Vos témoignages ont fait remonter plein de souvenirs en moi, je risque d'écrire un pavé.
Quand je suis tombée enceinte, j'étais à fond pour l'allaitement. Dans la famille, il n'y avait qu'une cousine qui avait tenté le coup, les autres étaient toutes des biberonnantes chevronnées et je trouvais ça inadmissible qu'on ne veuille pas le meilleur pour son bébé. La cousine avait allaité 3-4 mois et j'étais déterminée à le faire pendant au moins 2 ans, j'allais leur montrer ce qu'était une bonne mère !!
J'ai tout lu sur le sujet, j'ai acheté le livre de la LL, j'ai contacté une intervenante qui ne pouvais me recevoir car l'accouchement était prévu un été, pendant les vacances de tout le monde. J'avais même imprimé le fascicule du ministère de la santé, je connaissais les préconisations de l'OMS sur le bout des doigts, j'étais à fond.
Le jour de l'accouchement (samedi), je n'ai pas pu donner la tétée d'accueil car on m'a enlevé ma fille au bout de 30sec sous prétexte qu'elle respirait mal. Je ne l'ai pas vu pendant les 2h d'observation, je ne l'ai récupérée que lorsqu'on m'a montée dans ma chambre. Arrivée là-haut, on m'a installée et ont gardé ma fille pour la nuit (j'avais accouché à 21h).
Le lendemain (dimanche), 7h30, me voilà réveillée en pleine forme et prête à avoir mon bébé dans les bras !!! J'ai essayé de lui donner le sein mais ça n'était pas facile car ma fille se tordait: c'est difficile de l'expliquer mais disons que son corps et sa tête n'étaient pas alignés, elle levait la tête et la tordait à 180° pour chercher le sein... J'ai essayé toutes les positions, madone, ballon de rugby, allongée, rien à faire. Les rares fois où ma fille trouvait le sein, elle tétait 2 fois puis le relachait et c'était le combat pour lui remettre dans la bouche. Seule, c'était impossible, je ne pouvais pas la porter sur mon bras, la mettre en face du sein, lui mettre à la bouche et le presser.
Comme Ana-addict, toute la maternité a défilé dans ma chambre, nuit et jour, toutes les sage-femmes ont manipulé mes seins. Aucun problème de lait, il suffisait de presser un peu mon sein pour que ça sorte en jet ! J'en perdais même sous la douche. C'est ma fille qui ne prenait pas la bonne position. C'était un cauchemar chaque fois qu'elles venaient me voir pour poser la question: "Elle a bu combien ?" "A quelle heure ?" 3 gorgées toutes les 3h, ça n'est pas une bonne réponse...
A ce rythme-là, bien sûr, ma fille a perdu du poids. Ca a été le début du gavage, on ne me laissait plus sortir de la chambre, il fallait que je la laisse au sein toute la journée. Avec un bébé qui hurlait de faim et se tordait dans mes bras (c'est vraiment le mot, son corps et sa tête se dissociaient complètement), c'était l'enfer. Une fois, elle a mangé un peu, je croyais que j'en voyais le bout et une sage-femme est venue me dire que ça n'était pas de l'allaitement, qu'elle n'avait pas mangé et que je ne savais pas y faire !
Le lundi, on m'a proposé LE truc horrible: le tire-lait électrique. Puisque ma fille ne mangeait pas, il fallait complémenter. Imaginez-vous dans une chambre double, à vous faire presser le sein par une machine qui fait un boucan infernal devant votre voisine de chambre et son mari... Ca a marché puisque j'avais du lait et j'ai enfin pour voir ma fille avaler quelque chose. Je devais donc lui proposer le sein quand elle pleurait puis tirer mon lait pour compléter. Ca n'a pas changé les problèmes du sein, ma fille était toujours tordue donc elle ne buvait que les compléments. Dans la nuit de lundi à mardi, j'ai discuté par SMS avec mon mari pour lui dire que je voulais passer au biberon. Il était d'accord, il m'a toujours laissé le libre choix.
Mardi matin, j'ai rdv avec le pédiatre et je me prépare à lui annoncer la nouvelle. Sauf que le rdv a lieu dans la salle commune, où se trouvent toutes les sage-femmes et où les mamans de la maternité viennent changer ou donner le bain à leurs bébés. Pour l'intimité, on a vu mieux. Je n'ose pas en parler, il me dit de continuer le tire-lait. C'est alors que la sage-femme me propose de donner le sein dans la salle, à côté d'elle, pour qu'elle me guide pendant qu'elle s'occupe des autres. Rien qu'à l'idée de sortir mes seins et de me montrer à nue devant toute la maternité avec un bébé hurlant dans mes bras, je manque de me trouver mal. Miracle, mon mari arrive à ce moment-là et je trouve un prétexte pour le rejoindre dans la chambre. C'est là que je fonds en larmes, je n'en peux plus, c'est un cauchemar.
La journée se passe, entre deux périodes de tirage de lait infernal. Le soir, dernier repas de la journée, ma fille a bu 30ml au biberon précédent donc je tire 80ml, je mets 40ml dans le biberon et je garde le reste au cas où pour ne pas gâcher (car on m'a aussi prévenu de ne pas gâcher le LM !). Mon mari lui donne le biberon, elle enguille les 40ml d'un coup ! Tout content, on sort le reste pour lui donner mais elle s'endort entretemps. La sage-femme arrive, on lui annonce fièrement qu'elle a bu 40ml et là, elle nous dit que ce n'est pas assez, qu'elle doit boire 60ml, qu'il faut la forcer !! On répond qu'elle s'est endormie, quà cela ne tienne, la sage-femme prend le biberon, se place derrière mon mari qui a toujours ma fille dans les bras, lui fourre le biberon dans la bouche et la force à avaler en lui malaxant les joues. Je regarde ailleurs parce que je sens que je vais exploser, mon mari est de plus en plus mal à l'aise, il se retrouve dans ma peau un instant lorsqu'on s'acharnait sur mes seins. Le biberon est vide, la sage-femme sort de notre chambre fière d'elle et moi je reprends ma fille dans les bras, le coeur en morceaux. C'est alors que ma fille vomit complètement le lait qu'elle vient d'avaler, c'est trop. Et la sage-femme qui revient plus tard et dit: "C'est qu'elle n'avait pas faim alors !" Connasse...
Mercredi matin, nous sommes en stress, si ma fille a encore perdu du poids, je dois rester dans la maternité. J'ai passé ma nuit à tirer mon lait et lui donner le bib dès son réveil, je flippe. Soulagement, son poids s'est stabilisé. Mais il n'est pas remonté donc ils hésitent à me laisser sortir. Très très longue matinée où tous les intervenants discutent puis on m'autorise à sortir en me rappelant que ma fille doit manger ("ah bon ? je pensais la laisser mourir de faim en rentrant") et sous condition que je vienne la faire peser le vendredi.
Nous rentrons tous les trois à la maison, je me sens légère. A peine arrivée, ma fille réclame, je la mets au sein pendant que mon mari fonce chercher le tire-lait à la pharmacie. Elle ne prend rien évidemment, c'est toujours pareil, elle se tord, elle lâche le sein, et plus elle s'énerve, moins elle y arrive. Mon mari arrive enfin, je me dépêche de me "traire" et on lui donne le biberon, ouf.
C'est à ce moment-là que nous avons discuté et que nous avons décidé de passer au LA. Ma fille n'arrive pas à attraper le sein, je déprime à chaque fois que je vois le tire-lait, mon mari n'aime pas non plus cette machine infernale qui réduit sa femme à l'état de vache laitière. C'est la meilleure décision que nous ayons prise. Du jour où nous sommes passés au LA, ma fille a mangé normalement, a repris du poids, et moi j'ai pu souffler. Mes seins ont été engorgés pendant 3 jours puis c'est passé.
Très souvent, je me suis dit que j'aurais dû insister. Qu’en allant voir une fille de la LL, on aurait pu trouver une position qui convenait. Que je privais ma fille de ce qu’il y a de meilleur au monde. Mais c’était un tel cauchemar dans cette maternité, c’était un tel soulagement de la voir boire sereinement au biberon. Alors je maudis ces bouquins qui viennent dire que l’allaitement est facile et qu’il suffit de bien mettre bébé au sein. Je n’avais pas de problème de fissures aux tétons ou d’engorgement, j’avais un problème de bébé tordu !
Aujourd’hui, mon mari et moi sommes d’accord pour ne pas allaiter les prochains. Car finalement, notre fille n’a encore jamais été malade (6 mois) et c’est beaucoup mieux de pouvoir la nourrir à deux, surtout la nuit… D’autant plus que mon mari n’aime pas faire le bain et aime moyennement les couches sales, le biberon, c’est quand même un moment privilégié bien plus sympa !