dire? à fermer sa gueule plutôt que de prétendre parler à sa place et savoir ce qu'il "veut"? pas si con comme idée peut-être... en tout cas ça mérite de l'envisager le temps d'une lecture au moins ;)
Il y a un monsieur autrichien qui écrivait il y a presque un siècle: sur ce dont on ne peut parler, il faut garder le silence.
Mais, nous, n'hésitons pas à bavarder! :D