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49 ans région parisienne 5831
Je trouve que ses détracteurs avaient raison de penser que c'était de l'athéisme déguisé. En effet, pour moi, la piété implique clairement un rapport de soumission: "j'obéis à Dieu, je  
me soumet à ses désirs, car Il est plus puissant que moi, Il sait tout ce que je ne sais pas".

Or ici, Epicure indique que les Dieux n'ont rien à voir avec l'homme: a priori, selon lui, ils ne se soucient pas de savoir ce que les hommes fabriquent, et encore moins de leur donner des directives. Donc en fait, qu'ils existent ou pas, pour les hommes, c'est pareil, cela ne change rien.

Pour moi, Epicure semble croire en "une idée de Dieu", mais pas en Dieu.
49 ans Paris 9874
mamykro a écrit:
Donc en fait, qu'ils existent ou pas, pour les hommes, c'est pareil, cela ne change rien.


Je crois que tu n'as pas tort. Il n'y a strictement aucune différence pour nous, que les dieux d’Épicure existent ou non... puisque ce qui les caractérise c'est l'absence totale de lien avec nous. Pas d'interaction possible.
En revanche, quand tu dis que le rapport aux dieux implique la soumission, là je crois que tu rates l'originalité de sa réflexion. Il attaque justement l'idée qu'on pourrait déduire de la notion de dieu de quelconques attributs tels que "ce à quoi nous devons être soumis". Si les dieux sont dieux, ils sont immortels, n'ont rien de mortel, n'ont pas de rapport avec nous, donc nous ne savons rien d'eux! Les seuls attributs qu'on peut dégager de leur nature (par pensée analytique si tu veux), c'est qu'ils sont immortels (par construction) et bienheureux (car immortels). A strictement parler, on ne peut rien leur attribuer d'autre, sinon par anthropomorphisme, donc superstition.

D'ailleurs la notion de soumission est très humaine, on voit bien qu'elle est tirée du modèle de la soumission au père, ou encore au chef politique.

Tu remarqueras que c'est exactement le contraire d'une forme de pensée qui fait découler non pas des représentations humaines les qualités divines (mouvement homme vers dieux), mais (mouvement dieux vers hommes) les rapports de force entre les hommes des rapports de force (de soumission) avec Dieu (cette fois il faut mettre une majuscule car c'est bien du Dieu chrétien qu'on parle): tout pouvoir... découle en effet de Dieu (Saint Paul). La monarchie a été pensée ainsi: le Roi règne sur ses sujets comme Dieu sur les hommes. Et le pouvoir du monarque n'est légitime qu'en tant qu'il imite et découle de celui du divin sur nous.

En revanche (et les différences sont plus que notables avec St Paul, je lis en ce moment une BD de Ralf König hilarante à ce sujet: "Antitype"), le discours de Jésus consiste à dire que les deux ordres de soumission (soumission aux hommes et soumission à Dieu) sont bien disjoints voire étanches (rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu). Bon, la part d'humour et d'ironie de défense (car c'est une question piège des Pharisiens sur le paiement de l'impôt) est à prendre en compte aussi: il dit cela en réponse à quelqu'un qui lui demande à qui il faut donner ces pièces, de Dieu ou de César... eh bien de qui est le portrait dessus? de César! donc rends à César etc.

De plus, il faut remettre les choses dans leur contexte historique. La notion de "soumission" (bien mystérieuse d'ailleurs, comment se soumet-on à quelqu'un qui ne nous parle pas? malheureusement ce sont souvent d'autres hommes qui prétendent parler à sa place... voir toute la critique du clergé qui peut en découler) est bien récente et plutôt une invention des monothéismes. Même si on pratique depuis des millénaires des sacrifices (humains ou animaux), c'est vraiment le monothéisme (voir la formule de St Paul) qui introduit la relation "politique" à Dieu (soumission et obéissance). Pour un Grec (et un Romain aussi), le mot "piété" ne signifie pas tout à fait la même chose: il y a bien sûr l'interdiction absolue de nier l'existence des dieux (cela reviendrait à peu près à être un simple d'esprit qui n'a rien compris, incapable de penser une notion au-dessus de sa propre qualité de mortel), mais surtout il s'agit de se conformer à des rites et des habitudes qu'il serait de très mauvais goût et anti-citoyen de remettre en cause (se rendre au temple, sacrifier, etc.).
Le problème, pour Épicure, c'est qu'en se rendant au temple pour rendre hommage aux dieux... on commence à leur demander des trucs, on commence à faire des vœux, on commence à prier! Et là... c'est le début de la fin de la religion. On traite les dieux comme des hommes, qui pourraient intervenir dans nos vies.
D'ailleurs, si les dieux sont dieux, ont-ils besoin de temples? s'agit-il de petits êtres mesquins qui ont besoin qu'on accumule quelques cailloux en forme de maison pour se sentir plus puissants?
L'idée d’Épicure n'est pas je crois d'être anti-religieux, mais d'évoquer puissamment le ridicule qui caractérise la religion superstitieuse.
Et si la manière la plus juste et la plus respectueuse de parler du divin consistait à ne rien en dire? à fermer sa gueule plutôt que de prétendre parler à sa place et savoir ce qu'il "veut"? pas si con comme idée peut-être... en tout cas ça mérite de l'envisager le temps d'une lecture au moins ;)

Il y a un monsieur autrichien qui écrivait il y a presque un siècle: sur ce dont on ne peut parler, il faut garder le silence.

Mais, nous, n'hésitons pas à bavarder! :D
49 ans Paris 9874
mamykro a écrit:
Pour moi, Epicure semble croire en "une idée de Dieu", mais pas en Dieu.


Oui, bien sûr aussi, c'est un dieu "abstrait" (ce qui ne signifie pas sans existence), au sujet duquel la pire chose qu'on pourrait faire serait de croire qu'il en a quelque chose à faire de nos constructions, de nos pratiques sexuelles ou alimentaires, de nos mains jointes.

C'est un truisme mais il faut bien distinguer la religion comme rapport au divin (que puis-je penser? que puis-je croire?) et la religion comme ensemble de pratiques (construction de temples, prescriptions, interdits). Et rien n'empêche que l'un soit profondément en contradiction avec l'autre.
49 ans région parisienne 5831
poupoule a écrit:
De plus, il faut remettre les choses dans leur contexte historique. La notion de "soumission" (bien mystérieuse d'ailleurs, comment se soumet-on à quelqu'un qui ne nous parle pas? malheureusement ce sont souvent d'autres hommes qui prétendent parler à sa place... voir toute la critique du clergé qui peut en découler) est bien récente et plutôt une invention des monothéismes.


Oui, je m'en faisais la réflexion ensuite: j'ai instinctivement pensé à la religion que je connais (à savoir celle de l'église catholique romaine), mais je n'ai pas la moindre idée de ce qu'était la piété et le rapport à la religion au temps d'Epicure! :lol:

Par contre, dans un contexte moderne, la notion de soumission n'est pas mystérieuse: Dieu est sensé parler à des gens suffisamment purs, et ces derniers en informent les autres. Donc pour un croyant, Dieu parle et donne réellement des ordres.

De plus, même si ce n'est pas le cas pour la réligion catholique, mais dans les religions musulmannes et juives, les livres sacrés sont sensés avoir été dictés en ligne directe avec Dieu...

poupoule a écrit:
Et si la manière la plus juste et la plus respectueuse de parler du divin consistait à ne rien en dire? à fermer sa gueule plutôt que de prétendre parler à sa place et savoir ce qu'il "veut"? pas si con comme idée peut-être... en tout cas ça mérite de l'envisager le temps d'une lecture au moins ;)


Oui mais là, je pense comprendre ce que ses concitoyens reprochaient à Epicure: quel est l'intéret de dire que Dieu existe si on n'en parle pas et si on ne fait rien pour lui? Qu'il existe ou pas, cela ne change finalement rien, donc on ne peut distinguer le pire des impies du fervent croyant (or c'est rassurant de pouvoir mettre les gens dans des cases).

Dieu est assez "vide", puisqu'il n'agit pas pour ou contre les humains (ou très peu), ne parle pas aux humains (en général)... La seule chose qui peut lui donner de la consistance, c'est l'apparence: le respect des rites et ce genre de chose. C'est la seule façon de donner une existence aux divinités, et je pense que c'est peut-être pour cela que les concitoyens d'Epicure tenaient à leurs "superstitions", comme Epicure les appelle.

En enjoignant les hommes à ne pas se préoccuper des Dieux, Epicure vide les Dieux de leur substance, il les assassine! Qu'il soit qualifié d'athée ne m'étonne alors pas.

Poupoule a écrit:
C'est un truisme mais il faut bien distinguer la religion comme rapport au divin (que puis-je penser? que puis-je croire?) et la religion comme ensemble de pratiques (construction de temples, prescriptions, interdits).


Certes, mais le rapport au divin se joue dans l'intimité des consciences de chacun: personne n'a accès à l'esprit de son voisin. Or, pour qu'une société fonctionne, il faut qu'elle se voit comme un ensemble, et pour cela, rien de tel que le partage de rites (et les pratiques religieuses).

Par ailleurs, je comprends aussi que le fait que les Dieux n'interviennent pas dans les affaires des humains soit une pillule difficile à avaler pour les contemporains d'Epidure: si cela est vrai, qui blâmer pour la mort de ma petite fille de 4 ans? Penser qu'il y a une inteligence (bonne ou mauvaise) derrière nos malheur est plus réconfortant que de penser que c'est juste le fruit du hasard.

Bref, tout cela pour dire que la pensée d'Epicure semble très effrayante: sans les rites religieux, on ne peut classer les personnes (les bons et les mauvais), on ne peut pas non plus donner un sens à ce qui n'en a pas (la mort de proches), et pour finir, on n'a plus cet indispensable liant de la société que sont les fêtes religieuses, et autres.
49 ans région parisienne 5831
Je me faisais la réflexion que les arguments que j'ai avancés sont bien terre-à-terre, alors qu'Epicure ambitionnait probablement d'élever le débat...

j'ai lu ça dans wikipedia:

Citation:
Pour les grecs antiques, la piété n'est pas l'expression d'un sentiment de relation intime avec une divinité ; elle n'est pas non plus seulement l'observation scrupuleuse et stricte des rites prescrits. Être pieux, c'est croire en l'efficacité du système de représentations mis en place par la cité pour organiser les rapports entre les hommes et les dieux, et aussi y participer activement.


Si c'est bien exact, alors je comprends que les paroles d'Epicure déplaisent profondément aux grecs: finalement, d'après ce que je comprends, pour els grecs, croires aux Dieux, c'est respecter les rites, et respecter les rites, c'est participer à la communauté. En prétendant que les rites religieux sont sans fondements, Epicure s'attaque en réalité à la société grecque: je comprends que ça déplaise...
49 ans Paris 9874
mamykro a écrit:
Certes, mais le rapport au divin se joue dans l'intimité des consciences de chacun: personne n'a accès à l'esprit de son voisin. Or, pour qu'une société fonctionne, il faut qu'elle se voit comme un ensemble, et pour cela, rien de tel que le partage de rites (et les pratiques religieuses).

Par ailleurs, je comprends aussi que le fait que les Dieux n'interviennent pas dans les affaires des humains soit une pillule difficile à avaler pour les contemporains d'Epidure: si cela est vrai, qui blâmer pour la mort de ma petite fille de 4 ans? Penser qu'il y a une inteligence (bonne ou mauvaise) derrière nos malheur est plus réconfortant que de penser que c'est juste le fruit du hasard.

Bref, tout cela pour dire que la pensée d'Epicure semble très effrayante: sans les rites religieux, on ne peut classer les personnes (les bons et les mauvais), on ne peut pas non plus donner un sens à ce qui n'en a pas (la mort de proches), et pour finir, on n'a plus cet indispensable liant de la société que sont les fêtes religieuses, et autres.


La religion peut en effet servir de lien social, de discriminant moral, d'explication aux malheurs. C'est d'ailleurs un peu en ce sens que Marx la qualifie d' "opium du peuple" (un anesthésiant des malheurs). Mais elle peut être utilisée en sens opposé aussi, peut-être même plus fréquemment: pour faire la guerre au nom de la foi, pour détruire, pour condamner... sans parler du fait que, pour certains, un malheur tel que la perte d'un enfant peut paraître d'autant plus terrible s'il est censé exister un dieu que si cela relève du pur hasard. On peut utiliser politiquement l'argument de la foi dans tous les sens, le tordre pour lui faire dire à peu près ce qu'on veut.

En fait ça n'est pas de ça que parle Epicure, il me semble. Il ne se demande pas quel rapport à la religion est le plus source de liant social, de satisfaction morale, d'explication aux malheurs... la seule question qu'il se pose est celle de la vérité. Quel discours vrai peut-on tenir sur les dieux? que peut-on strictement dire d'eux sans y ajouter nos propres imaginations?

Et la réponse tient en deux mots (pas trois): de la notion de dieu on peut analytiquement tirer la notion d'immortalité et la notion de béatitude. Car penser des dieux mortels et/ou malheureux serait contradictoire avec la notion même. C'est tout.

Oui, c'est très sec et très "vide"... mais c'est l'intérêt! déshabiller le concept jusqu'à l'os (pour ensuite reconstruire). Épicure ne laisse pas ses disciples sans secours, tu vas voir qu'il propose toute une "méthode" de vie, et pas n'importe quelle méthode, celle qui doit permettre le plus de bonheur. La représentation selon laquelle les dieux ont un rapport avec nous n'est pas celle qui apporte le plus de bonheur. Vivre dans l'angoisse d'être récompensé ou châtié, ce n'est pas être heureux. Vivre dans la crainte, des dieux ou d'autre chose (voir paragraphe suivant), ce n'est pas être heureux.
49 ans Paris 9874
mamykro a écrit:
Je me faisais la réflexion que les arguments que j'ai avancés sont bien terre-à-terre, alors qu'Epicure ambitionnait probablement d'élever le débat...

j'ai lu ça dans wikipedia:

Citation:
Pour les grecs antiques, la piété n'est pas l'expression d'un sentiment de relation intime avec une divinité ; elle n'est pas non plus seulement l'observation scrupuleuse et stricte des rites prescrits. Être pieux, c'est croire en l'efficacité du système de représentations mis en place par la cité pour organiser les rapports entre les hommes et les dieux, et aussi y participer activement.


Si c'est bien exact, alors je comprends que les paroles d'Epicure déplaisent profondément aux grecs: finalement, d'après ce que je comprends, pour els grecs, croires aux Dieux, c'est respecter les rites, et respecter les rites, c'est participer à la communauté. En prétendant que les rites religieux sont sans fondements, Epicure s'attaque en réalité à la société grecque: je comprends que ça déplaise...


C'est très exact. Il dit des choses profondément gênantes pour ses contemporains... et c'est bien l'intérêt. Je te rappelle par ailleurs que Socrate a été condamné à mort par ses contemporains. Et, malgré des propositions qu'on lui aurait faites de s'enfuir discrètement de sa geôle, il aurait refusé et en tout cas la sentence a bien été appliquée, par empoisonnement.

Le motif de la condamnation? impiété.
49 ans région parisienne 5831
poupoule a écrit:
En fait ça n'est pas de ça que parle Epicure, il me semble. Il ne se demande pas quel rapport à la religion est le plus source de liant social, de satisfaction morale, d'explication aux malheurs... la seule question qu'il se pose est celle de la vérité. Quel discours vrai peut-on tenir sur les dieux? que peut-on strictement dire d'eux sans y ajouter nos propres imaginations?


Je suis complétement d'accord avec Epicure. D'ailleurs, depuis que je connais le mot (et ça fait environ 20 ans), je me considère comme agnostique.

Mais je ne suis pas étonnée qu'Epicure ait eu des problèmes avec ses contemporains, pour les raisons que j'ai évoquées plus haut.

poupoule a écrit:
Épicure ne laisse pas ses disciples sans secours, tu vas voir qu'il propose toute une "méthode" de vie, et pas n'importe quelle méthode, celle qui doit permettre le plus de bonheur. La représentation selon laquelle les dieux ont un rapport avec nous n'est pas celle qui apporte le plus de bonheur. Vivre dans l'angoisse d'être récompensé ou châtié, ce n'est pas être heureux. Vivre dans la crainte, des dieux ou d'autre chose (voir paragraphe suivant), ce n'est pas être heureux.


Epicure est presque boudhiste, finalement! :lol: Je pense qu'il a totalement raison, mais c'est difficile de faire entendre ce genre de discours à des personnes dont le pouvoir repose en partie sur la religion.
49 ans Paris 9874
mamykro a écrit:
Je pense qu'il a totalement raison, mais c'est difficile de faire entendre ce genre de discours à des personnes dont le pouvoir repose en partie sur la religion.


C'est certain! son point de vue implique non seulement l'inutilité mais probablement le caractère de totale arnaque de l'existence d'un clergé... c'est-à-dire d'une caste prétendant jouer un rôle d'intermédiaire entre les hommes et le divin, prétendant dire quoi faire pour plaire ou déplaire à un dieu.

Si tout ce qu'on peut dire des dieux, on peut le tirer d'arguments rationnels, alors les hommes sont parfaitement égaux dans le rapport qu'ils peuvent avoir aux dieux. Aucun homme n'est plus apte à la religion qu'un autre. Ça en revanche, ça n'est guère bouddhiste, car ils ont bien des moines et leur rôle est même central dans la société. Mais pour ce qui est de la poursuite du bonheur (et du thème de la paix de l'âme: voir § sur les plaisirs), oui, il y a sûrement qch de l'aspiration bouddhiste. En tout cas on est à l'opposé de ce que sera le christianisme avec la valorisation de la mort comme accès à la seule vraie vie. Le mépris pour la vie terrestre, mortelle, n'est pas du tout mais alors pas du tout un thème grec.

PS de teasing: encore un § sur la mort (très intéressant! et peut-être la thèse la plus connue d’Épicure) et ensuite on en vient à l'économie des plaisirs... où je crois il y a le plus de liens avec nos réflexions sur la RA ;)
49 ans région parisienne 5831
poupoule a écrit:
Sinon, c'est quand même une bombe ce qu'il dit de la religion, non?
Vous trouvez que c'est un athéisme déguisé (comme on le lui a reproché) ou au contraire une piété très exigeante?


Bon, j'ai enfin plus ou moins réussi à comprendre ce qui me génait.

Wikipedia dit (et ça correspond avec mes souvenirs de cours de latin): "Dans les sociétés antiques, ce ne sont pas les croyances qui sont imposées, mais l'observation des cultes publics. Les dieux sont révérés par des rites très précis, des fêtes et des offrandes, mais pas en professant une doctrine sur leur existence ou leur rôle.".

Donc les contemporains d'Epicure n'ont pas pu lui reprocher d'être athée, mais plutôt d'être impie, ce qui est très différent. L'athéisme, c'est lorsqu'on pense que les Dieux n'existent pas. L'impiété, c'est lorsqu'on pense qu'il n'y a pas lieu de pratiquer leurs culte. Et c'est exactement ce que pense Epicure: qu'il est inutile de vouer un culte aux Dieux.

Voila, bon, peut-être que tout le monde avait déjà pigé depuis longtemps, mais moi, il y avait un truc qui me titillait dans tout ça, et je n'arrivais pas à mettre le doigt dessus. Là, c'est fait! :lol:
49 ans Paris 9874
mamykro a écrit:
poupoule a écrit:
Sinon, c'est quand même une bombe ce qu'il dit de la religion, non?
Vous trouvez que c'est un athéisme déguisé (comme on le lui a reproché) ou au contraire une piété très exigeante?


Bon, j'ai enfin plus ou moins réussi à comprendre ce qui me génait.

Wikipedia dit (et ça correspond avec mes souvenirs de cours de latin): "Dans les sociétés antiques, ce ne sont pas les croyances qui sont imposées, mais l'observation des cultes publics. Les dieux sont révérés par des rites très précis, des fêtes et des offrandes, mais pas en professant une doctrine sur leur existence ou leur rôle.".

Donc les contemporains d'Epicure n'ont pas pu lui reprocher d'être athée, mais plutôt d'être impie, ce qui est très différent. L'athéisme, c'est lorsqu'on pense que les Dieux n'existent pas. L'impiété, c'est lorsqu'on pense qu'il n'y a pas lieu de pratiquer leurs culte. Et c'est exactement ce que pense Epicure: qu'il est inutile de vouer un culte aux Dieux.

Voila, bon, peut-être que tout le monde avait déjà pigé depuis longtemps, mais moi, il y avait un truc qui me titillait dans tout ça, et je n'arrivais pas à mettre le doigt dessus. Là, c'est fait! :lol:


En fait, le terme "athée" existait déjà bel et bien, en concurrence avec celui d' "impie" (asébès), mais le sens de l'athéisme a bien changé au cours des siècles. Cependant ce sont bien des accusations d'athéisme qu'on a portées à l'égard de nombreux philosophes. L'impiété consiste à commettre un sacrilège (par exemple mettre les pieds dans un lieu interdit) ou à ne pas faire quelque chose qui devait impérativement être fait (comme procéder à un sacrifice). Le mot "athée" (a-theos, privé de dieu), à partir du Vème siècle, commence à signifier quelque chose de plus grave: pas seulement un monde où l'on commet des fautes à l'égard des dieux... mais un monde d'où les dieux pourraient être absents. Le mot sera traduit ensuite en latin.
Certes Épicure ne cesse de répéter que les dieux existent bien (et il n'y aucune raison d'y voir une hypocrisie), mais il faut aussi reconnaître que le monde tel qu'il le voit, c'est-à-dire privé de RELATIONS entre dieux et hommes, revient à un monde vide des dieux. Quelle différence entre vivre comme si les dieux n'existaient pas et vivre comme s'ils existaient mais étaient sans aucun rapport avec nous? Aucune, j'ai bien l'impression.
En fait Épicure ne professe pas un athéisme, mais une thèse qui a des conséquences semblables aux conséquences de l'athéisme.
Sans oublier qu’Épicure, dans d'autres textes mais tout repose là-dessus, est un atomiste fervent. Quelle place pour les dieux dans un monde où les choses ne sont que le résultat du choc entre atomes?

Un bon bouquin à ce sujet:

http://www.amazon.fr/L...ils-leurs-mythes/dp/2020159538

;)
42 ans Vendée 739
Je suis partante
49 ans Paris 9874
Quelqu'un a envie de se lancer dans le passage suivant, sur le rapport à la mort?

"Familiarise-toi avec l’idée que la mort n’est rien pour nous, car tout bien et tout mal réside dans
la sensation; or, la mort est la privation complète de cette dernière. Cette connaissance certaine que la
mort n’est rien pour nous a pour conséquence que nous apprécions mieux les joies que nous offre la
vie éphémère, parce qu’elle n’y ajoute pas une durée illimitée mais nous ôte au contraire le désir
d’immortalité. En effet, il n’y a plus d’effroi dans la vie pour celui qui a réellement compris que la
mort n’a rien d’effrayant. Il faut ainsi considérer comme un sot celui qui dit que nous craignons la
mort, non parce qu’elle nous afflige quand elle arrive, mais parce que nous souffrons déjà à l’idée
qu’elle arrivera un jour. Car si une chose ne nous cause aucun trouble par sa présence, l’inquiétude qui
est attachée à son attente est sans fondement. Ainsi, celui des maux qui fait le plus frémir n’est rien
pour nous puisque tant que nous existons la mort n’est pas, et que quand la mort est là nous ne
sommes plus. La mort n’a, par conséquent, aucun rapport ni avec les vivants ni avec les morts, étant
donné qu’elle n’est rien pour les premiers et que les derniers ne sont plus.
La foule tantôt fuit la mort comme le plus grand des maux, tantôt la désire comme le terme des
misères de la vie. Le sage, par contre, ne fait pas fi de la vie et ne craint pas la mort, car la vie ne lui
est pas à charge et il ne considère pas la non-existence comme un mal. En effet, de même qu’il ne
choisit certainement pas la nourriture la plus abondante mais celle qui est la plus agréable,
pareillement il ne tient pas à jouir de la durée la plus longue mais de la durée la plus agréable. Celui
qui proclame qu’il appartient au jeune homme de bien vivre et au vieillard de bien mourir est
passablement sot, non seulement parce que la vie est aimée de l’un aussi bien que de l’autre, mais
surtout parce que l’application à bien vivre ne se distingue pas de celle à bien mourir. Plus sot est
encore celui qui dit que le mieux c’est de ne pas naître, “mais lorsqu’on est né, de franchir au plus vite
les portes de l’Hadès”.
S’il parle ainsi par conviction, pourquoi alors ne sort-il pas de la vie ? Car cela lui sera facile si
vraiment il a fermement décidé de le faire. Mais s’il le dit par plaisanterie, il montre de la frivolité en
un sujet qui n’en comporte point. Il convient de se rappeler que l’avenir n’est ni entièrement en notre
pouvoir ni tout à fait hors de nos prises, de sorte que nous ne devons ni compter sur lui, comme s’il
devait arriver sûrement, ni nous priver de tout espoir, comme s’il ne devait certainement pas arriver."
48 ans 701
Citation:
Certes Épicure ne cesse de répéter que les dieux existent bien (et il n'y aucune raison d'y voir une hypocrisie), mais il faut aussi reconnaître que le monde tel qu'il le voit, c'est-à-dire privé de RELATIONS entre dieux et hommes, revient à un monde vide des dieux. Quelle différence entre vivre comme si les dieux n'existaient pas et vivre comme s'ils existaient mais étaient sans aucun rapport avec nous? Aucune, j'ai bien l'impression.
En fait Épicure ne professe pas un athéisme, mais une thèse qui a des conséquences semblables aux conséquences de l'athéisme.


Désolée de revenir sur ce point, mais....ne peut on donc concevoir de Dieu(x) qu'en "interaction" avec l'Homme ? L'absence de relation entre les hommes et les dieux est elle indispensable ? Concevoir l'existence (seule) de Dieu(x) ne permet-elle pas aux hommes d'expliquer ce qui n'est pas raisonnablement explicable sans pour autant en déduire une volonté d'agir sur le monde ?

Je ne sais pas si je suis claire dans mon questionnement. Je me sens un peu bécassine par rapport à vos interventions très interessantes mais quelques points m'interpellent justement...
49 ans Paris 9874
viva a écrit:
Citation:
Certes Épicure ne cesse de répéter que les dieux existent bien (et il n'y aucune raison d'y voir une hypocrisie), mais il faut aussi reconnaître que le monde tel qu'il le voit, c'est-à-dire privé de RELATIONS entre dieux et hommes, revient à un monde vide des dieux. Quelle différence entre vivre comme si les dieux n'existaient pas et vivre comme s'ils existaient mais étaient sans aucun rapport avec nous? Aucune, j'ai bien l'impression.
En fait Épicure ne professe pas un athéisme, mais une thèse qui a des conséquences semblables aux conséquences de l'athéisme.


Désolée de revenir sur ce point, mais....ne peut on donc concevoir de Dieu(x) qu'en "interaction" avec l'Homme ? L'absence de relation entre les hommes et les dieux est elle indispensable ? Concevoir l'existence (seule) de Dieu(x) ne permet-elle pas aux hommes d'expliquer ce qui n'est pas raisonnablement explicable sans pour autant en déduire une volonté d'agir sur le monde ?

Je ne sais pas si je suis claire dans mon questionnement. Je me sens un peu bécassine par rapport à vos interventions très interessantes mais quelques points m'interpellent justement...


Mais non c'est super intéressant!
Le problème c'est que "l'explication" est une forme de relation (il y a moi, l'inconnu, et le divin entre les deux qui me rend l'inconnu ou l'inexplicable explicable)... à quel type d'explication songes-tu d'ailleurs?
B I U