38 ans
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MissWillow a écrit:
Merci ! ;)
Je dirais que, davantage que "les femmes", c'est "l'honnête femme" qui est respectée. L'"honnête femme" n'est pas forcément la femme vierge ou l'épouse. Les romantiques portant au pinacle les sentiments, une courtisane (même au passé "chargé") pouvait se "racheter" par le véritable amour, voire (la plupart du temps) par la mort. C'est le cas de la Dame aux camélias d'Alexandre Dumas fils (beaucoup plus moralisateur et bien moins fun que son père), ou de la Duchesse de Langeais de Balzac... Dans les Misérables, Fantine, jetée dans la prostitution par la misère, soucieuse de trouver de l'argent pour sa fille Cosette, est également rachetée par la mort... Bref, bien que la société soit cours de déchristianisation, les valeurs judéo-chrétiennes étaient prépondérantes. Les hommes, eux, ont rarement à payer leurs péchés. Dans Notre-Dame de Paris, Victor Hugo fait preuve d'empathie vis-à-vis d'Esméralda, exécutée injustement après avoir été séduite par le vilain Phoebus, mais lui s'en sort et se marie...
Est-ce qu'ils aimaient vraiment ? Oui, mais à la manière romantique ;) C'est-à-dire dans une dimension presque artistique, passionnelle, égocentrique et narcissique. D'où l'idéalisation excessive de l'être aimé, et des postures qui personnellement m'horripilent :D Je déteste Marius dans Les Misérables par exemple, parce que sous prétexte d'aimer Cosette, il passe son temps à chouiner sur lui-même. C'est un peu le travers "littéraire" que dénonce Flaubert dans Madame Bovary. Mais ça n'empêchait pas les vraies belles histoires bien sûr, les romantiques ont au moins eu le mérite de briser le carcan rationnel de l'époque des Lumières.
Comment considéraient-ils les femmes ? Surtout comme des compagnes, voire comme des muses, rarement comme des égales. Dans Bel-Ami, le héros du roman, opportuniste à mort, épouse en premières noces une femme remarquablement intelligente et lettrée, qui écrit même ces articles et le lance dans le monde. Jamais elle ne publie sous son nom. Pour parler de cas réels, Camille Claudel n'a jamais réussi à faire apprécier son œuvre sans qu'il ne soit précisé systématiquement ce qu'elle "devait" à Rodin (même si les critiques respectaient son travail).
Les aimaient-ils douces et dociles ? Dans l'optique de la compagne, oui. Enfin, bonne maîtresse de maison. Le débat de l'époque, parmi les écrivains et les artistes, c'était : faut-il avoir une cellule familiale stable pour créer sereinement, loin des contingences matérielles réglées par l'épouse ? Ou, au contraire, la vie de patachon célibataire favorise-t-elle la création ? Alors que certains restaient célibataires (voire cultivaient une franche misogynie, comme les Goncourt, qui considéraient que non seulement les femmes n'étaient pas capables de créer, mais empêchaient les hommes de créer), Zola, Hugo ou Ingres défendaient la première solution. Ce qui ne les a pas empêché, en ce qui concerne Zola et Hugo, d'installer leur maîtresse "officielle" dans une maison à quelques pas de la maison familiale... La "maîtresse", quant à elle, se distinguait souvent de l'épouse par sa beauté, sa jeunesse, ou son esprit (ou les trois !). Mais elle se devait d'être fidèle aussi, évidemment, sinon c'était la honte :roll:
Ceci dit, cela n'empêchait pas les sentiments sincères : je trouve personnellement l'histoire d'amour entre Victor Hugo et sa maîtresse de longue date, Juliette Drouet, assez belle (malgré les infidélités de Monsieur).
Oui, parce que, évidemment, il n'était pas mal vu de tromper sa femme ou d'avoir une ou des maîtresses, au contraire. En revanche, c'était évidemment no way pour une "honnête femme", à moins d'être George Sand, qui assumait le scandale...
Une "belle" histoire pour finir, et qui montre que le respect de l'autre en tant qu'égal avance avec le siècle, et grandit au suivant. En 1922, Georgette Agutte, peintre et sculpteur, perd son mari et amour depuis 25 ans, Marcel Sembat, député socialiste, décédé d'une hémorragie cérébrale. Les deux s'adoraient, s'admiraient infiniment, et ont constitué ensemble une collection d'œuvres de leurs amis peintres d'avant-garde qu'on peut voir aujourd'hui au musée de Grenoble. Georgette s'est suicidée quelques heures après le décès de son mari, laissant un mot de quelques lignes dont la beauté et la sérénité ne laissent pas de m'intriguer : "Voilà douze heures qu'il est parti. Je suis en retard".
Oui je sais, c'est triste, mais c'est tristement beau !
C'est vraiment fascinant, j'aime bien comment tu racontes Aphasie ! ^^ Quand je lis Alexandre Dumas, on y sent un certain respect des femmes en général, mais qu'en est-il vraiment ? Comment les femmes étaient-elles appréciées ? Est-ce qu'on les voyait uniquement comme douces et dociles ou est-ce qu'on les voyait comme intelligentes et savantes ? Est-ce que certains hommes étaient sincèrement amoureux de leur compagne ?
Merci ! ;)
Je dirais que, davantage que "les femmes", c'est "l'honnête femme" qui est respectée. L'"honnête femme" n'est pas forcément la femme vierge ou l'épouse. Les romantiques portant au pinacle les sentiments, une courtisane (même au passé "chargé") pouvait se "racheter" par le véritable amour, voire (la plupart du temps) par la mort. C'est le cas de la Dame aux camélias d'Alexandre Dumas fils (beaucoup plus moralisateur et bien moins fun que son père), ou de la Duchesse de Langeais de Balzac... Dans les Misérables, Fantine, jetée dans la prostitution par la misère, soucieuse de trouver de l'argent pour sa fille Cosette, est également rachetée par la mort... Bref, bien que la société soit cours de déchristianisation, les valeurs judéo-chrétiennes étaient prépondérantes. Les hommes, eux, ont rarement à payer leurs péchés. Dans Notre-Dame de Paris, Victor Hugo fait preuve d'empathie vis-à-vis d'Esméralda, exécutée injustement après avoir été séduite par le vilain Phoebus, mais lui s'en sort et se marie...
Est-ce qu'ils aimaient vraiment ? Oui, mais à la manière romantique ;) C'est-à-dire dans une dimension presque artistique, passionnelle, égocentrique et narcissique. D'où l'idéalisation excessive de l'être aimé, et des postures qui personnellement m'horripilent :D Je déteste Marius dans Les Misérables par exemple, parce que sous prétexte d'aimer Cosette, il passe son temps à chouiner sur lui-même. C'est un peu le travers "littéraire" que dénonce Flaubert dans Madame Bovary. Mais ça n'empêchait pas les vraies belles histoires bien sûr, les romantiques ont au moins eu le mérite de briser le carcan rationnel de l'époque des Lumières.
Comment considéraient-ils les femmes ? Surtout comme des compagnes, voire comme des muses, rarement comme des égales. Dans Bel-Ami, le héros du roman, opportuniste à mort, épouse en premières noces une femme remarquablement intelligente et lettrée, qui écrit même ces articles et le lance dans le monde. Jamais elle ne publie sous son nom. Pour parler de cas réels, Camille Claudel n'a jamais réussi à faire apprécier son œuvre sans qu'il ne soit précisé systématiquement ce qu'elle "devait" à Rodin (même si les critiques respectaient son travail).
Les aimaient-ils douces et dociles ? Dans l'optique de la compagne, oui. Enfin, bonne maîtresse de maison. Le débat de l'époque, parmi les écrivains et les artistes, c'était : faut-il avoir une cellule familiale stable pour créer sereinement, loin des contingences matérielles réglées par l'épouse ? Ou, au contraire, la vie de patachon célibataire favorise-t-elle la création ? Alors que certains restaient célibataires (voire cultivaient une franche misogynie, comme les Goncourt, qui considéraient que non seulement les femmes n'étaient pas capables de créer, mais empêchaient les hommes de créer), Zola, Hugo ou Ingres défendaient la première solution. Ce qui ne les a pas empêché, en ce qui concerne Zola et Hugo, d'installer leur maîtresse "officielle" dans une maison à quelques pas de la maison familiale... La "maîtresse", quant à elle, se distinguait souvent de l'épouse par sa beauté, sa jeunesse, ou son esprit (ou les trois !). Mais elle se devait d'être fidèle aussi, évidemment, sinon c'était la honte :roll:
Ceci dit, cela n'empêchait pas les sentiments sincères : je trouve personnellement l'histoire d'amour entre Victor Hugo et sa maîtresse de longue date, Juliette Drouet, assez belle (malgré les infidélités de Monsieur).
Oui, parce que, évidemment, il n'était pas mal vu de tromper sa femme ou d'avoir une ou des maîtresses, au contraire. En revanche, c'était évidemment no way pour une "honnête femme", à moins d'être George Sand, qui assumait le scandale...
Une "belle" histoire pour finir, et qui montre que le respect de l'autre en tant qu'égal avance avec le siècle, et grandit au suivant. En 1922, Georgette Agutte, peintre et sculpteur, perd son mari et amour depuis 25 ans, Marcel Sembat, député socialiste, décédé d'une hémorragie cérébrale. Les deux s'adoraient, s'admiraient infiniment, et ont constitué ensemble une collection d'œuvres de leurs amis peintres d'avant-garde qu'on peut voir aujourd'hui au musée de Grenoble. Georgette s'est suicidée quelques heures après le décès de son mari, laissant un mot de quelques lignes dont la beauté et la sérénité ne laissent pas de m'intriguer : "Voilà douze heures qu'il est parti. Je suis en retard".
Oui je sais, c'est triste, mais c'est tristement beau !